Qu'en est-il de l'hypocrisie ?

Méditations spirituelles 21/04/2023

Par Nico Butoi | Signs of Times

Les malheurs de Jésus ne sont pas prononcés en premier lieu face à des péchés tels que le vol, la débauche ou le meurtre, qui nous horripilent – souvent de manière hypocrite. Ses malheurs sont dirigés précisément contre l’hypocrisie[1], une forme de pollution de l’âme à laquelle nous nous identifions souvent, inconsciemment ou non, en riant ou en souriant en toute connaissance de cause.

L’hypocrisie est essentiellement une tentative humaine de détourner l’attention de la vérité en créant une piste, un scénario, avec l’intention de suggérer et de convaincre les autres de quelque chose de complètement différent. Il est évident que, dans de tels cas, la connaissance de la vérité telle qu’elle est en Christ n’est pas souhaitable, et c’est pourquoi le sujet fait tout son possible pour détourner l’attention et remplacer la vérité par ce qu’il considère comme plus profitable.

L’hypocrisie est l’une des formes les plus dévastatrices du mal. Jésus semble effrayé par cette offense de l’esprit, car il sait quelque chose que nous ne savons pas ou que nous refusons de croire. Ce qui n’est au départ qu’un virus finit par devenir une maladie du système. De la politique à l’économie en passant par la religion, l’hypocrisie se manifeste sous des milliers de formes. De l’enfant qui apprend à faire ses premiers pas au vieillard qui porte le fardeau des années, du vendeur ambulant au juge en passant par celui qui prie “Dieu”, cette maladie fait des ravages. Ellen White a écrit à juste titre : “L’apostasie ouverte ne serait pas plus offensante pour Dieu que l’hypocrisie et le culte purement formel”[2].

L’hypocrisie est née en même temps que le péché et s’y est identifiée dès le début : Sinon, comment Lucifer aurait-il pu convaincre la grande armée d’anges qui ont quitté le ciel et qui sont tombés sans pouvoir être “ramenés à la repentance”[3]? Lorsque Dieu lui demande ce qu’il a fait, Adam désigne celui qui lui a offert une bouchée du fruit défendu. Lorsqu’il demande à la femme ce qu’elle a fait, elle désigne celui qui l’a tentée. Il ne demande rien au serpent, car le serpent ment chaque fois qu’il parle, et Dieu, contrairement à nous, ne donne pas à une telle chose l’occasion de parler.

“Détester le mal”[4]

Quel peut être l’effet dévastateur des faux-semblants ? Tout d’abord, il affecte profondément et complètement la nature de celui qui le vit et le pratique. L’âme et l’esprit humains, une fois moulés dans cette forme, ne reviennent jamais à leur forme originale d’innocence. Quelque chose change et l’âme humaine conserve la forme de cette déformation. Dans le cas où, par la repentance ou la renaissance, l’homme n’exerce plus l’hypocrisie, il devra toujours porter cette présence mauvaise dans son cœur et faire face à cette tendance tout au long de sa vie. Jésus appelle cette présence “un peu de levain [qui] fait lever toute la pâte”[5].

Nous sommes rarement conscients des conséquences réelles à long terme de nos actions ou même de nos pensées, parce que nous voyons rarement nos actions dans la lumière qui émane de la Vérité. La pensée, le mot ou l’acte sont une semence. La semaine dernière, en rentrant chez moi, j’ai vu une enfant à l’aéroport de Cincinnati avec un autre enfant dans les bras. Je regardais cette pauvre petite fille et je me disais : “Vous voyez, elle n’a pas compris qu’il ne s’agissait pas d’amour, mais d’une décision dont les conséquences la suivront toute sa vie. Son esprit enfantin attend chaque jour que les choses reviennent à la normale, qu’elle puisse reprendre le cours naturel de son enfance et de son innocence, et retrouver le sourire de la liberté… sans se rendre compte que l’état présent est déterminé à perdurer et qu’elle ne reviendra jamais à l’état initial.”

L’HYPOCRISIE EST CONTAGIEUSE ET SON POUVOIR HYPNOTIQUE EST AGRESSIF. QUE VOUS SOUFFRIEZ DE L’HYPOCRISIE, QUE VOUS LA DÉTESTIEZ, QUE VOUS LA COMBATTIEZ, QUE VOUS VOUS EN PRÉOCCUPIEZ OU QUE VOUS LA REGARDIEZ SIMPLEMENT DE L’EXTÉRIEUR, VOUS ÊTES EXPOSÉ AU DANGER D’ÊTRE INFECTÉ. LES HOMMES ONT TENDANCE À DEVENIR CE QU’ILS VÉNÈRENT, QUE CE SOIT EN BIEN OU EN MAL : “MAIS VEILLEZ SUR VOUS-MÊMES, CAR VOUS POURRIEZ ÊTRE TENTÉS VOUS AUSSI”[6].

Dans notre aveuglement, nous semons la graine et nous nous lavons les mains comme Pilate. Nous croyons que ce que nous avons pensé, parlé ou fait s’évanouit avec le lavage des mains. Rien n’est plus faux ! La graine semée pousse “que nous soyons éveillés ou endormis”[7] Cette loi des semailles et de la moisson s’applique aussi bien au bien qu’au mal. La graine, quelle que soit sa nature et sa variété, pousse, “d’abord la tige, puis la tête, puis le noyau entier dans la tête”[8] Nous fixons nos yeux sur ce que nous voulons ou voulons qu’il arrive, mais nous ne considérons pas quelque chose de beaucoup plus dramatique : ce qui arrive à notre propre être. L’hypocrisie, que nous utilisons à la place de la vérité pour présenter les choses sous un jour que nous pensons meilleur, devient un boomerang qui revient en force contre nous. La Bible dit : ” On vous mesurera avec la mesure dont vous vous servez “[9], mais nous accusons Dieu lorsque nous ne récoltons rien d’autre que ce que nous avons semé ou parce que nous sommes mesurés avec la mesure dont nous nous sommes servis nous-mêmes. Ne devrions-nous pas plutôt louer Dieu d’avoir éclairé nos esprits et de nous avoir révélé cette vérité des semailles et de la moisson, une vérité cachée aux yeux de beaucoup ?

L’hypocrisie : une illustration biblique

Dans aucun autre domaine, l’hypocrisie n’est “plus hypocrite” que dans le domaine religieux. L’un des partis les plus élitistes du judaïsme, le pharisaïsme, en était particulièrement marqué. Il est allé si loin que le mot “pharisien” est devenu synonyme d'”hypocrite”. Le pharisaïsme est né comme une réaction contre l’hypocrisie, mais en cours de route, il est devenu comme le mal qu’il visait. Il est très rare qu’un discours humain contre l’hypocrisie ne devienne pas lui-même une forme d’hypocrisie.

Ce que je vais évoquer est précisément l’une de ces rares occasions où un principe affirmé est appliqué à la lettre et vécu par ses promoteurs. À un moment donné de la vie de l’Église du premier siècle, un repas commun a été organisé, auquel participaient également les saints apôtres Pierre et Paul. Inimaginable et incroyable : les Juifs mangeaient à la table des païens. “La fin n’est pas loin”, pensaient certains, alors que ce qui se passait ne faisait qu’illustrer la vérité des paroles : “Il n’y a ni juif ni païen, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus”[10]. Soudain apparurent des frères “de Jacob” qui, manifestement, ne croyaient pas à ce qui précède. Pierre, qui les craignait et voulait leur plaire, se lève d’un bond de la table, s’essuie rapidement la bouche et fait semblant de boire de l’eau. Cette apparition inattendue des frères arracha le masque du visage du saint et l’exposa au public alors qu’il n’était vêtu que de la “chemise d’Adam”. Pierre était tombé dans le piège de l’hypocrisie.

Quand Pierre a-t-il fait semblant ? Quand il mangeait ou quand il faisait semblant de boire de l’eau ? Certains disent qu’il a fait semblant de manger, d’autres qu’il a fait semblant de ne boire que de l’eau. Les paroles d’Isaïe ont également été écrites pour lui : Le Seigneur dit : “Ces gens s’approchent de moi par la bouche et m’honorent des lèvres, mais leur cœur est loin de moi. Le culte qu’ils me rendent est fondé sur des règles purement humaines qu’on leur a enseignées”[11] Pierre avait écouté les malheurs de Jésus, et pourtant il avait fini par être l’un de ceux contre qui ces malheurs avaient été prononcés. Le problème de Pierre n’était pas qu’il faisait semblant, mais qu’il était un imposteur. Un simulateur, qu’il mange, qu’il boive de l’eau ou qu’il fasse quoi que ce soit d’autre, fait semblant. Pierre n’était pas un imposteur parce qu’il faisait semblant, mais il faisait semblant parce qu’il était un imposteur. Il n’avait pas besoin d’un changement de comportement, mais d’un changement de nature. “Le problème, c’est l’arbre, pas le fruit. “Faites un arbre bon et son fruit sera bon, ou faites un arbre mauvais et son fruit sera mauvais “[13].

Je pense à Barnabé qui regarde Pierre. Il n’était pas question pour lui d’accepter ses faux-semblants. Il a peut-être même été horrifié de voir que la joie de l’apôtre dans le Seigneur n’était rien d’autre qu’une peinture qui cachait trompeusement la rouille. Barnabé avait perdu de vue quelque chose, à savoir que les humains deviennent comme le mal qu’ils vénèrent. Sans s’en rendre compte, écrit Paul, “même Barnabé s’est laissé égarer”[14], si bien qu’il est rapidement devenu lui aussi semblable au mal qu’il désapprouvait. Pierre, qui avait amené trois mille personnes à Dieu par un seul sermon, savait-il que par un autre “sermon” il avait amené son frère Barnabé et les autres Juifs à suivre Satan, le dieu de l’hypocrisie, du mensonge et des faux-semblants ? Savait-il que son geste était une graine semée dans de nombreux cœurs pour de nombreuses générations de personnes ?

L’hypocrite se moque, condamne ou méprise celui qui est en face de lui, mais il semble que le sadisme de son hypocrisie ne soit satisfait que lorsque, comme un cancer, il affecte et abat même l’âme vigilante. C’est peut-être ce que Paul avait à l’esprit lorsqu’il a écrit : “L’amour doit être sincère.Le mal a la capacité de se reproduire à l’intérieur de celui qui est pris dans ses filets et de le rendre sept fois pire.

“S’accrocher à ce qui est bon”[16]

Si telle est la vérité sur l’hypocrisie, alors je ne peux ignorer que je suis né et que j’évolue dans un monde subjugué par ce fléau. Du bébé au berceau qui pleure parce qu’il a un souhait, à la politique, l’économie ou la chaire, l’hypocrisie habite ” toutes les choses qui se font sous le soleil “[17] Si, en effet, je n’ai aucun moyen d’éviter l’impact du faux du monde extérieur, parce qu’il résonne dans mon être, alors je ne peux que m’écrier : “Quel malheureux je suis ! Qui me sauvera”[18] de ce fleuve en moi et hors de moi ? Qui ? Qui peut faire quelque chose quand “tous ont péché et n’ont pas atteint la gloire de Dieu”[19]? Qui nous aidera quand “il n’y a personne qui fasse le bien, pas même un seul”[20], pas même saint Pierre ou Barnabé ? Mais s’il n’y a personne de tel, personne du tout, il est pourtant quelqu’un dont on peut dire qu'”il n’y avait pas de tromperie dans sa bouche”[21 ] .

Le livre des Proverbes met fortement en garde contre la fréquentation d’éléments négatifs et recommande vivement de fréquenter des personnes sages et de valeur. Le danger et, en même temps, la grâce consistent à s’habituer aux “manières” de l’autre – respectivement mauvaises et bonnes. Ce qui semble repoussant au début devient acceptable, puis désirable avec le temps. C’est pourquoi Jésus a insisté sur ce point : “Jésus a dit cela parce que si l’âme est infectée par cette maladie dégoûtante, tout le reste de la vie est également affecté et compromis. David a compris que son péché n’était pas, en fait, l’adultère et le meurtre, mais l’hypocrisie. Il n’a jamais prié : “Sauve-moi, Seigneur, de l’adultère”, mais il a prié : “Au cours des siècles, on peut entendre l’écho des paroles de Jésus : “Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu !

Et qui sont ces bienheureux ? Comment peut-on atteindre cette bénédiction ? La réponse était, est et sera toujours la même : “Grâce à Dieu, qui me délivre par Jésus-Christ notre Seigneur”. La réponse est cachée dans l’alliance, c’est-à-dire dans la promesse unilatérale de Dieu : “Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de vous votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair”[24].


Notes de bas de page

[1]”Malheur à vous, docteurs de la loi et pharisiens, hypocrites…” (Matthieu 23:13-16).
[2]”Ellen G. White, Youth Instructor, 20 juin 1901, par. 3.”
[3]”Hébreux 6:6″.
[4]”Romains 12:9″.
[5]”1 Corinthiens 5:6″.
[6]”Galates 6:1″.
[7]”1 Thessaloniciens 5:10″.
[8]”Marc 4:28″.
[9]”Matthieu 7:2, accentuation ajoutée”.
[10]”Galates 3:28″.
[11]”Isaïe 29:13″.
[12]”Matthieu 12:34″.
[13]”Matthieu 12:33″.
[14]”Galates 2:13″.
[15], “Romains 12:9″.
[16]”Ibid.”
[17]”Ecclésiaste 1:14″.
[18]”Romains 7:24″.
[19]”Romains 3:23″.
[20]”Romains 3:12″.
[21]”Isaïe 53:9″.
[22]”Luc 12:1″.
[23]”Psaumes 51:10″.
[24]”Ezéchiel 36:26″.