« Prenez-les... par les oreilles »

Méditations spirituelles 04/07/2021

Bill Knott | Adventist World – juillet-août 2021

Ils ont la réputation bien méritée de manger tout cru les orateurs d’assemblée.

Le directeur de l’école me présente aux 250 ados entassés dans la chapelle. Il semble nerveux, pour ne pas dire terrifié. Il y va au plus court, puis se précipite vers l’arrière pour mieux voir comment les lions vont démanteler un autre chrétien.

L’énergie brute et contenue devant moi est palpable, prête à porter un coup, à trouver une faille, une ouverture qui mettra fin à mes occasions en tant qu’orateur d’assemblée. En entendant les sarcasmes que ces jeunes murmurent, mes mains deviennent moites. Dans l’attente de ma mort, certains d’entre eux se lèchent les lèvres.

Je puise donc dans la bibliothèque de toutes les histoires que j’ai racontées aux enfants, aux ados, aux adultes, et aux bêtes sauvages. Et je trouve celle qui a le plus de chance de me garder en vie.

« Quatre en bas, trois en haut », dis-je pour commencer, dans l’espoir que le mystère de ces mots me permettra de gagner quelques minutes supplémentaires d’existence. « Quatre en bas, trois en haut… Il compta les briques dans le vieux foyer massif, cherchant celle derrière laquelle le trésor était caché… »

Étonnamment, ça marche, et pas parce que l’ouverture semble astucieuse. Au fond, c’est une histoire de l’Évangile – une histoire de tromperie, de trahison, de conversion, et de pardon. Vingt-cinq minutes plus tard, les ados applaudissent à tout rompre.

C’est ainsi qu’a commencé mon rôle de conteur d’histoires à leur époque. Les invitations aux services d’assemblée se sont multipliées, et se sont ensuivies d’une demande de prendre la parole lors de la Semaine de prière de l’hiver, tant que je raconte des histoires – c’était implicite. Et lorsqu’ils ont obtenu leur diplôme de l’académie trois ou quatre ans plus tard, les diplômés ont voté pour que je prêche lors de la cérémonie de remise de diplôme, tant que je raconte une histoire – c’était implicite.

Cinq ans plus tard, j’ai rencontré des jeunes adultes à l’épicerie, au gymnase, à l’église. Vous savez quoi ? Ils ont entamé la conversation par « “Quatre en bas, trois en haut…” Cette histoire que vous avez racontée est toujours ma préférée. »

Il n’y a pas de mystère dans cette histoire, car depuis la nuit des temps, c’est en racontant et en écoutant des histoires que les êtres humains ont appris. À partir d’un récit de rédemption et de renouveau, l’oreille détecte, l’esprit sélectionne un appel personnel qui pourrait bien ne jamais jaillir d’une page.

Une histoire, c’est une alliance temporaire entre un conteur et un auditeur pour passer quelques minutes à voyager ensemble vers un moment autre que celui-ci, et vers un endroit plus intéressant qu’ici. Le conteur et son auditeur font semblant que le voyage ne mène pas au présent – que l’histoire ne concerne pas vraiment le présent – ce lieu, ce moment, nos défis. Mais ça le concerne toujours, et ça devrait toujours être ainsi ! C’est indirectement que nous apprenons le mieux, par le test de nouvelles vérités dans l’histoire de « quelqu’un d’autre », lesquelles sont vraiment les choses que nous devons connaître.

Alors, pourquoi ne pas considérer votre vocation en tant que conteur de la grâce qui vous a sauvé et racheté ? Vous la raconterez bien, assurément, car vous savez plus que quiconque ce qu’elle signifie. Et croyez-moi : vous verrez le monde réagir avec attention, intérêt, et même, joie.