Roi, empereur, réformateur

Méditations spirituelles 21/05/2023

Par Romică Sîrbu | Signs of Times

La Renaissance carolingienne doit être comprise comme une “réforme et une reconfiguration de tous les peuples sous le règne de Charles, en vue de créer un territoire chrétien dans ses structures institutionnelles, sa conduite morale et ses convictions personnelles”[1].

“Devant eux tous, drapé à contrecœur dans ses habits romains, se tenait Karl. Le pape plaça la couronne impériale sur la tête de Karl, accomplissant en un seul geste des années de planification… Puis, dans un acte d’auto-humiliation cérémoniale qui hantera longtemps le pape, Léon s’agenouilla devant Karl, le premier empereur à Rome depuis près de 400 ans…”[2] Nous sommes en l’an 800.

La montée en puissance

L’histoire glorieuse de Charlemagne a commencé 32 ans plus tôt. Après la mort de son père, Charles partage le royaume franc avec son frère Carloman. Cependant, Carloman meurt en 771 et Charles devient le seul souverain du royaume franc, s’emparant des territoires de Carloman. De ce moment jusqu’à l’an 800, son règne est caractérisé par des guerres et une expansion incessante.

Le rêve de Charlemagne de créer une Europe unie allait influencer l’histoire de manière significative. Immédiatement après son propre couronnement, Napoléon s’est rendu sur la tombe de Charles, comme un symbole d’identification à sa grande aspiration.

Lors de son couronnement en tant qu’empereur, Charles était le maître des territoires connus aujourd’hui comme la France, le Benelux, l’Allemagne (sans la partie nord-est), l’Autriche, la République tchèque et le nord de l’Italie. Son objectif n’est pas la renaissance de l’ancien Empire romain, mais la création d’un empire chrétien en Europe. Ce nouveau type d’attitude à l’égard du christianisme, promu par Charles et récompensé par le pape, deviendra la philosophie dominante de la chrétienté européenne, ce qui conduira aux guerres de conversion des païens et à l’expulsion des musulmans.

La Renaissance carolingienne

Cependant, Charlemagne a également laissé un autre héritage. L’essor culturel et universitaire ainsi que les transformations sociales de son époque ont constitué la Renaissance carolingienne, préambule à la Renaissance des XIVe-XVIIe siècles.

“S’il avait vécu à une époque plus tardive, écrit Dale Evva Gelfand, Charlemagne aurait peut-être été à la tête d’une énorme multinationale. De la loi à l’éducation en passant par les améliorations sociales et les travaux publics, il a été un innovateur et un réformateur infatigable. Homme noble dans tous les sens du terme, Charlemagne a mis son intelligence vive et sa détermination au service de son peuple, qu’il soit riche ou pauvre”. [3]

Réforme de l’éducation

L’initiative la plus importante de Charlemagne, qui a eu des effets durables, a été le développement de l’éducation. Bien que semi-analphabète, Charles avait une immense admiration pour l’éducation, convaincu qu’elle préparait les gens à la connaissance religieuse qui mène au salut de l’âme.

Ainsi, par décret royal, en 784, il jette les bases de la création d’écoles dans les cathédrales et les monastères, tant pour les clercs que pour les laïcs. Il cherche ensuite à éliminer les différences entre les serfs et les personnes libres, afin qu’ils puissent tous étudier ensemble. L’empereur, son épouse et ses enfants sont parmi les premiers à être intégrés dans le système éducatif. Charlemagne étudie les sciences, le droit, la littérature, la théologie, la rhétorique, l’astronomie, etc.

La leçon de Charlemagne

On raconte que, impressionné par certains étudiants pauvres, Charles s’adressa à eux en ces termes : “Mes enfants, vous avez trouvé beaucoup de faveur auprès de moi parce que vous avez essayé de toutes vos forces d’exécuter mes ordres et de gagner des avantages pour vous-mêmes… et je vous donnerai des évêchés et des monastères splendides et vous serez toujours honorables à mes yeux”.

Puis il se tourna vers les enfants des nobles : “Nobles, fils de mes chefs, dandys raffinés, vous vous êtes fiés à votre naissance et à vos biens et avez négligé les ordres que j’ai donnés pour votre propre avancement… Par le Roi du Ciel, je ne tiens aucun compte de votre noble naissance et de votre belle apparence. Sachez que si vous ne compensez pas votre ancienne paresse par des études vigoureuses, vous n’obtiendrez jamais aucune faveur de la part de Charles”[4].

La vision de l’équipe

Dans son approche courageuse et visionnaire, Charlemagne a bénéficié du soutien du moine bénédictin anglo-saxon Albin Alcuin (732-804). Sur l’insistance de Charlemagne, il vint à Aix-la-Chapelle et devint ce que nous appelons aujourd’hui un ministre de l’éducation.

En adoptant le modèle romain classique et en l’enrichissant d’éléments empruntés aux Irlandais et aux Saxons, Alcuin a créé un programme d’études destiné à faciliter le développement de la pensée critique. Le programme d’Alcuin comprenait les sept arts libéraux : la grammaire, la rhétorique, la logique (le trivium), la géométrie, l’arithmétique, l’astronomie et la musique (le quadrivium).

Outre Alcuin, de nombreux autres érudits de l’époque sont venus à la cour royale, comme Pierre de Pise, grammairien remarquable, Paul le Diacre, historien italien, Théodulf, Wisigoth d’Espagne, qui a non seulement développé l’enseignement à tous les niveaux et créé des bibliothèques, mais aussi amélioré le système juridique, ou encore Einhard, biographe royal d’origine franque. D’autres personnes cultivées et intellectuelles de l’époque sont venues de toutes les parties de l’empire pour enseigner dans les écoles carolingiennes.

Les réformes de Charlemagne ont jeté les bases du développement de la pensée européenne dans de nombreux domaines, et les grandes universités d’Europe sont nées des écoles qu’il a fondées.


Notes de bas de page

[1]”Rosamond McKitterick, “Charlemagne. The Formation of a European Identity, Cambridge University Press, 2008, pp. 305-6.”
[2]”Jeff Sypeck, “Becoming Charlemagne. Europe, Bagdad et les empires de l’an 800″, HarperCollins e-books, p. 10.””.
[3]”Dale Evva Gelfand, “Charlemagne. Ancient World Leaders”, Chelsea House Publishers, 2003, p. 62-64.”
[4]”Ibidem, p. 72-74″.