À propos des lieux de culte

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L’Église primitive, pendant les trois premiers siècles de son histoire, s’est réunie dans des maisons particulières et dans des lieux publics, extérieurs ou intérieurs. Sa préoccupation majeure était de répondre à la mission du Christ. Jésus avait dit “Je bâtirai mon Église” et parlait d’une communauté d’êtres humains unis par la foi en lui plus que de la construction de bâtiments. Cela ne a pas empêché l’Église de grandir. L’apôtre Paul a bien précisé que cette construction se manifeste dans chaque croyant, dont le corps est le temple du Saint-Esprit (1 Co 6.19,20), et dans la communauté des fidèles, dans l’Église, saint Temple de Dieu et corps du Christ (1 Co 3.16,17, Ep 1.23).

S’il est de la responsabilité des chrétiens de trouver les lieux de rencontre répondant aux besoins de la mission évangélique, l’essentiel reste la construction et la croissance de la communauté ecclésiale. L’Église chrétienne, et en particulier l’Église adventiste, est présente dans presque tous les pays du monde, sur tous les continents. Elle doit s’adapter aux situations particulières de chaque endroit afin de trouver les lieux appropriés à la vie communautaire des croyants et à la proclamation de l’Évangile. Cette double responsabilité nous oblige, dans les temps difficiles qui sont nôtres, à une réflexion biblique approfondie, sans préjugés, sur la nature et la fonction de ces lieux de culte et de témoignage.

Dans l’Ancien Testament, c’est la présence de Dieu qui définit la sainteté

L’Ancien Testament nous présente un Dieu créateur qui se manifeste dans l’espace et dans le temps. Ce Dieu propose la sanctification, c’est-à-dire la “mise à part” d’un temps, le sabbat, mais non la mise à part de lieux. Il est vrai qu’à plusieurs reprises, Dieu a demandé à l’homme de reconnaître la sainteté d’un endroit (par exemple dans l’épisode du buisson ardent), parce qu’il était, à ce moment précis, pour un temps limité, le lieu provisoire de sa présence. Mais il n’a demandé d’en faire ni un lieu de pèlerinages ni même un lieu de culte.

Le peuple d’Israël a édifié le sanctuaire dans le désert parce que Dieu a voulu habiter au milieu de son peuple. Cette présence divine en fait un peuple saint, mis à part par Dieu pour accomplir une mission particulière. Supports matériels de la relation avec Dieu, la tente et ses ustensiles sont aussi regardés comme des choses sacrées. Le livre des Nombres les décrit comme occupant le centre du campement d’Israël. Mais ce n’est pas un lieu dans lequel le peuple se rassemble : il est trop petit pour cela et n’est pas aménagé pour recevoir du public. Seuls les prêtres y entrent régulièrement, et le grand prêtre pénètre dans le lieu très saint une seule fois par an et dans le cadre d’un rituel bien précis. La cour ou parvis permet d’accueillir quelques personnes qui viennent présenter leur sacrifice. On appelle ce lieu “tente de la rencontre” parce que Moïse, le conducteur du peuple, y rencontre Dieu pour recevoir ses instructions (Ex 30.36 ; Lv 1.1) ou parce que tout Israélite qui en ressent le besoin y vient consulter Dieu (Ex 33.7). Le peuple se rassemble à l’entrée de ce lieu (Lv 8.3, 4 ; 9.5), mais jamais à l’intérieur de la tente ni dans son parvis.

L’histoire de cette tente n’indique pas précisément tous les endroits où elle a été installée. On peut dire que certains textes attestent de sa présence pendant un certain temps au lieu dit le “cercle” (Guilgal), une fois qu’on a franchi le Jourdain. Puis on la trouve à Silo à l’époque d’Héli et de Samuel (encore que les termes utilisés pour en parler donnent l’impression qu’il s’agissait d’un bâtiment en dur avec des portes), puis à Gabaon, avant que Salomon ne construise le Temple. Mais il y a une rupture : l’arche de l’alliance, qui est l’objet considéré comme le plus sacré du sanctuaire, est souvent déplacée. Elle accompagne l’armée à la guerre, elle est saisie par les Philistins, puis elle voyage et elle est recueillie successivement dans plusieurs villages et chez plusieurs personnes. David a voulu ensuite la transporter (épisodes d’Uzza et de Mical, 2 S 6), et a dû s’y prendre à deux reprises pour la déposer dans une tente qu’il avait dressée à Jérusalem avant que soit construit le Temple.

Quand Salomon construit le Temple et prie lors de son inauguration, il prend conscience que ce ne sera pas la résidence de Dieu, mais seulement celle de son Nom (voir 1 R 8.27-29 ; Dt 12.11), c’est-à- dire de sa présence dans la mesure où elle est invoquée par l’usage de son Nom. C’est vers ce Temple qu’on se tournera pour prier. Finalement, il sera considérablement bousculé, abandonné, réhabilité puis détruit. Les visions d’Ezéchiel 1, 2 et 10 font comprendre à Israël que le trône de Dieu ressemble à un char mobile avec des roues, qu’il se déplace, et donc qu’on ne peut l’enfermer dans un lieu même considéré comme sacré. Dieu part en Babylonie avec les déportés, il pourra être tout autant avec eux sans ce lieu “saint”. Finalement, Dieu reviendra dans le nouveau temple dont la vision termine le livre, comme un symbole de sa présence définitive au milieu de son peuple.

Au cours de l’exil s’est forgé ce qui est devenu le culte de la synagogue, sur le modèle duquel s’est construit le culte chrétien, qui n’a rien à voir avec le culte du Temple : un culte sans prêtres, sans sacrifices et sans autre ustensile que les livres saints. On revient à la notion très forte qui était là dès l’origine : il n’y a pas de lieu sacré en soi. Dieu peut être partout où est son peuple, en exil comme dans une situation plus sereine.

Dans le Nouveau Testament, il n’y a pas de lieux saints

Lorsque Jésus vient, il fréquente le Temple, il est vrai, pour certaines fêtes, mais surtout les synagogues. Il déclare que le Temple est la “maison de prière pour tous les peuples”. Ce qui séparait la partie la plus sainte de la vue des gens est aboli par le déchirement du voile du haut en bas au moment de sa mort. Les lieux sont donc secondaires : l’enseignement de Jésus à la femme samaritaine est très clair à ce sujet (Jn 4.20-24). Ce qui est important dans la sainteté, ce sont les dispositions intérieures et l’adoration en Esprit et en vérité.

Les deux écrits de Luc, dès leur début, montrent la différence entre une conception tirée de certaines parties de l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Zacharie, le prêtre, père de Jean-Baptiste, reçoit la visite de l’ange alors qu’il est de service dans le Temple de Jérusalem. Il est présenté comme un être intègre. Il représente l’Ancien Testament. Marie, elle, reçoit la visite de l’ange chez elle dans une ville de mauvaise réputation, dans une région considérée comme polluée par les non-juifs (goyim), et elle est saluée comme bénéficiaire de la grâce de Dieu. Elle représente le Nouveau Testament.

Toute l’épître aux Hébreux est rédigée pour faire comprendre, entre autres, aux chrétiens d’origine juive qu’ils n’ont pas à s’inquiéter d’une éventuelle destruction du Temple par les armées romaines ou à s’en désoler si elle a déjà eu lieu. Dieu restera présent dans la vie de chacun et de la communauté. Le ministère du Christ comme grand prêtre l’atteste fortement.

Les apôtres Paul et Pierre insistent dans leurs épîtres pour dire que le temple de Dieu est le corps du croyant, sa personne sanctifiée par la présence de l’Esprit de Dieu qui produit en lui son fruit (1 Co 6.19,20). C’est aussi le corps des croyants, l’assemblée qu’est l’Église au sein de laquelle habite l’Esprit qui équipe les croyants de charismes pour leur permettre de remplir leur mission dans le monde (1 Co 3.16,17 ; 1 Pi 2.4,5). Ainsi, pour les auteurs du Nouveau Testament, la théologie de l’adoration passe résolument d’un lieu unique, lié à une “terre” et à un peuple, à des lieux multiples que sont les coeurs des individus, et toutes les assemblées de l’Église.

Dans son orientation générale, le Nouveau Testament revient lui aussi très fortement aux origines. Il considère que la période du Tabernacle et du Temple est une sorte de grande parenthèse. La présence de Dieu n’est plus conçue comme dépendante d’actes, de rites, d’un lieu, d’un mobilier, de sacrifices, mais elle est réelle par son Esprit dans le coeur de chaque croyant. Cette présence doit se manifester par leur façon de vivre dans les maisons qui s’ouvrent pour le partage du pain, la prière, l’enseignement des apôtres… La vision biblique donne donc des bases très solides à une théologie sans lieux sacrés. “Car là où deux ou trois sont rassemblés pour mon nom, je suis au milieu d’eux” (Mt 18.20) : ainsi tout lieu fréquenté au nom de Dieu par des croyants devient de ce fait momentanément saint.

L’histoire

À travers les siècles, des chrétiens ont construit des lieux de culte. Certains sont des chefs-d’œuvre d’architecture. Tous méritent notre respect, certains, notre admiration. Mais aucun n’est un lieu saint en lui-même. Ils peuvent l’être dans la pensée de ceux qui les ont construits ou de ceux qui les utilisent pour adorer. L’Église adventiste a suivi les traditions des milieux chrétiens protestants en construisant des lieux de culte qu’elle désigne par les mots temple, église ou chapelle. Elle a acheté des lieux de culte construits par d’autres Églises chrétiennes avec des architectures très variées. Elle se réunit dans certains lieux qui servent aussi à d’autres Églises chrétiennes ou à d’autres activités (salles publiques en tout genre, stades, centres de congrès, théâtres, cinémas, gymnases, etc.).

Comme tous les groupes chrétiens, les adventistes ont tendance à reproduire ce que les autres chrétiens ont fait à partir de la fin du IIIe siècle jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire un modèle qui correspond à une cléricalisation de l’Église et à une sacramentalisation de la théologie. La cléricalisation, c’est le classement des croyants en deux catégories, les clercs et les laïcs, dont seule une, celle des clercs, est habilitée à agir au nom de l’Église. La sacramentalisation, c’est la réduction de la foi chrétienne à des rites scrupuleusement accomplis, efficaces pour transmettre la grâce de Dieu par les seuls clercs. De fait, ne sommes-nous pas arrivés, nous, adventistes, à imiter les autres chrétiens, en particulier dans nos pays où le modèle était d’abord le modèle catholique, c’est-à-dire à sacraliser des bâtiments, des lieux, des personnes et des rites ? Malgré notre enseignement, n’observons-nous pas des attitudes qui consistent à attribuer à des lieux et à des objets un caractère intrinsèquement sacré ?

Ces questions nécessitent, à la lumière de l’Écriture, un examen attentif qui se fera en deux temps : tout d’abord par l’étude de ce qui fonde et manifeste le respect du lieu de culte, et ensuite par celle de la signification de la cérémonie d’inauguration lors de laquelle s’expriment l’engagement et le témoignage de la communauté à partir de ce lieu particulier.

Le culte, lieu sacré ou moment saint ?

Le Manuel d’Église, dans son chapitre sur les normes de la vie chrétienne, contient un paragraphe intitulé “Le respect pour le lieu de culte”. En voici quelques extraits :

Les chrétiens qui reconnaissent la toute-puissance de Dieu, qui apprécient sa sainteté et son amour, manifesteront, en toutes circonstances, un profond respect pour lui, pour sa Parole et pour son culte. “Un profond sentiment d’humanité et de révérence doit caractériser tous ceux qui entrent en présence de Dieu” (Patriarches et prophètes, p. 228). Ils sauront que “l’heure et le lieu de la prière sont sacrés, car Dieu est là” (Le ministère évangélique, p. 172). Ils pénétreront dans la maison de Dieu non pas avec nonchalance mais dans un esprit de méditation et de prière, en évitant toute conversation inutile.

Les parents doivent expliquer à leurs enfants comment se conduire dans la maison de Dieu (1 Tm 3.15). Une instruction et une discipline fidèles au foyer, à l’École du sabbat et à l’Église pendant l’enfance et l’adolescence, pour tout ce qui touche au respect de Dieu et de son culte, contribueront pour une large part à assurer leur fidélité ultérieure. Le prédicateur pénétré du caractère sacré du service divin s’efforcera, par son exemple, par ses instructions et par sa manière de se comporter en chaire, d’encourager le respect, la simplicité, le bon ordre et le décorum dans l’église. “L’Éternel est dans son saint temple : que toute la terre fasse silence devant lui (Ha 2.20) (1). “

Ainsi, le moment où la communauté se réunit pour adorer son Dieu est saint parce que Dieu, présent selon sa promesse, est saint. On peut aussi dire que le lieu de la rencontre est saint au moment de cette rencontre entre les adorateurs et leur Dieu. Encore faut-il définir plus précisément ce que l’on entend par “saint” mais aussi par “sacré”, mots déjà employés précédemment. Dans beaucoup de textes, y compris dans nos versions de la Bible, ces termes sont plus ou moins synonymes et interchangeables – ce qui est compréhensible lorsqu’il s’agit de propos généraux – mais au risque d’une confusion. Dès lors, dans les lignes qui suivent, par rigueur et pour éviter tout malentendu, ils seront utilisés de manière plus différenciée et plus précise. Par exemple on parle du Dieu saint, et même trois fois saint, ou du Saint- Esprit, mais on ne dit pas le Dieu “sacré” ou l’Esprit “sacré”. Les mots “saint” et “sacré”, ont plusieurs sens, souvent difficiles à définir. Clarifions donc ceux dans lesquels ils seront employés au cours de l’analyse qui va suivre.

Le mot “saint”, dans l’usage courant, désigne des personnages remarquables par leur piété et la générosité de leur vie. Au contraire, pour les auteurs du Nouveau Testament, tout croyant véritable est appelé saint (1 Co 1.1) parce que Dieu est saint et qu’en Christ, il est né de Dieu. Ce Dieu saint demande alors à l’homme ou au peuple qui veut le servir une sanctification ou une consécration, c’est-à- dire une mise à part de sa vie et de ses comportements. Certains actes, comme la cène, certains temps, comme le jour du repos, sont dits “saints” parce qu’ils expriment la communion entre Dieu et l’homme. Le lieu de rencontre devient saint parce que s’y retrouvent des personnes sanctifiées par Dieu en vertu de leur foi en lui. Le mot “saint” sera réservé à Dieu, à toute personne ou groupe de personnes qui entre en relation d’adoration avec Dieu, et à tout acte manifestant cette relation.

En revanche, dans ce texte, nous utilisons le mot “sacré” pour désigner des objets, des lieux ou des actes considérés par l’homme comme porteurs, en eux-mêmes, d’une valeur surnaturelle ou religieuse et protégés de toute profanation ou désacralisation par des interdits bien codifiés et absolus. Sacraliser un lieu ou un objet, c’est le rendre sacré, c’est créer dans l’esprit des gens une sorte de divinisation qui lui confère une pureté et une perfection telles qu’aucun humain ne peut y pénétrer ou le toucher à moins d’être lui-même choisi de manière particulière (cléricalisation) et purifié par des rites précis (sacramentalisation). Ces rites sont prescrits par la ou les divinités qui leur sont liées. L’être humain qui les touche ou qui y entre n’a aucune liberté d’initiative à leur égard. Ce sont des tabous. Il ne peut qu’obéir à des ordres fixes et immuables, indiscutables et impossibles à adapter à de nouvelles circonstances. Devant ces objets ou ces lieux, l’homme perd toute liberté. Si une impureté y est introduite, on parle alors de désacralisation ou de profanation. Seul un rite de purification peut permettre au lieu ou à l’objet profané de retrouver sa sacralité. Dans ce sens-là que nous croyons qu’il n’y a ni lieu ni objet sacré dans la théologie du Nouveau Testament.

Cette distinction entre sacré et saint est importante. Il peut y avoir des lieux, des objets et des temps provisoirement saints quand Dieu manifeste sa présence en eux ou par eux. Mais cette sainteté concerne les humains présents. Elle n’est pas d’abord d’ordre rituel ou moral, mais relationnel. Elle dépend de la qualité de la relation avec Dieu et avec ses enfants qu’entretient la personne impliquée dans cette présence de Dieu.

Jésus n’a pas accepté la sacralisation : il l’a clairement montré en rappelant que David avait mangé les pains de proposition réservés aux seuls prêtres. C’est dans ce contexte qu’il a dit que l’homme n’a pas été fait pour le sabbat, mais le sabbat pour l’homme (voir Mc 2.23-28). C’est donc l’homme qui est saint et qui va, en tant qu’être responsable, utiliser des temps et des lieux pour vivre sa relation avec Dieu.

Une vision plus unifiée et plus exigeante de la vie chrétienne

L’enseignement de la Bible, et spécialement celui de Jésus, nous invite donc à une vision plus simple, plus unifiée, mais plus exigeante aussi, que celle de l’opinion commune. Nous n’avons pas à compartimenter nos vies. Nous sommes chrétiens partout où nous sommes et tout le temps que nous vivons. Notre vie entière et toutes nos activités sont appelées à la sainteté, et pas seulement le moment où nous prions, chantons ou adorons dans un bâtiment particulier.

Cependant, nous devons tous apprendre à respecter les temps communautaires : si tel temps est consacré collectivement au culte, nous nous faisons un honneur de respecter ce temps, ce lieu et cette activité en évitant tout ce qui peut nuire à son caractère précieux. Préparer avec soin le déroulement du culte permet à l’assemblée d’en vivre mieux le caractère spirituel et saint. La manière de conduire l’assemblée à entrer dans l’adoration, puis à en parcourir les différentes étapes et finalement à la conclure, est déterminante pour la qualité de ce moment.

Loin de vouloir favoriser une banalisation des services religieux, ce texte, au contraire, appelle à en renforcer la qualité, par une conscience plus juste, plus aiguë, de la sainteté de la relation spirituelle et par une adoration renouvelée tant personnelle que communautaire. Le silence comme le dialogue fraternel doivent trouver leur place dans le culte public. Tout élément perturbateur (téléphones portables par exemple) doit être évité. Le comportement des enfants nécessite une attention bienveillante mais ferme des parents et de tous les responsables, pasteurs, anciens, animateurs. Les diaconesses et les diacres, tout spécialement, devront exercer avec tact un ministère de plus en plus difficile ; lorsque ils veillent à la bienséance des lieux et des temps, les parents sont invités à leur faciliter la tâche plutôt qu’à réagir négativement. C’est un moment qui peut grandement contribuer à leur éducation générale et religieuse en développant, en fonction de leur âge, leur intérêt et leur respect pour les réalités spirituelles. On peut comprendre et l’on doit accepter que des petits enfants fassent très ponctuellement un peu de bruit, et se réjouir de leur présence. En résumé, chaque adorateur s’engagera à donner de la qualité à ce culte communautaire.

Cet esprit d’adoration, ce sentiment de la présence de Dieu et la qualité de culte qui en résulte ne devraient pas être liés à un lieu. Quelles que soient la taille, l’architecture et la qualité, nos maisons d’habitation doivent être aussi aptes à accueillir notre spiritualité que n’importe quel bâtiment construit spécialement pour le culte. Elles n’ont certes pas la dimension pour accueillir de grands groupes. Il est important de se rappeler que l’essentiel de la spiritualité se joue davantage, et sans perte du caractère saint de ce qui se vit, dans le cadre de petits groupes de dimension familiale que dans celui de grands groupes. Notre éducation nous a façonnés, et chacun de nous place la limite entre le respect et le non- respect à des niveaux différents. Certains estiment que prendre un repas dans un lieu de culte (sauf pour la sainte cène), n’est pas permis ; d’autres, qu’on ne doit pas y prononcer de paroles à haute voix (sauf quand on est sur la chaire), ou d’autres encore manifestent leur respect par d’autres exigences. Nous devons donc dialoguer avec humilité les uns avec les autres pour nous entendre sur ce que nous considérons comme respect de nos lieux et de nos temps de culte. Mais nous ne pouvons le faire de manière crédible que si nous mettons la priorité sur les personnes que Dieu appelle à la sainteté, plutôt que sur des objets, des lieux ou des moments. Lorsque, dans le cadre d’une vie consacrée, sont organisées des activités autres que celle de l’adoration au sens restreint du terme, cela ne pose pas de problème théologique, sauf si l’on voulait maintenir ou réintroduire une théologie de la sacralisation. Le Christ n’est pas venu pour sauver un lieu, un bâtiment, un objet ou un temps particulier dans notre calendrier. Il a donné sa vie pour sauver des personnes. C’est ce qui doit les rendre encore plus précieuses à nos yeux et nous encourager à les respecter profondément.

Le fait d’avoir des groupes de partage biblique lors des services religieux dans nos grandes assemblées peut déplaire pour des raisons très concrètes de confort d’écoute, mais non parce que le lieu serait désacralisé par ces échanges. Organiser des programmes musicaux, des repas communautaires, des débats ou d’autres activités dans les locaux qui accueillent aussi l’Église pour le culte public peut poser des problèmes logistiques, mais pas théologiques. Utiliser des locaux d’Église pour favoriser le rayonnement de l’Évangile par des activités variées contribuera à éviter de limiter la vie spirituelle au culte en grand groupe rassemblé une fois par semaine.

À la gloire de Dieu

À l’occasion de la mise en service des bâtiments appartenant à l’Église ou qu’elle loue de façon régulière, est organisée une cérémonie d’inauguration. Celle-ci a une indiscutable dimension sociale. C’est surtout pour l’Église un témoignage et une fête spirituelle exprimant sa gratitude, une vision d’avenir et son désir profond de respect et de service : “Une Église n’est pas un bâtiment mais un groupe de personnes. L’assemblée est venue pour se consacrer elle-même (2) .” Cette déclaration indique que l’inauguration, appelée aussi service de dédicace ou de consécration, ne signifie pas que ces lieux deviennent sacrés en eux-mêmes et ne veut pas dire non plus que ce lieu ne peut servir qu’au culte proprement dit. Mais qu’entendre par inauguration, dédicace ou consécration ?

Le mot inauguration, malgré ses origines païennes, est devenu, dans l’usage, un mot non religieux désignant “la cérémonie par laquelle on procède officiellement à la mise en service d’un bâtiment” (Petit Larousse). Ce sens traduit bien la dimension sociale de l’événement mais ne rend pas tout le sens que l’Église en attend. La dédicace (latin dedicatio, “consécration d’un temple, d’un théâtre, puis d’une église”, Dictionnaire historique de la langue française) et à plus forte raison la consécration (sens original très voisin du précédent, bien qu’à partir d’un vocable différent, celui de “sacrer”) vont plus loin dans le sens relationnel et religieux. Nous avons vu le risque latent de l’influence, plus ou moins inconsciente, de la tendance sacramentelle. Il est donc important de préciser le sens de ces cérémonies et leur signification acceptable parce que conforme à l’enseignement biblique. Ce qui va dans le sens de sacraliser, de “rendre sacré”, des lieux ou des objets, s’éloigne de la pensée évangélique. Celle-ci nous invite à préférer la notion de sainteté, notion liée à la personne de Dieu et caractérisant la relation des enfants avec leur Père céleste. Personnes et relations sont donc les maître mots des réalités exprimées par l’acte de dédicacer (ou dédier) et consacrer (ou sanctifier).

Ce serait singulièrement appauvrir le sens d’une dédicace ou d’une consécration d’un lieu de culte de ne pas donner, en vue du projet de vie véritablement prophétique de cette cérémonie, la primauté à la relation de Dieu avec la communauté des croyants, dans les multiples activités de sa vie et de son témoignage. Et, si l’on voulait entendre par consécration le fait de “réserver exclusivement ce lieu au culte”, ce serait amputer le sens du mot “culte” de le limiter à un moment habituellement vécu le sabbat en fin de matinée. Comme l’écrit Paul, le “culte raisonnable” (ou spirituel, TOB), c’est de “s’offrir en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu” (Rm 12.1), c’est glorifier “le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ”, principalement par le témoignage de la fraternité : “Accueillez-vous les uns les autres, comme Christ lui-même vous a accueillis, pour la gloire de Dieu” (Rm 15.6-7) ; alors, “soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu” (1 Co 10.31).

Une Église locale peut “consacrer un bâtiment” dans son ensemble, avec tout ce qu’il représente de vie partagée et de volonté d’y faire rayonner l’Évangile. Cette communauté dit ainsi qu’elle veut être présente dans la société et qu’elle dispose pour cela d’un instrument immobilier. Elle explique qu’elle a construit l’ensemble du bâtiment pour cela, et elle dit aux autorités de la ville, aux frères et soeurs des Églises voisines, à ses membres et aux visiteurs que ce lieu-là, elle le veut comme lieu de vie d’où rayonne l’Évangile à partir de la communauté humaine qu’elle forme. Quand on prie lors d’une telle cérémonie, on ne le fait pas pour le bâtiment ou une pièce du bâtiment, mais pour que les utilisateurs n’oublient pas leur mission et qu’ils en soient des acteurs inspirés ! Cela implique donc une grande clarté dans les mots prononcés dans ces occasions, pour éviter de sacraliser des lieux.

Envoi : pour une éthique de mission

En introduction, nous soulignions l’importance des lieux de rencontre nécessaires à la mission évangélique. Pour remplir correctement celle-ci, l’Église chrétienne doit fonctionner à trois niveaux de relation : le niveau individuel, le niveau du petit groupe et le niveau de l’assemblée.

1. Elle doit communiquer l’Évangile à chaque personne et lui enseigner à vivre une relation personnelle avec Dieu.

2. Elle doit établir des relations étroites entre ces personnes dans le cadre de petits groupes où la confiance est plus grande, la solidarité efficace. Seuls des groupes de disciples solidement attachés par une amitié vraie peuvent progresser dans un vécu profond de l’Évangile, comme en témoigne la vie communautaire et le développement de l’Église primitive.

3. Elle doit permettre aux croyants de se retrouver dans de grandes assemblées pour leur donner conscience d’une identité commune forte d’enfants de Dieu et pour développer en eux la foi en un Dieu grand.

Pour les deux premiers types de relation, l’Église n’a pas le besoin obligatoire de locaux spécifiques. Les maisons particulières suffisent à l’efficacité de la mission.

C’est pour la troisième dimension (niveau assemblée ou peuple) qu’il est nécessaire de trouver des locaux adéquats à ces rencontres de grands groupes. Mais alors, ces locaux doivent pouvoir accueillir toutes sortes d’activités – ce qui d’ailleurs va de pair avec une gestion éthique des finances ecclésiastiques – manifestant les différentes dimensions de la vie. Car la vie du croyant et de la communauté des croyants ne peut se limiter à sa dimension strictement liturgique, elle est appelée à être sainte dans toutes ses dimensions.

Ainsi le Christ pourra continuer à bâtir son Église et réaliser, par elle et par le ministère de l’Esprit, sa promesse d’être, avec tous ceux qui la composent, tous les jours jusqu’à la fin du monde.

Commission d’éthique de l’UFB 20 juin 2010

Vote du comité de l’UFB du 13 novembre 2012


1 Manuel d’Église, Vie et Santé, 2006, pages 176 et 177, c’est nous qui soulignons.

2 « La dédicace d’une église », Mémento du pasteur, UFB, 1998, page 274, publié par l’Association pastorale de la Conférence générale.


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