Noël... toute l'année

Méditations spirituelles 12/12/2022

Gerald A. Klingbeil et Daniel Bruneau | Adventist World décembre 2022

Imaginez 365 jours de joie de Noël !

Pour la plupart d’entre nous, décembre est un mois bien chargé ! Que nous soyons parents, tantes, oncles ou grands-parents, la période des fêtes de Noël a de quoi nous occuper. Il y a des concerts de Noël à ne pas manquer ; des célébrations de Noël à organiser ; des programmes religieux de Noël auxquels contribuer. Même ceux qui vivent dans des sociétés plus sécularisées reçoivent leur pleine dose de réjouissance pendant cette période de l’année. Des myriades d’elfes et de pères Noël apparaissent dans les centres commerciaux ou à la télé, accompagnés de rennes et d’autres accessoires. Aux Philippines, les décorations de Noël sortent en septembre et ne sont rangées qu’au début de janvier ! Ainsi, que ce soit dans l’hémisphère nord ou dans l’hémisphère sud, Noël a une façon de s’immiscer dans nos vies.

Mais l’histoire de la naissance de Jésus, c’est plus que des paillettes, des rennes, des fêtes, des cadeaux, plus que la publicité incessante. La plupart des érudits de la Bible s’accordent à dire que la naissance du Christ a eu lieu plus tôt, soit en automne, et pas en décembre1. Mais quel que soit le moment précis, c’est la dimension transformatrice de la naissance du Christ qui compte, alors que l’on considère le plan du salut commémoré par les chrétiens (et les adventistes) du monde entier en décembre, car ce moment de l’histoire a tout changé.

Lorsque Dieu s’est fait homme pour venir vivre parmi nous et nous servir, il n’a pas choisi un palais royal en vue d’une entrée grandiose du style de Hollywood. Jean nous dit que Jésus est venu chez les siens, et que les siens ne l’ont pas reçu (voir Jn 1.11). L’image d’un nouveau-né sans défense couché dans une mangeoire crasseuse servant habituellement à nourrir les animaux, révèle quelque chose sur le caractère et les priorités de Dieu. Jésus est venu pour servir, et non pour être servi (voir Mt 20.28). Lorsqu’on lit le récit de la Nativité dans les Évangiles, on peut ressentir un peu les incertitudes, peut-être même les craintes, des parents de Jésus. Mais on peut aussi entrevoir la joie des bergers alors qu’ils se prosternent devant le nouveau-né, et que le chœur des anges chante « Alleluia » — ce que même Händel n’a jamais pu reproduire.

LE CŒUR DE NOËL

La plupart d’entre nous apprécient les chants ou les cantiques associés à cette période festive — du moins pendant quelques semaines de l’année. Nous chérissons le temps passé en famille et entre amis. Nous dégustons ensemble des mets de Noël absolument exquis ! Par contre, si Noël ne se résume qu’à chanter, manger ou célébrer ensemble, alors assister à un match de football ou de football américain au cours duquel les gens chantent ensemble, dansent, mangent et boivent à volonté fait aussi bien l’affaire !

Mais alors, qu’est-ce qui donne à Noël son caractère aussi spécial ? Après avoir réfléchi à la signification et à l’importance de la période des fêtes, voici cinq concepts clés qui sont arrivés en tête de liste.

Premièrement, Noël nous aide à nous voir les uns les autres de façon plus claire, plus réaliste. Le don de présents est une partie importante de la plupart des célébrations de Noël, et un reflet du plus grand cadeau de Dieu, dont la vie a commencé dans une crèche et s’est terminée — du moins pour un temps limité — sur une croix rugueuse taillée à la hache. Tandis que nous nous voyons les uns les autres — lorsque nous nous voyons vraiment les uns les autres — nous reconnaissons que nos propres faiblesses et défauts se voient aussi chez les autres. Nous reconnaissons que nous sommes tous pécheurs et que nous avons tous besoin de la grâce — de la grâce qui transforme et renouvelle. Penser à un voisin, à un membre de la famille, à un petit-enfant, ou à un collègue de travail nous aide à détourner les yeux de nous-mêmes. Un esprit de don désintéressé est un antidote de premier ordre contre l’égoïsme et l’égocentrisme.

Deuxièmement, dès que nous reconnaissons les besoins du monde qui nous entoure (y compris nos quartiers, nos familles et nos églises), nous commençons à nous engager. La première venue de Jésus parle d’engagement. Jésus s’est engagé auprès d’un monde perdu. Il s’est mis en quête d’une race malade du péché, et a offert espoir et encouragement aux désespérés et aux découragés. Nous donnons parce qu’il nous a tout donné. En général, le bénévolat effectué en novembre et en décembre bat son plein. Le don désintéressé de soi non seulement est une bénédiction pour les autres, mais entraîne aussi des avantages considérables pour la santé de ceux qui se portent volontaires. Servir les autres renforce notre propre organisme, améliore notre humeur, et réduit le stress2. Mais au-delà de la bénédiction physique et émotionnelle qu’ils apportent dans nos vies, l’engagement et le don font des miracles dans nos cœurs — et pas seulement en novembre et en décembre !

Troisièmement, Noël nous rassemble. En général, les 10 derniers jours de décembre font partie des semaines de voyage les plus chargées de l’année, surtout si l’on considère les chiffres au niveau mondial. Nous sommes impatients de voir nos êtres chers et de profiter de leur compagnie. Lors du premier avènement de Jésus, il ressort que la communauté était importante, elle aussi. Des anges annoncèrent à d’humbles bergers la naissance du Sauveur et l’endroit où le trouver. Lorsque ces derniers entrèrent dans le lieu humble et sans doute exigu où l’enfant Jésus se trouvait, et qu’ils l’aperçurent dans une crèche, ils se pressèrent pour adorer celui dont les paroles avaient amené des galaxies à l’existence — mais ils ne pouvaient pas encore le voir clairement, car il était tout petit. L’adoration les rassembla. Marie s’inquiétait-elle de voir les bergers se rapprocher de plus en plus de son précieux bébé pour le voir de plus près ? Et que pensèrent Joseph et Marie des rois mages, lesquels étaient tellement différents des gens qu’ils connaissaient à Nazareth ou à Bethléem ? Noël sans communauté partagée, c’est comme un hiver de l’hémisphère nord sans neige, ou les tropiques sans pluie.

Quatrièmement, on retrouve dans les récits bibliques de la Nativité une réalité omniprésente : la peur. Devant l’ange Gabriel qui venait de lui apparaître, Marie fut « troublée » (Lc 1.29). Les bergers furent terrifiés par la lumière glorieuse entourant une armée d’anges (Lc 2.9). Hérode et tout Jérusalem furent troublés lorsqu’ils entendirent parler de l’étoile que les mages d’Orient avaient suivie (Mt 2.3). Joseph dut se faire du mauvais sang pour sa femme et le nouveau-né lorsqu’un ange du Seigneur l’avertit de fuir en Égypte (v. 13-18). Ainsi, les principaux acteurs de l’histoire de la Nativité ont connu, tout comme nous, la peur. Cependant, ils ont aussi connu la délivrance et une joie profonde. Imaginez Siméon, tenant Jésus dans ses bras, se réjouissant et louant Dieu (Lc 2.25-35) ; les mages qui chantent des chants de louange alors qu’ils retournent dans leur pays ; les bergers qui se réjouissent en contemplant le « Désiré de tous les siècles ». Noël, c’est surmonter la peur et faire l’expérience d’une joie qui transforme la vie — d’une joie qui change les ténèbres en lumière, le désespoir en vision.

Enfin, l’espérance sature tous les coins et recoins du récit de Noël en tant qu’antidote à la peur. Cette espérance est fondée sur les promesses de Dieu — sur les promesses qui ont été données il y a longtemps par vision prophétique (voir Dn 9.24-27), et sur celles qui ont été prononcées directement par des messagers divins à certains des acteurs du récit (par ex., Lc 1.26-38). La description vivante d’Ésaïe de ce que l’espérance peut réellement faire offre cette imagerie frappante : « Mais ceux qui se confient en l’Éternel renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme les aigles ; ils courent, et ne se lassent point, ils marchent, et ne se fatiguent point. » (Es 40,31) D’autres versions (NBS, SER) utilisent le verbe « espérer ». Espérer, et avoir de l’espérance, c’est attendre avec patience. Notre attente confiante est une expression de l’espérance. Au premier siècle de notre ère, les enfants de Dieu attendaient avec anxiété l’arrivée du Messie. Ils pouvaient avoir de fausses attentes quant au type de Messie qu’ils attendaient… mais ils l’attendaient tout de même ! Le judaïsme du premier siècle était un foyer d’attentes messianiques. C’est cette espérance qui a poussé Siméon et Anne à attendre dans le temple pour voir le Sauveur promis, et les rois mages à parcourir de grandes distances pour voir le Roi promis. Et cette espérance a réconforté une jeune mère qui gardait dans son cœur toutes les promesses qui lui avaient été faites, même si elle ne les comprenait pas toutes encore. Noël, c’est une période pleine d’espérance, où la lumière et la musique promettent un lendemain différent.

L’IMPACT DE NOËL SUR NOTRE ESPRIT

Il est important de noter que même notre référence à la période de Noël montre comment, d’un point de vue séculier, l’esprit de bonne volonté associé à Noël a été, en quelque sorte, enfermé dans une « saison » qui ne dure pas plus qu’un mois (à peu près) — décembre. Après quoi, notre vie reprend son cours normal dans le « monde du moi » — la condition humaine depuis la chute de l’humanité en Éden qui, du coup, a introduit le péché dans le monde.

En fait, l’impact de la période de Noël et le changement marqué chez bien des personnes — on passe d’une attitude centrée sur soi à une attitude centrée sur l’autre — sont le dénominateur commun, lequel se traduit par des actes de don désintéressé et des relations positives, tous essentiels pour surmonter la peur et susciter l’espérance face à l’avenir. Un tel changement d’attitude a amené des scientifiques à essayer de comprendre l’impact de Noël sur notre cerveau. Par exemple, une étude à petite échelle menée par des chercheurs de l’Université de Copenhague a tenté de localiser le « centre » de l’esprit de Noël dans le cerveau à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) 3. Ces chercheurs ont montré aux participants de leur étude des images sur le thème de Noël. Ils ont constaté qu’il y avait, chez les participants qui fêtaient Noël, une augmentation de l’activité cérébrale dans toutes les régions du cerveau qui jouent un rôle dans le sens de la spiritualité d’un individu, ainsi que dans ses sens corporels et sa capacité à interpréter les émotions faciales. Bien que cette petite étude doive être reproduite à grande échelle afin de valider les principaux résultats, elle montre que les attributs clés des actes désintéressés qui définissent la période de Noël peuvent avoir un réel impact sur notre cerveau.

Chose intéressante, les effets documentés des actes désintéressés sur notre cerveau et, par conséquent, sur la façon dont nous pensons et nous comportons ensuite envers les autres, ont été étudiés de manière approfondie. De nombreuses études ont montré que les actes de bonté augmentent les niveaux d’ocytocine, parfois appelée « hormone de l’amour » parce qu’essentielle pour la formation de liens sociaux et pour faire confiance aux autres4.

Dans son amour infini, Dieu a câblé notre cerveau pour qu’il pense, se comporte, et vive en tant qu’être centré sur l’autre. Cependant, si l’attention portée à autrui peut récompenser notre corps et notre esprit, un seul acte de bonté ne peut pas avoir d’impact sur nous pendant quelques jours ou même quelques heures. Waguih William IsHak, professeur de psychiatrie à Cedars-Sinai, est sans doute celui qui en donne le meilleur résumé : « Le truc à connaître, c’est que les actes de bonté doivent être répétés. […] D’un point de vue biochimique, on ne peut pas vivre des trois ou quatre minutes de la poussée d’ocytocine résultant d’un seul acte5. »

Pour se rendre pleinement compte des récompenses de la bonté, et de ce que vivre dans l’altruisme signifie tel que Dieu nous a conçus à la création, les actes d’altruisme doivent être répétés, pratiqués — quotidiennement, heure après heure, et pas seulement pendant la période de Noël. En d’autres termes, la bonne volonté de cette période festive doit être vécue de manière habituelle à longueur d’année, car ce sont ces habitudes qui orienteront notre réponse aux situations de la vie et qui définiront finalement notre caractère. Disons-le autrement : notre caractère finit par être la somme totale des habitudes acquises alors que nous vivons et répondons aux expériences uniques de la vie.

« N’oubliez jamais que les pensées entraînent à l’action. Les actions répétées deviennent des habitudes, et les habitudes forment le caractère”, note Ellen White6.

Pourquoi est-ce aussi important ? Essentiellement pour ceci : notre caractère détermine en fin de compte notre destinée — non pas en raison de notre bonté inhérente ou de ce que nous pouvons apporter, mais plutôt en raison de la mesure dans laquelle nous permettons à l’Esprit de Dieu de nous modeler, de nous façonner de manière à ce que nous reflétions l’image de Dieu à laquelle celui-ci nous a créés à l’origine : « La moisson de notre vie, c’est notre caractère, qui décide de notre avenir, tant pour cette vie que pour la vie future7. »

NOËL — TOUS LES JOURS

Regarder au-delà de nos propres besoins, nous engager dans le monde qui nous entoure pour être en bénédiction aux autres ne peut pas faire partie de ce que nous faisons et de ce que nous sommes seulement au mois de décembre — bref, une seule fois par an ! Cette façon de vivre doit faire partie des modèles de nos vies et des attitudes que nous développons tous les jours. À l’instar de Dieu qui est venu dans le monde par Jésus — sous la forme d’un petit bébé sans défense couché dans une mangeoire toute sale — nous sommes appelés à vivre l’ouverture sur l’autre, visible dans la mission de sauvetage de Dieu sur la planète Terre. Cette focalisation sur les besoins des autres nous aidera à regarder au-delà de nos propres peurs et à éprouver un sentiment de communauté, car nous ne pouvons vraiment « être » que lorsque nous faisons l’expérience du « nous » de notre existence.

Noël ne peut pas se vivre seulement un jour, une semaine, ou un mois ! Noël doit devenir une habitude qui reflète le don désintéressé de Dieu et nous instruise de la façon de vivre notre vie quotidienne, d’entrer en relation les uns avec les autres dans nos familles et nos quartiers, et de faire face à un monde souvent cruel et douloureux. Nous avons besoin de plus qu’une poussée occasionnelle d’ocytocine de trois ou quatre minutes — nous avons besoin du Saint-Esprit pour reprogrammer notre être profond, comme l’indique Paul dans Romains 12.2 : « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. » Noël tous les jours est le résultat de cette remarquable transformation.

References


1 On peut trouver une discussion approfondie et utile des données bibliques et extrabibliques dans Andrew E. Steinmann, From Abraham to Paul : A Biblical Chronology, St. Louis, Mo., Concordia Publishing House, 2011, p. 219–255.
2 Voir https://www.volunteerhub.com/blog/volunteer-health/.
3 Anders Hougard et al., « Evidence of a Christmas Spirit Network in the Brain: Functional MRI Study », BMJ.com, 16 décembre 2015, en ligne sur le site suivant : https://doi.org/10.1136/bmj.h6266.
4 « The Science Behind Kindness and How It Benefits Your Health, » UniversityHospitals.org, 8 octobre 2020, en ligne sur le site suivant : https://www.uhhospitals.org/Healthy-at-UH/articles/2020/10/the-science-behind-kindness.
5 « The Science of Kindness », Cedars-Sinai Blog, 13 février 2019, en ligne sur le site suivant : https://www. cedars-sinai.org/blog/science-of-kindness.html.
6 Ellen G. White, Levez vos yeux en haut, p. 81.
7 Idem., Éducation, p. 121.


Gerald A. Klingbeil est rédacteur adjoint de Adventist Review Ministries. Titulaire d’un doctorat des études de l’ancien Proche-Orient, il a publié de nombreux ouvrages dans son domaine. Daniel Bruneau, titulaire d’un doctorat en étude des interactions humain-ordinateur, produit des services en création et innovation pour Adventist Review Ministries.