L’entourage de Jésus

Méditations spirituelles 22/02/2022

Auteure : Alina Kartman, rédactrice en chef de Signs of the Time et ST Network | Adventiste Magazine

Depuis Thomas l’incrédule, les chrétiens ont voulu voir de leurs propres yeux ce que ceux qui étaient avec Jésus ont vécu aux moments clés de sa mission.

Heureusement pour nous aujourd’hui, le Nouveau Testament est une collection de témoignages présentés par des personnes qui ont soitpris part aux histoires elles-mêmes, soit parlé à des témoins oculaires des événements qu’elles rapportent. Pourtant, il arrive que les auteurs du Nouveau Testament ne parlent pas directement de Jésus, mais nous mettent au défi de le découvrir à partir de ses paroles, de ses préoccupations et de son entourage. Ceux qui ont écouté Jésus jouent le rôle le plus important. Qui étaient-ils ? Quelles étaient leurs préoccupations ? Qu’est-ce que leur présence autour de lui nous apprend sur Jésus ? Pourrait-il y avoir un pont entre l’esprit des anciens qui ont reçu l’Évangile et les lecteurs contemporains du Nouveau Testament ? Ces derniers pourraient-ils s’identifieraux attitudes et aux valeurs des Juifs du premier siècle ?

Vous savez déjà que la réponse est oui. Dans son livre « Jesus Remembered », le théologien James Dunn va plus loin : un appel avec des arguments moralement intacts, capables d’enrichir la visionde quiconque est prêt à permettre l’expansion des chemins déjà battus.

« Un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs »

L’un des reproches les plus retentissantsdes Pharisiens à l’égard de Jésus était qu’il mangeait avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs. Il est facile pour le lecteur contemporain de voir que cette réprimande était du type « tu es celui dont tu t’entoures », une manière d’insulter Jésus à travers les associations qu’il encourageait. En réalité, il s’agissait d’une protestation contre sa mission, fondée sur laremise en cause de sa crédibilité, insinuant qu’il devait avoir des valeurs complètement erronées pour accueillir à bras ouverts les membres les plus détestables de la société.

C’est vrai. Jésus a mangé avec des collecteurs d’impôts et des pécheurs. Un sentiment public profondément négatif à l’égard des collecteurs d’impôts était assez répandu dans le monde antique, et dans l’ancien Israël, il était renforcé par le fait que les impôts collectés étaient utilisés soit pour financer les « ambitions architecturales » du roi Hérode, soit pour remplir les poches de ses favoris, soit pour payer un tribut à Rome (ceci, bien sûr, lorsque l’argent ne restait pas dans les poches des collecteurs d’impôts eux-mêmes).

Pourtant, bien que l’attitude de Jésus à l’égard des collecteurs d’impôts ne reflète pas le mépris des Pharisiens pour la corruption du système fiscal et de ses fonctionnaires, Jésus n’a jamais approuvé leur comportement immoral, mais l’a considéré, tout comme l’exclusivité des chefs religieux, comme un manque de grâce.

Plus encore que dans le cas des collecteurs d’impôts, le fait que telles étaient ses intentions est encore plus clair en ce qui concerne les pécheurs. Certains théologiens ont actualisé l’accusation des pharisiens sur l’entourage des pécheurs. Dans « Jésus et le judaïsme », EP Sanders soutient que Jésus ouvrait la porte du royaume à descriminels non repentis ou à despersonnes auxquelles il refusait le statut de « pécheurs ». Dans son livre « A Marginal Jew », John Meier semble être d’accord. Cependant, James Dunn affirme que, comme aujourd’hui, dans l’Antiquité, le mot « pécheurs » n’était pas un terme absolu, tel qu’il pouvait toujours être démontré dans n’importe quelle cour de justice du pays. Au contraire, poursuit le professeur Dunn, le terme « pécheur » a été utilisé par les personnes ayant une certaine interprétation de la loi de Dieu pour désigner de manière critique ceux qui n’acceptaient pas la même interprétation. Ainsi, « le pécheur fonctionnait également comme un terme de faction, un terme d’insulte vitupérant, un mot à la mode péjoratif pour mettre en garde les membres du groupe contre une conduite hors des limites qui définissaient le groupe ».

En d’autres termes, les pécheurs avec lesquels Jésus mangeait n’étaient parfois jugés comme tels que par les adeptes d’une certaine interprétation sectaire de la loi. C’est pourquoi Jésus s’élève fermement contre ceux qui sont prêts à condamner les pécheurs. Non pas pour excuser l’iniquité, mais pour montrer que les accusateurs sont eux-mêmes pécheurs. L’objection de Jésus n’était pas que ces personnes n’étaient pas des pécheurs, mais elle visait le substrattacite de l’accusation et contestait que les pécheurs, quels qu’ils soient, étaienten dehors de la sphère d’action de la grâce de Dieu.

Jésus s’est tenu à l’écart des conflits doctrinaux entre les factions religieuses de l’époque, tout comme il a évité le réductionnisme des dogmes de la lutte des classes. Sa vision despauvres, une autre catégorie sociale dont il s’est souvent occupé, est restée « entièrement dans le cadre de la loi juive traditionnelle et de la spiritualité de la pauvreté », déclare Dunn. À partir du contraste entre des épisodes tels que l’éloge de la pauvre veuve qui a donné ses deux dernières pièces au temple et l’éloge de la femme qui a oint les pieds de Jésus avec un parfum coûteux, Dunn conclut que Jésus n’a pas idéalisé la pauvreté, mais a déclaré que les pauvres étaient des co-récipiendaires de l’alliance salvatrice que Dieu avait conclue avec son peuple.

Conformément à la sagesse et aux valeurs de l’Ancien Testament, Jésus a mis en garde à plusieurs reprises contre le risque de fausse sécurité que comporte la richesse et qui, une fois cultivée, remplacera fatalement la confiance des gens en Dieu.

Dans sa prédication, le Christ a montré que les pauvres sont plus disposés à s’ouvrir à Dieu, à reconnaître leurs besoins spirituels et à dépendre de lui pour leur sécurité.

Un nombre important de femmes faisaient également partie de l’entourage de Jésus. Contrairement à ce que pensent ceux qui voient dans les Écritures des signes de discrimination à l’égard des femmes, rien dans la Bible ne suggère que le Christ considéraitles femmes moins aptes que les hommes à recevoir la bonne nouvelle. Dunn note que l’absence de femmes parmi les 12 disciples a des raisons strictement socio-culturelles (les disciples devaient aller prêcher par deux, pour être reçus comme des invités là où ils prêchaient). L’auteur nie toute hypothèse théologiquesur l’inaptitude des femmes pourla mission, d’autant plus que de nombreuses femmes ont accompagné Jésus et les disciples, se sont occupées d’eux et, comme Marie de Béthanie, ont passé du temps à écouter le Maître et à profiter de son amitié.

Jésus n’a pas adressé de message particulier aux non-Juifs, mais il leur a parlé à plusieurs reprises, les a guéris et a loué leur foi. « Il est certain que Jésus semble avoir été particulièrement soucieux d’inclure ceux que la plupart des autres, ou les principaux faiseurs d’opinionen particulier, considéraient et traitaient comme hors du domaine de la grâce de l’alliance. Non seulement les pauvres, conformément aux priorités profondément enracinées de la Torah et du prophète, mais aussi, de manière surprenante, les “pécheurs”, qui devraient être désapprouvés par les fidèles ».

« Les collecteurs d’impôts et les prostituées vous précéderont dans le royaume de Dieu »

Le message de Jésus était à la fois révoltant et révolutionnaire pour le peuple. Sinon, comment pourrait-il déraciner les anciennes conventions qui contredisaient l’alliance même que Dieu avait conclue avec son peuple ? Jésus a démontré que, dans son entourage, il y a de la place aussi bien pour les collecteurs d’impôts que pour les pharisiens, à condition queles uns et les autres soient prêts à renoncer à la tromperie.

L’alliance entre Dieu et le peuple a toujours été fondée sur la grâce, et non sur des règles ou un statut. Puisque Dieu s’est chargé du pardondu peuple, celui-ci n’a plus à faire amende honorable. Dieu couvre le coût des dommages causés par le péché. Tout ce que le peuple doit faire, c’est accepter l’invitation à revenir dans l’entourage de Dieu et garder saconfiance en lui, afin que Dieu puisse le restaurer. Le même message a résonné dans les livres des prophètes tout au long de l’histoire d’Israël.


Traduction : Tiziana Calà