Un appel pressant

Méditations spirituelles 04/03/2021

Mars 2021 | ROBERT H. PIERSON | Adventist World


Cet article est un condensé d’une présentation de Robert Pierson, président de la Conférence générale, lors du Concile annuel, après l’annonce de sa retraite le 16 octobre 1978. Il a été publié dans son intégralité dans la revue Adventist Review le 26 octobre 1978. – La rédaction


Ce sera la dernière fois que, dans mon rôle actuel, je me tiendrai devant les dirigeants mondiaux de mon Église, votre Église, notre Église. Par conséquent, je désire vous laisser ces quelques mots.

Je tire mes réflexions d’un texte du pasteur Ralph Neall et de sa femme, dans lequel ils décrivent comment une secte se transforme généralement en Église. Selon eux, une secte est souvent créée par un dirigeant charismatique doté d’une énergie et d’un engagement extraordinaires, et voit le jour en protestation contre la mondanité et le formalisme dans une Église. Ce sont généralement les pauvres qui y adhèrent. Les riches, eux, considèrent qu’ils perdraient trop, car elle est impopulaire, méprisée, et persécutée par la société en général.

Elle a des croyances bien définies aux- quelles adhèrent fermement ses membres remplis de zèle. Chacun d’eux décide personnellement de se joindre à cette secte et sait ce qu’il croit. Elle comporte peu d’organisation, de biens, de bâtiments. Le groupe a des normes et des contrôles stricts sur le comportement. Les prédicateurs, souvent sans formation, surgissent, mûs par un ressort intérieur.

Et puis, cette secte passe à la deuxième génération. Comme son effectif augmente, elle doit s’organiser et avoir des bâtiments. Grâce à leur industrie et à leur frugalité, les membres deviennent prospères. Alors que cette prospérité s’accroît, la persécution commence à diminuer. Les enfants nés dans ce mouvement n’ont pas à prendre de décisions personnelles pour y adhérer. Ils ne savent pas forcément ce qu’ils croient. Ils n’ont pas besoin de développer leurs propres positions. Celles-ci ont déjà été élaborées pour eux. Les prédicateurs naissent davantage par sélection et par un apprentissage de la part des ouvriers plus âgés que par un ressort interne direct.

À la troisième génération, l’organisation se développe, des institutions sont établies. On se rend compte qu’il faut ouvrir des écoles pour transmettre la foi des pères. On établit des instituts d’enseignement supérieur. On doit exhorter les membres à se conformer aux normes alors que les normes d’adhésion, elles, diminuent.

Le groupe devient laxiste face à l’exclusion des membres non pratiquants. Le zèle des missionnaires se refroidit. Les dirigeants étudient les méthodes de propagation de leur foi, en utilisant parfois des récompenses extrinsèques pour motiver le service des membres. Les jeunes se demandent pourquoi ils sont différents des autres et se marient avec ceux qui ne partagent pas leur foi.

La quatrième génération dispose d’une abondante bureaucratie ; le nombre d’administrateurs augmente, mais le nombre d’ouvriers sur le terrain diminue. On tient de grands conciles pour définir la doctrine. On établit davantage d’écoles, d’universités et de séminaires. Ces établissements d’enseignement se tournent vers le monde pour obtenir leur accréditation et tendent à se séculariser. On assiste à un réexamen des positions et à une modernisation des méthodes. Le mouvement cherche à « s’actualiser » pour la société contemporaine en s’engageant dans des causes populaires. Les services deviennent formalistes. Le groupe jouit d’une acceptation totale du monde. Bref, la secte est devenue… une Église !

Frères et sœurs, une telle chose ne doit jamais arriver à l’Église adventiste ! Cette Église n’est pas qu’une Église comme les autres, c’est l’Église de Dieu !

Des forces subtiles commencent déjà à s’agiter. Malheureusement, certains membres de l’Église rabaissent l’inspiration de l’ensemble de la Bible ; ils méprisent les 11 premiers chapitres de la Genèse, remettent en question la déclaration de l’Esprit de prophétie quant à l’âge de la terre, et attaquent subtilement – et pas si subtilement que ça – l’Esprit de prophétie.

Certains considèrent que les réformateurs et les théologiens contemporains sont une source et une norme pour la doctrine adventiste ; d’autres souhaitent oublier les normes de l’Église que nous aimons. Certains convoitent et courtisent les évangéliques ; d’autres se débarrassent du manteau de ce peuple spécial, et d’autres encore, empruntent le sentier du monde sécularisé et matérialiste.

Je vous en supplie : ne laissez pas faire ça ! Nous ne sommes pas des anglicans du septième jour, ni des luthériens du septième jour – nous sommes des adventistes du septième jour ! L’Église adventiste est la dernière Église de Dieu, la dépositaire du dernier message de Dieu !

Dieu cherche des hommes et des femmes qui aiment l’Église et la vérité de Dieu plus qu’ils n’aiment leur propre vie, des hommes et des femmes qui veillent à ce que cette Église dirigée par lui parvienne au royaume. La tâche qui nous attend ne sera pas facile. Si je comprends bien la Bible et l’Esprit de prophétie, une période de difficultés et de défis telle que cette Église et ce monde n’en ont jamais connue auparavant pointe à l’horizon.

« L’ennemi des âmes a cherché à introduire la supposition selon laquelle une grande réforme doit avoir lieu parmi les adventistes du septième jour : cette réforme devrait consister à renoncer aux doctrines qui constituent les piliers de notre foi et à entreprendre un travail de réorganisation. Si une telle réforme avait lieu, qu’est-ce qui s’ensuivrait ? Les principes de vérité que Dieu, dans sa sagesse, a donnés à l’Église du reste seraient rejetés. Notre religion subirait un changement. […] Une nouvelle organisation serait établie. Des livres d’un ordre différent seraient écrits. On introduirait un système de philosophie intellectuelle. Les fondateurs de ce système se rendraient dans les villes pour y accomplir une œuvre magnifique. […L]e sabbat serait peu respecté, tout comme le Dieu qui l’a établi. Ce nouveau mouvement ne tolérerait aucune opposition. Ses chefs enseigneraient que la vertu est préférable au vice, mais du moment que Dieu serait écarté, on ne dépendrait plus que de la force humaine qui est impuissante sans Dieu (1). »

L’Église adventiste a eu son alpha il y a des années (2). Vous et moi sommes les dirigeants qui feront face à l’oméga, lequel sera de la même origine subtile et diabolique. Son effet sera plus dévastateur encore que celui de l’alpha. Étudiez, soyez au courant de ce qui vous attend, puis, avec l’aide de Dieu, préparez votre peuple à y faire face.

« Dieu appelle des hommes qui sont prêts à faire face aux situations d’urgence, à des hommes qui, en temps de crise, ne passeront pas dans le camp de l’ennemi (3). »

Lors d’une vision, Ellen White a vu un navire s’avancer en direction d’un iceberg. Et une voix lui a dit : « Fonce dessus (4) ! »

Chers collègues dirigeants, il se peut que dans un avenir pas si loin- tain que ça, vous deviez, vous aussi, foncer sur ce iceberg. Je prie Dieu de vous donner à cet égard grâce, courage, et sagesse.

Et en conclusion, « [q]uelle magnifique pensée : le conflit touche à sa fin ! Dans la phase finale de l’œuvre, nous rencontrerons des dangers auxquels nous ne saurons comment échapper ; n’oublions pas que les trois grandes puissances du ciel sont à l’œuvre, qu’une main divine est au gouvernail, et que Dieu réalisera son dessein. Il saura rassembler hors du monde un peuple qui le servira dans la justice (5). »

Quelle merveilleuse assurance nous avons de participer à l’œuvre de Dieu ! Cette œuvre dépend non d’un homme, mais de notre relation avec Dieu. Il n’y a qu’un seul moyen pour nous d’affronter l’avenir : aller au pied de la croix. Une Église qui fixe les yeux sur l’Homme du Calvaire ne marchera jamais dans l’apostasie.


1 Ellen G. White, Messages choisis, vol. 1, p. 238.
2 S’appuyant sur les aperçus prophétiques d’Ellen White, les adventistes ont interprété la crise « alpha » comme faisant référence à la crise Kellogg au début du 20e siècle.
3 Ellen G. White, dans Review and Herald, 5 novembre 1903.
4 Idem., Selected messages vol. 1, p. 206.
5 Idem., Messages choisis, vol. 2, p. .


Robert H. Pierson a été président de la Conférence générale de 1966 à 1979.