Notre travail quotidien : une idée de Dieu

Méditations spirituelles 16/10/2021

Elizabeth Ostring | Ministry 3 trimestre 2021

L’église de mon enfance nous encourageait à faire un rapport de nos activités « chrétiennes » hebdomadaires. Lorsque j’ai reçu le formulaire de rapport pour la première fois, j’ai examiné les activités proposées avec consternation. Sur la liste, presque toutes les activités étaient au-delà de mes jeunes capacités. Mais parmi les études bibliques, la distribution de littérature chrétienne et autres, j’ai trouvé « personnes aidées. » Oui, c’était quelque chose que je pouvais faire. J’ai fait le total de mes contributions que je pensais utiles pour mes parents, mes frères et sœurs, mes camarades d’école, mes professeurs et ainsi de suite, puis j’ai écrit « 20 » dans la case désignée. Le responsable de la jeunesse fut très amusé de ma réponse et en parla même à mes parents, qui furent embarrassés. Comment une préadolescente de mon jeune âge pouvait-elle aider 20 personnes ? J’ai essayé d’expliquer, mais sans succès. Ce qui était demandé était de vraies activités « chrétiennes. »

D’autres personnes ont remarqué le même problème. Francis Ayres dit : « Le laïque demeure un citoyen de seconde classe, un assistant au clergé, principalement un agent d’entretien dans l’église institutionnalisée 1. » William Diehl, un membre de l’Église luthérienne, qui fut la première à reconnaître le ministère de tous les croyants, a écrit : « En réalité, mon église considère le ministère laïque purement en termes de service à l’église institutionnelle. » 2 Est-ce biblique ? Pour trouver une réponse, revisitons ensemble différents exemples, en particulier dans le livre de la Genèse.

Dieu inventa le travail

Il vaut la peine de noter que les écritures juives et chrétiennes commencent par le travail, et pas n’importe lequel : celui de Dieu. Le travail de l’homme est introduit dans le jardin d’éden lorsque Adam et Ève reçoivent la tâche de cultiver le jardin (Gn 2.15). Les mots hébreux utilisés, abad et shamar, sont les mêmes que ceux qui décrivent le travail des Lévites dans le tabernacle (Nb 3.7,8 ; 18.7).

Claus Westermann a remarqué cet accent mis sur le travail dans la Genèse 3 et considéré que la réussite humaine est non seulement un thème significatif dans l’histoire primitive, mais aussi un thème qui n’a reçu que très peu d’attention 4. Ian Hart va encore plus loin et suggère que l’emphase sur le travail dans le prologue de la Genèse (Gn 1.1-2.3) indique que le travail est un thème pour le livre dans son entier 5.

Une solution dans la Genèse

L’histoire de la Genèse qui introduit le concept du travail humain offre une solution simple à la valeur de l’ouvrage humain ordinaire.

Le travail humain apparaît assez négativement dans les chapitres 4 à 11 du récit de la Genèse. Le récit primordial atteint sa pierre angulaire 6 comme l’appelle Gerhard von Rad, à l’épisode de la tour de Babel. Beaucoup considèrent que cette péricope est très soigneusement conçue 7. Cet accord généralisé quant au soin accordé à sa construction et son placement littéraire suggère que l’auteur de la Genèse s’est donné de la peine, car il voulait que ce passage soit remarqué et digne d’attention.

Le positionnement du récit de la tour indique que l’auteur lui accordait une importance vitale pour comprendre les enjeux qui ont conduit à l’appel d’Abram. Selon la pensée moderne, les intentions des bâtisseurs de la tour étaient très louables : ils étaient coopératifs, travailleurs, inventifs et ambitieux, pour ne nommer que quelques-unes de leurs caractéristiques apparemment honorables. Cependant, ce qui est décrit le plus clairement dans le récit de la tour n’est pas leur culte, ni même leurs attitudes, mais leur travail. Il correspond à la description écrite par Habacuc bien plus tard : « il se rend coupable. Sa force à lui, voilà son dieu ! » (Ha 1.11b, S21). C’est peut-être à cause de ce portrait négatif du travail dans les premières pages de la Genèse que l’importance du travail humain ordinaire a été dénigrée.

Mais la plus grande partie de la Genèse raconte une histoire différente. Après le récit de la tour, l’auteur met rapidement l’accent sur l’appel d’Abram (Gn 12.1-3). Bruce Waltke affirme que ce célèbre appel est le centre thématique du Pentateuque 8. L’appel d’Abram est énoncé comme suit : « Le Seigneur dit à Abram : Va-t’en de ton pays, du lieu de tes origines et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi. » (Gn 12.1-3, NBS).

Dieu promet à plusieurs reprises de bénir Abram, ce qui met en évidence que la bénédiction vient de Dieu. Mais cette bénédiction dépend d’une séparation d’avec les normes sociales environnantes. Il est significatif qu’Abram soit également appelé à être une bénédiction. Laurence Turner souligne l’importance de cet élément en observant que la version hébraïque de l’expression « tu seras une bénédiction » est en fait écrite sous la forme d’un ordre, non pas d’une promesse 9.

Jonathan Bernis, un Juif messianique, voit la promesse et l’ordre de Genèse 12.1-3 selon lesquels Abraham devait bénir « tous les clans de la terre » comme ayant deux aspects. Le premier est la bénédiction que les Juifs ont apporté au monde par leurs contributions à la médecine, à la science, à la littérature et à la culture qui, bien sûr, ont été accomplies par leur travail. Le second aspect, plus important, est que le Messie, le Sauveur du monde, viendrait par le peuple juif 10.

Quelle est la perspective de l’auteur de la Genèse concernant Abraham et ses descendants et le fait qu’ils devaient à la fois être bénis et être une bénédiction pour toutes les familles de la terre ? Le mot « bénédiction », brk en hébreu, apparaît 88 fois dans la Genèse, plus que dans n’importe quel autre livre de l’Ancien testament.11 On le trouve pour la première fois lorsque Dieu bénit la création et le sabbat. Christopher Wright Mitchell a fait une étude approfondie de la signification de brk et a conclu :

« Le facteur qui fait d’une bénédiction une bénédiction est la relation entre Dieu et la personne bénie. […] Le genre de bénéfice que Dieu déverse lorsqu’il bénit est en réalité d’importance secondaire 12. » Mitchell note que « La bénédiction de Dieu est un signe visible de sa faveur » et que d’autres personnes peuvent dire : « Nous avons vu assez clairement que Yahweh est avec vous parce que Dieu vous a bénis (voir Gn 26.28; 39.2-6) 13. »

Les récits des patriarches illustrent comment Dieu a, non seulement béni Abram et sa descendance, mais par l’intermédiaire de leur travail, d’autres familles et nations furent bénies également. Nous remarquons qu’Abram et ses descendants commirent de nombreuses erreurs qui ne furent certainement pas une bénédiction pour d’autres. Ceci souligne, à la fois, la difficulté que tous les enfants de Dieu éprouvent à faire entièrement confiance en sa puissance pour les bénir, mais aussi leur besoin d’encouragement spirituel.

Cependant, Abraham fut aussi remarqué comme étant une bénédiction pour les autres. Après son succès militaire pour secourir son neveu Lot et ses voisins Sodomites capturés dans la vallée de Siddim, Melchisédech rencontra Abram et déclara : « Béni soit Abram par le Dieu très-Haut qui produit le ciel et la terre ! Béni soit le Dieu très-Haut qui t’a livré tes adversaires ! » (Gn 14.19,20, NBS). Des années plus tard, Abimélek, roi de Guérar, demanda à Abraham de traiter avec lui un accord de paix mutuellement avantageux car, dit-il, « Dieu est avec toi dans tout ce que tu fais » (Gn. 21.22,32, NBS). En présentant sa demande d’une épouse pour Isaac, le serviteur d’Abraham déclara : « Le Seigneur a grandement béni mon maître, qui est devenu un homme important » (Gn 24.35, NBS).

Les voisins d’Isaac ont demandé une alliance de paix, disant : « Nous voyons bien que le Seigneur est avec toi. […] tu es maintenant béni du Seigneur » (Gn 28.1,12,13,26-29, NBS). Laban a avoué à Jacob : « J’ai appris que l’éternel m’avait béni à cause de toi » (Gn 30.27, S21). Et l’histoire de Joseph montre à quel point la bénédiction partagée dans le travail quotidien peut être étendue. Le récit souligne à la fois la qualité excellente du travail de Joseph et le fait que Dieu était avec lui. La maison de Potiphar était bénie à cause de Joseph, car le Seigneur était avec lui (Gn 39.5, 2). Lorsque Joseph était en prison, Dieu fit prospérer son ouvrage (v. 23). Lorsqu’il écouta les sages conseils de Joseph, Pharaon reconnut que Joseph avait « l’Esprit de Dieu » (Gn 41.38, S21), et il donna à Joseph un travail noble ainsi qu’un nom qui signifiait probablement « Dieu parle et il vit 14. » Dans son travail quotidien, que ce soit dans les tâches les plus modestes et abaissantes d’un esclave et d’un prisonnier, ou dans celles d’un premier ministre, Joseph fut une bénédiction pour « toutes les familles de la terre » comme Dieu l’attendait de son peuple.

Encouragement pastoral

Si les pasteurs reconnaissent la bénédiction potentielle du travail quotidien de leurs membres, ils seront davantage en mesure de travailler avec eux et pour eux. Ils apprécieront la valeur de leur communauté et seront capables de leur offrir un soutien et de l’aide dans leur témoignage.

Vous pouvez aider vos membres à comprendre que le fait d’accepter « l’appel d’Abraham » à travailler dans le plan de Dieu pour bénir les autres épargnera les chrétiens de l’état d’esprit égoïste
des ouvriers de Babel. Lorsque nous considérons que notre occasion de bénir notre prochain est une réponse à la bénédiction que nous recevons de Dieu, notre travail quotidien est transformé. De nombreux travaux sous-estimés sont transformés lorsque nous reconnaissons combien ils sont une bénédiction pour la société. De nombreux emplois, dans les domaines de la construction, de la décoration, de l’enseignement, de la santé, et bien d’autres, offrent de puissantes opportunités de témoigner. Lorsque nous considérons le travail comme une simple occasion de bénir les autres, nous ne nous inquiétons plus des fonctions transformatrices éternelles qu’il pourrait avoir.

Que pouvez-vous faire pour aider vos membres à réaliser leur potentiel pour partager l’amour de Dieu avec leur prochain en parole et en action dans leur milieu de travail ?

La valeur de tout travail, payé ou non, peut rapidement être évaluée par sa capacité à bénir, dans le présent et pour l’éternité.


1. Francis O. Ayres, The Ministry of the Laity. Philadelphia, PA: Westminster Press, 1962, p. 15.

2. William E. Diehl, Christianity and Real Life. Philadelphia, PA: Fortress Press, 1976, p. viii.

3. Claus Westermann, Genesis 1-11: A Commentary, trans., John J. Scullion, SJ. Minneapolis, MN: Augsburg Publishing House, 1984, p. 86.

4. Westermann, p. 18, 51.

5. Ian Hart, “Genesis 1:1-2:3 as a Prologue to the Book of Genesis,” in Tyndale Bulletin 46–2 (1995), p. 315–336.

6. Gerhard von Rad, Genesis: A Commentary, 2nd ed., The Old Testament Library. London, UK: SCM Press, 1961, p. 143.

7. Voir, par exemple, von Rad, p. 143; Gordon J. Wenham, Genesis 1-15, Word Biblical Commentary, vol. 1. Waco, TX: Word Books, 1987, p. 234–238; U. Cassuto, A Commentary on the Book of Genesis, Part Two: From Noah to Abraham, trans. Israel Abrahams. Jerusalem: Magnes Press, 1964, p. 226–234.

8. Bruce K. Waltke, Genesis: A Commentary. Grand Rapids, MI: Zondervan, 2001, p. 208.

9. Laurence A. Turner, Genesis. Sheffield, UK: Sheffield Academic Press, 2000, p. 64.

10. Jonathan Bernis, A Rabbi Looks at Jesus of Nazareth. Bloomington, MN: Chosen Books, 2011, p. 72.

11. Christopher Wright Mitchell, The Meaning of Brk “to Bless” in the Old Testament, SBL Dissertation Series 95. Atlanta, GA: Scholars Press, 1987, p. 185.

12. Mitchell, p. 165.

13. Mitchell, p. 166.

14. Jon L. Dybdahl, ed., Andrews Study Bible. Berrien Springs, MI: Andrews University Press, 2010, Gn 41.45, marge.