Ma première rencontre avec un adventiste : Jamais je ne l’oublierai

Méditations spirituelles 23/06/2022

Lou V. Marion | Adventist World, mai 2022

Je le revois encore, quelques sacs vides à la main, accompagné de deux jeunes gens qui l’aident à porter les provisions.

Lorsque je repense à ma première rencontre avec des adventistes sabbatistes, il y a de nombreuses années, un homme âgé, très spécial, me revient à l’esprit.

L’histoire se passe en 1952. Je n’ai alors que 19 ans. Ayant décidé d’éviter le service militaire en Yougoslavie, je traverse la frontière et me rends à Trieste, l’actuelle région nord-est de l’Italie. À l’époque, la zone libre de Trieste est occupée et dirigée par le gouvernement militaire allié. À mon arrivée, on compte environ 10 000 réfugiés à Trieste. Ils sont répartis dans cinq camps de réfugiés.

Après avoir passé trois semaines au camp d’Opicina (à environ 10 kilomètres de Trieste) où l’on effectue toutes les vaccinations et les contrôles médicaux, les réfugiés repartent dans l’un des quatre autres camps. Ceux qui sont malades sont envoyés au camp de Proseco, lequel sert d’hôpital. Les jeunes hommes célibataires sont envoyés à une prison abandonnée du vieux quartier de Gesuiti. Quant aux autres réfugiés, on les répartit entre le camp principal de San Sabba, et le camp annexe de San Sabba, à Trieste.

Le camp annexe de San Sabba, où l’on m’a envoyé, est le meilleur des camps. Ceux qui y séjournent sont en bonne santé. San Sabba se compose de 44 baraquements où logent principalement des familles. Je ressens, même à ce moment-là, la bénédiction de Dieu : il m’a envoyé à l’annexe de San Sabba et non à la prison de Gesuiti.

Quand on m’apprend qu’il faudra probablement des mois, voire des années, pour émigrer de Trieste, je m’active à trouver un emploi. Le logis et le couvert sont gratuits pour tous, certes, mais moi, je ne veux pas rester oisif. Un mois seulement après mon installation dans l’annexe, un poste se libère dans la cuisine du camp, et je postule. Le salaire n’est pas très bon. Je ne reçois que 6 000 lires (4 dollars) par mois, ainsi que quelques vêtements supplémentaires. Cependant, le processus d’immigration s’effectue plus rapidement pour ceux qui se montrent disposés à travailler.

Dix hommes travaillent dans la cuisine, cinq par équipe. Nous nourrissons quelque 1 400 personnes de diverses nationalités, cultures et religions. Une chose attire particulièrement mon attention : un groupe de gens vivant dans le baraquement numéro 43. Ils sont différents des autres. Non seulement ils se réunissent et chantent ensemble le samedi – contrairement à tout le monde dans le camp – mais ils préparent aussi leur propre nourriture dans la petite cuisine située au milieu du camp. Chaque matin où je suis de service, mon collègue et moi apportons un récipient de lait
de notre cuisine principale à la porte de cette petite cuisine. Le vendredi, nous apportons un récipient de lait plus grand. Le samedi, par contre, nous n’apportons rien. Je me demande souvent pourquoi ces gens vivent différemment de tous les autres dans le camp. Un jour, mon collègue de travail me dit qu’« avant la dernière guerre, [ces gens] étaient presque inexistants, mais aujourd’hui, ils poussent comme des champignons par une chaude journée d’automne, après la pluie. »

La cuisine principale est le point de livraison de la nourriture. Deux fois par semaine, un homme âgé et ses aides vont chercher les provisions dans notre réserve et les apportent à la petite cuisine. Ce qui m’impressionne le plus chez cet homme, c’est son comportement de gentleman. Il s’approche toujours de nous le sourire aux lèvres et avec courtoisie. Mon collègue, qui se considère lui-même comme étant religieux, agresse verbalement le vieil homme avec des remarques plutôt désagréables, même pour moi à cette époque. Mais l’homme reste calme et, par ses réponses, montre lequel des deux se comporte vraiment en disciple de Dieu.

Cet homme âgé représente vraiment le peuple de Dieu dans un lieu et à une époque tout à fait inhabituels. Où s’est-il retrouvé après avoir quitté le camp de réfugiés ? Je ne sais pas. Mais j’attends avec impatience le jour où je le rencontrerai à nouveau.

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Ce récit, écrit par, Lou V. Marion*, mon père, décrit sa première rencontre avec un adventiste – une rencontre qui a laissé une impression indélébile dans son esprit. Elle a été, en quelque sorte, une graine semée par un croyant fidèle.

Au milieu des années 1950, mon père – alors un jeune homme – a quitté ce camp et s’est rendu en Australie. Il a voyagé à travers le pays et a occupé divers emplois jusqu’à ce qu’il s’établisse dans une ville appelée Geelong, dans l’État de Victoria. Il a rencontré d’autres adventistes, lesquels ont arrosé la graine semée par le vieillard. Et un beau jour, mon père a été baptisé au sein de l’Église adventiste Seddon à Melbourne, à environ 75 kilomètres au nord-ouest de Geelong. C’est là qu’il a rencontré Rosa, ma mère.

Au cours de sa vie, Papa a dû relever de nombreux défis. Mais il est resté un fidèle serviteur de Dieu jusqu’à sa mort en août 1994.

J’attends avec impatience le jour – imminent, je crois – où je reverrai mon père et ma mère. Et j’aspire à rencontrer mon précieux sauveur et mon Père céleste face à face dans ma demeure éternelle.

D’ici là, je prie Dieu de nous aider tous à lui rester fidèles, de faire de nous de véritables représentants de notre Père céleste – quelles que soient les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons.

« Nous donc aussi, puisque nous sommes entourés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enlace si facilement, et courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée » (He 12.1, NBS).


*Ce compte rendu personnel a été légèrement retouché pour plus de clarté.


Après le conflit entre la Yougoslavie et l’Union soviétique au début des années 1950, Lou V. Marion, originaire de Yougoslavie, a vécu le reste de sa vie en Australie. Sa fille, Violet Marion, habite à Heidelberg, dans l’État de Victoria, en Australie.