Persévérance : Quand il n’y a pas de réponses rapides

Méditations spirituelles 14/05/2021

Mai 2021 | Martin G. Klingbeil | Adventist World

J’aime les sports d’endurance, surtout les triathlons – nage, vélo, course à pied. Je dois dire, en toute honnêteté, que la natation n’est pas mon sport préféré ! Mais dans un triathlon, il faut survivre à l’épreuve de la nage pour pouvoir passer aux deux autres épreuves. La persévérance est un élément important de cette discipline. Imaginez des athlètes couverts de sueur franchissant la ligne d’arrivée en boitant, après des mois d’entraînement intense – courses matinales dès l’aube, vélo par mauvais temps, plans d’entraînement, muscles endoloris, pensées motivantes tandis qu’on fait des longueurs dans une piscine où il n’y a personne. Lors de ces entraînements, on peut se sentir très seul…

Pourquoi une personne saine d’esprit s’infligerait-elle une telle épreuve ? Il y a, bien sûr, des récompenses : le sentiment extraordinaire d’avoir persévéré et franchi la ligne d’arrivée ; la camaraderie tout au long du parcours (à mon niveau, il n’y a aucune compétitivité) ; les cris d’encouragement de la foule pour les athlètes fatigués ; ma femme qui attend mon arrivée avec enthousiasme ; et, oh oui, peut-être une médaille commémorative que mon plus jeune fils aime bien chiper pour jouer avec !

LA PERSÉVÉRANCE CHRÉTIENNE

La persévérance fait également partie de notre vocabulaire chrétien. Dans les moments d’adversité, nous nous encourageons mutuellement à persévérer : « Heureux l’homme qui supporte patiemment la tentation ; car, après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. » (Jc 1.12) Nous parlons, à juste titre, de tenir bon. Mais je me demande s’il nous arrive parfois de nous focaliser un peu trop sur nos propres efforts. Se pourrait-il que nous souscrivions au concept discutable selon lequel le christianisme serait la version religieuse d’un sport d’endurance, quelque chose de semblable à la survie, spirituellement parlant, du plus apte ?

Si Paul utilise l’analogie d’une course qui doit être courue avec persévérance (1 Co 9.24-27 ; He 12.1), en revanche, il équilibre cette image en décrivant Christ en tant que précurseur, lequel nous a précédés (He 6.19,20), et une nuée de témoins qui nous entourent (He 12.1). Après tout, la course spirituelle n’est peut-être pas si solitaire que ça…

Dans la Bible, le livre des Psaumes représente un échantillon de la foi publique et personnelle, couvrant une période d’environ 1 000 ans, exprimée par des cantiques et des prières en réponse aux actes divins. Ce livre raconte l’histoire de la persévérance de leurs auteurs au cours de leur marche avec Dieu, de manière très intime et personnelle, alors qu’ils se débattent à travers les joies et les peines, qu’ils font l’expérience des bénédictions et des malédictions, qu’ils jouissent de la prospérité, et se heurtent à l’adversité. Aucun autre livre de la Bible n’ouvre aux lecteurs modernes une fenêtre aussi large sur la foi d’antan. Penchons-nous maintenant sur trois luttes pour la persévérance dans les Psaumes.

NE T’IRRITE PAS

Le psaume 37 se concentre sur la persévérance dans le contexte où le juste est la cible des méchants – un sujet fréquent dans les Psaumes et peut-être aussi dans nos vies. Les versets 1, 7 et 8 répètent l’exhortation « Ne t’irrite pas ». L’expression hébraïque ‘al titkhar se traduit par « ne manifeste pas ta colère » ou « ne laisse pas ta colère te consumer ». Elle comporte des connotations réflexives indiquant une colère corrosive, tournée vers l’intérieur qui, au bout du compte, peut devenir autodestructrice. La persévérance au cœur de l’adversité ou au milieu d’adversaires menaçants peut conduire à la colère et à la frustration, mais le lecteur est plutôt encouragé en ces termes : « Confie-toi en l’Éternel » (v. 3), « Fais de l’Éternel tes délices » (v. 4), « Recommande ton sort à l’Éternel » (v. 5), « Garde le silence devant l’Éternel, et espère en lui » (v. 7) – autant de bons conseils pour remplacer les frustrations tournées vers l’intérieur par des actions positives dirigées par Dieu.

JUSQUES À QUAND ?

Mais qu’en est-il de nos luttes les plus intimes, lorsque, par exemple, nous doutons de la simple existence de Dieu, sans parler de son intérêt pour nous et de son intervention dans nos vies ? Les psalmistes connaissent ces moments où, par exemple, une maladie mortelle nous étouffe, et où nous ne pouvons que murmurer un rauque « Éternel ! Jusques à quand ? » (Ps 6.3) Cette question revient 20 fois dans le psautier et reflète la protestation des psalmistes face à l’absence perçue de Dieu alors qu’ils essaient de s’accrocher (1). Cependant, l’absence que l’on ressent n’est pas forcément une absence réelle. Alors que Jésus prononçait les mots du psalmiste (Ps 42.6,7 ; 43.5) dans le jardin de Gethsémané (Mt 26.38) – sans doute le moment ultime de persévérance dans l’adversité – son Père ainsi que l’armée angélique étaient à ses côtés même s’il ressentait la séparation totale imputable au péché : « Mais Dieu partageait les souffrances de son Fils. Les anges contemplaient l’agonie du Sauveur » (2). Notre persévérance s’accompagne de la présence de Dieu (Ps 73.17).

ESPÈRE EN L’ÉTERNEL !

Dans les Psaumes, on trouve une phrase résumant sans doute la quête de persévérance : « Espère en l’Éternel ». Cette exhortation et des expressions similaires apparaissent 15 fois dans les Psaumes (3). Le verbe hébreu qawah, « attendre, regarder avec impatience, espérer », est principalement lié à Yahvé en tant qu’objet de notre espérance (Ps 71.5, par exemple). L’hymne national de l’Israël moderne s’appelle Hatikva (L’Espoir) – il exprime un espoir ancien pour une nation moderne. Ainsi, « Espère en l’Éternel » signifie mettre notre espérance en Dieu, « tout laisser entre les mains de Yahvé, tout espérer de lui, et ne se confier qu’en lui seul »(4). Un autre aperçu du mot hébreu qawah est son sens secondaire : « rassembler, lier » et, en tant que nom, « ligne, corde », transmettant l’idée qu’espérer en l’Éternel consiste à nous lier à ses promesses comme on lie une branche plus faible à une plus forte avec une corde, afin de renforcer la plus faible. Psaumes 27.14 exprime ce lien étroit : « Espère en l’Éternel ! Fortifie-toi et que ton cœur s’affermisse ! »

Ces neuf dernières années, j’ai couru le marathon des 7 ponts à Chattanooga – une magnifique course de 42 kilomètres qui traverse sept fois la rivière Tennessee. Comme Thandi, ma femme, court le semi-marathon, elle termine bien avant moi. Normalement, ma persévérance est mise à rude épreuve entre le 33e et le 38e kilomètre – un tronçon solitaire le long de la promenade Tennessee. J’ai mal aux jambes et sens une baisse d’énergie. Mais je sais que je dois simplement « espérer voir Thandi », laquelle est revenue sur le parcours et m’attend au 39e kilomètre. Elle se met à courir avec moi jusqu’à la ligne d’arrivée, m’encourageant à chaque pas. Et alors, je lie mes forces déclinantes à celles qu’il lui reste encore, et ensemble, nous persévérons ! Les psalmistes ont trouvé le secret de « Espère en l’Éternel » alors qu’ils fixaient les yeux sur lui, qu’ils liaient leur faiblesse à sa force en s’appuyant sur ses bras éternels (Dt 33.27).


1 Psaumes 4.3 ; 6.4 ; 13.2,3 ; 35.17 ; 62.4 ; 74.9,10 ; 79.5 ; 80.5 ; 82.2 ; 89.47 ; 90.13 ; 94.3 ; 119.84.
2 Ellen G. White, Jésus-Christ, p. 694.
3 Psaumes 9.19 ; 25.3,5,21 ; 27.14 ; 37.9,34 ; 39.8 ; 40.2 ; 52.11 ; 62.6 ; 69.7,21 ; 71.5 ; 130.5.
4 G. Waschke, « qwh », Theological Dictionary of the Old Testament, éd. G. J. Botterweck et al., Grand Rapids, Eerdmans, 2003, vol. 12, p. 571.


Martin G. Klingbeil est professeur d’Ancien Testament et des études de l’ancien Proche-Orient à l’Université adventiste Southern. Il habite avec sa famille à Ooltewah, au Tennessee (États-Unis).