Quand le ministère fait obstacle à votre mariage et à votre vie de famille

Méditations spirituelles 16/08/2021

Par Roger Hernandez | Revue Ministry, 3e trimestre 2014

Au cours des dix premières années de mon ministère, j’ai été un pasteur efficace et un mari terrible. J’ai confié la responsabilité d’élever mes enfants à des nounous. J’ai bien dirigé mon église. Sa croissance a été de cent nouveaux membres par an. Mais, comme chef de ma propre famille, j’ai été absent. Mon ministère a fait obstacle à mon mariage. Telle a été mon histoire. Apprenez de mes terribles erreurs.

Des choix

Je me souviens d’un vendredi soir où il pleuvait aux environs de dix heures du soir. Ma fille était alors âgée de cinq ans. Ma femme était allée ramener des adolescents chez eux, après une rencontre de petit groupe tenue chez nous. Un ancien d’église devait passer me prendre et m’emmener à une retraite de l’église. À son arrivée, ma femme n’était pas encore revenue. Il m’a demandé de partir parce que les gens m’attendaient. Ils avaient besoin de moi au camp. Je pouvais soit attendre le retour de ma femme soit laisser ma fille seule à l’attendre. J’ai fait le second choix. Et c’était le mauvais. J’ai donné sa couverture à Vanessa, mis le lecteur vidéo en marche et y ai glissé, pour elle, un film sur Veggie Tales. Je l’ai embrassée, puis je suis parti. Peu après, un orage a éclaté. Des éclairs, le tonnerre, des arbres ballotant de part et d’autre, le vent, la pluie faisait rage contre les fenêtres. Ma femme s’est trouvée bloquée pendant une heure à cause d’un arbre renversé sur la route. À la maison, ma fille était livrée à elle-même. Pour compliquer la situation, les lampes se sont éteintes. Cette nuit-là, au lieu d’être tenue par son père l’assurant que tout s’arrangerait, elle s’est retrouvée seule dans une grosse maison vide, effrayante. Entretemps, son père s’acquittait des devoirs de sa charge dans le cadre de son ministère.

Hormis les soucis du foyer, le ministère en soi est assez difficile. Plusieurs dirigeants et pasteurs font face à de vrais problèmes familiaux tout simple- ment ignorés, mis en veilleuse ou bien relégués aux oubliettes. Presque toujours, les problèmes privés affectent la performance publique, habituellement au pire moment possible. Des monstres secrets nuisent au ministère public. Voici quelques solutions pratiques qui m’ont aidé. Peut-être qu’elles vous seront utiles aussi.

La maison église

L’une de mes erreurs a été d’utiliser ma famille pour atteindre mes objectifs personnels dans le ministère. La préoccupation était beaucoup plus sur moi et sur ce que j’essayais de faire à l’église que sur eux. Maintenant, je crois en l’implication des membres de la famille dans le ministère selon leurs dons ; mais je devais apprendre à encourager sans être exigeant. Engagez les membres de votre famille selon leurs talents ; non pas en fonction de votre cheval de bataille. Respectez leurs refus.

  • Si vous desservez plus d’une église, laissez votre famille dans la meilleure église possible. Cessez de faire des membres de votre famille des nomades en les conduisant d’église en églises. N’obligez pas vos enfants à être les seuls tisons de l’église juste pour dire que vous avez une troupe. Laissez-les entretenir des relations. Les gens vous accuseront de préférer une église à une autre ; mais demandez à votre famille dans quelle église elle se sent le plus à l’aise et laissez-la s’y épanouir. Votre mission ne consiste pas à soigner l’apparence mais à conduire votre fa- mille au ciel.
  • Quand j’ai été chargé d’une nouvelle église, je me suis assuré de préciser les attentes concernant mes enfants. J’ai dit au comité à peu près ceci : « Les enfants de pasteurs sont juste des enfants. Ils ne disposent pas d’une force surnaturelle et on ne devrait pas s’attendre à ce qu’ils excellent comme des super-chrétiens. Laissez-les tranquilles. Aimez-les. Prenez soin d’eux. Donnez-leur l’envie d’être chrétiens lorsqu’ils deviendront grands, par votre manière de traiter leurs parents ». J’ai eu la bénédiction d’avoir des églises qui ont aimé et soutenu mes enfants tout en entretenant une atmosphère de grâce et d’acceptation qui persiste jusqu’à ce jour. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas ; mais vous pouvez déblayer le chemin en tenant ce discours tôt et souvent avec votre église.
  • Les propos qui suivent sont les principes qui m’ont servi de guide en ce qui concerne mes enfants :
    1. Les enfants sont des livres à lire, non à écrire. Il est de ma responsabilité de découvrir comment Dieu les a conçus et mettre en évidence le meilleur sommeillant déjà en eux ; non pas de les embarquer dans quelque chose qui n’est pas leur nature. Je puis faire ceci en passant un temps de qualité avec eux. Cela ne signifie pas que j’accepte la médiocrité ou que je ne les encourage pas à être le mieux qu’ils puissent être. Cela signifie qu’ils savent que nous attendons d’eux de grandes choses et que nous les aimons même s’ils n’atteignent pas leur potentiel. Pour moi, c’est ce que Dieu fait avec nous. Cela s’appelle la grâce.
    2. Le plus grand cadeau que je puisse offrir à mes enfants, c’est d’aimer leur maman sans réserve. Ainsi, je prendrai toutes les dispositions nécessaires pour qu’ils le constatent ; même s’ils sont embarrassés quand j’embrasse leur maman en public. Mes parents ne se disputaient jamais en présence de leurs enfants. Je crois qu’ils voulaient nous protéger. Mais le résultat, c’est qu’ils ne nous ont pas enseigné comment gérer les différends. Je veux que mes enfants constatent que l’ont peut être d’un avis différent de quelqu’un sans pour autant en venir aux mains.
    3. Je prendrai mes responsabilités. J’écrirai dans le sable mais je veillerai soigneusement à ne pas dresser des montagnes pour des bagatelles. Je ne ferai pas sentir à mes enfants qu’ils sont moins spirituels parce qu’ils raffolent d’un poulet rôti, aiment se maquiller ou porter des jeans. À un moment, dans son adolescence, mon fils voulait porter des jeans pour aller à l’église. Nous n’en n’avons pas fait une affaire extraordinaire. Nous lui avons exprimé nos désirs et l’avons laissé décider. Il a franchi ce stade. Aujourd’hui, il porte cravate et bretelles. Il a belle allure et il a tout décidé de lui-même. Dieu nous a donné dix commandements. Pas dix mille.

Famille pastorale

Ma famille, c’est mon ministère. Cela ne sous-entend pas que je sois devenu paresseux ou que j’oublie ma responsabilité. Mais dans les rares circonstances où je dois choisir, je choisis ma famille. J’ai laissé tomber des rencontres pour aller voir ma fille ou mon garçon performer. L’année prochaine, mes enfants vont à l’internat. Ma femme et moi roulerons une heure et demie pour aller les voir jouer. Ils sont avec nous pour si peu de temps ! Ainsi donc, nous ferons le sacrifice. J’ai découvert que si nous choisissons l’important, Dieu se charge de l’urgent. Fait important : dès le moment où j’ai décidé d’être un véritable père et mari, mon église a grandi davantage.

Ma fille participait à un tournoi de basketball de deux jours. Parce que leur équipe n’avait presque jamais gagné, j’ai convoqué une réunion dans une église pour le lundi à sept heures du soir. Le problème c’est qu’ils ont commencé à gagner. Ils ont gagné dimanche, Ils ont gagné lundi matin et lundi à midi. Ils ont été programmés pour jouer le championnat à quatre heures de l’après-midi. Ainsi donc, j’étais face à un dilemme. Si je restais pour cette partie, je serais en retard pour la réunion. J’étais à une heure de chez moi où je devais me changer, me raser, prendre une douche, puis conduire une heure de plus vers l’église en pleine heure de pointe. Lorsque vers midi ma fille m’a demandé si je resterais, j’ai répondu : « Oui ». Aussitôt a commencé une lutte interne. Je me suis demandé si je resterais en appliquant le filtre avec lequel je me suis habitué : est-ce important ou urgent ? Est-ce bon ou mieux ? Est-ce permanent ou temporaire ?

Je suis resté. Le facteur décisif a été la question que je me suis posée : « D’ici vingt ans, ma fille se rappellera-t-elle son papa assistant à sa partie de basketball ou regretterais-je de l’avoir encore laissée pour assister à une réunion dont je ne me souviens même pas. Son équipe a gagné. J’ai conduit. J’ai pris mon bain. Je me suis changé. J’ai un peu dépassé la limite de vitesse. Je suis arrivé à l’église quinze minutes avant l’heure. Leçon apprise.

En ma qualité de responsable de l’association pastorale, j’ai souvent l’occasion de parler aux pasteurs. Une constatation inquiétante, c’est le nombre de pasteurs admettant volontiers qu’ils négligent leurs familles à cause des exigences du ministère.

Mais tout n’est pas perdu. Récemment, j’ai eu le privilège de parler avec des candidats à la consécration. L’histoire d’un candidat en particulier a capté mon attention. Un pasteur retraité l’a approché et lui a donné un conseil pas si sage que cela. Le pasteur lui a dit que le travail du Seigneur vient en premier lieu et que s’il avait besoin de négliger sa famille, c’était nécessaire. J’étais heureux d’entendre le candidat dire que ce n’était pas son intention. Une différence majeure avec la plupart des autres professions est que dans le ministère vous travaillez pour « Dieu ». Il est plus facile de justifier en votre propre esprit la négligence de la famille, parce qu’après tout, votre travail implique des conséquences éternelles. L’un des défis du ministère pastoral est que le pasteur n’a jamais de ligne d’arrivée. Vous êtes pasteur 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Même en vacances ou pendant que vous faites du sport. Néanmoins, n’oubliez jamais ce qui suit :

  • Consacrez du temps pour votre famille.

  • Respectez les heures de la soirée et les jours de congé.

  • Insistez sur l’habitude de prendre un jour de congé.

Il est des urgences que l’on ne peut éviter. Mais répondre à une personne qui appelle vingt fois chaque semaine pour une crise différente ne peut être classé comme une urgence.

Si vous n’y faites pas attention et n’y veillez pas, votre travail peut prendre le contrôle de votre vie en bousculant d’autres domaines tout aussi importants. Ma femme m’a dit un jour : « Chéri, nous organisons toujours ces retraites de vie de familles et prêchons des messages sur les familles. Pourquoi n’allons-nous pas, nous-mêmes, à une retraite et, au lieu de prêcher, apprendre et grandir ? » Bonne idée. À la fin de la semaine, j’ai fait la réservation pour un week-end de « Vie de Famille sur le sou- venir ». Pas d’enfants. Pas de responsa- bilités. Pas de sermons à préparer. Rien à mettre au point, à préparer ou à présenter. Uniquement 72 heures de consolidation du mariage.

Ce week-end a été l’occasion de deux décisions importantes. La première a été d’organiser des sorties à deux plus souvent. Nous en avions une par mois régulièrement. Nous avons changé la fréquence pour une par semaine. L’autre a été de jeûner pour nos enfants une fois par semaine. Les adolescents (tous les enfants, à la vérité) ont besoin de prières autant que possible.

N’oubliez pas ce qui est réellement important. Quand les enfants seront par- tis et que le travail de l’Église aura pris fin, vous aurez encore, souhaitons-le, votre conjoint. Occupez-vous d’abord de votre mariage. J’en ai eu la claire conviction tandis que je participais à ce séminaire. Dieu m’a convaincu de prier pour mon épouse encore plus que pour l’Église. Notre vie de prière s’est améliorée. Il est important pour moi de prier pour ma femme et avec ma femme.

Conclusion

Sérieusement : jusqu’où êtes-vous disposés à aller ? D’un côté, l’église a longtemps survécu sans vous et subsistera lorsque vous serez partis. De l’autre, votre famille ne survivra pas sans vous.Votre famille a besoin de vous plus que l’église n’en a besoin.Ayez toujours ceci à l’esprit. Je l’ai appris à mes dé- pens. Ne commettez pas la même er- reur que j’ai commise.