Le potentiel créatif de la poussière (1)

Méditations spirituelles 28/08/2022

28 août 2022 | Jean-Michel Martin, collaborateur, est Praticien en psychothérapie et Aumônier

Généralement, la poussière a mauvaise presse, et non sans raison. Elle peut contenir des microbes, des bacilles, et autres minuscules ennemis de notre santé, qui sont susceptibles de déclencher de redoutables allergies. Elle risque aussi de gâcher ou de perturber ma vue, quand j’attrape une poussière dans l’œil ; elle peut aussi désigner une action dans laquelle je cherche à dissimuler quelque chose d’embarrassant pour le faire disparaître aux regards indiscrets, mais sans succès, quand je cache la poussière sous le tapis. Et que dire quand elle correspond à une humiliation vécue par moi ou à une défaite de ma part, quand j’ai mordu la poussière ; sans oublier qu’elle peut aussi prouver que je subis l’érosion inexorable du temps qui passe lorsque je deviens un nid à poussière ; et encore pire : elle met en scène ma fin quand je suis réduit en poussière suite à un choc ou à un traumatisme violent, où au moment de mon départ quand je retournerai à la poussière, comme il est prophétisé dans Genèse 3.19 : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été pris ; car tu es poussière et tu retourneras dans la poussière (aphar) ». Dans Josué 7.6 elle illustre le deuil porté par l’homme de Dieu au moment où le peuple d’Israël désobéit et commet une fois de plus ses infidélités ; provoquant la colère et la rétribution de Dieu : « Josué déchira ses vêtements, et se prosterna jusqu’au soir le visage contre terre, devant l’arche de l’Éternel (YHWH), lui et les anciens d’Israël, et ils se couvrirent la tête de poussière (aphar) ».

Elle est la terre réduite en poudre très fine et très légère, et elle sert parfois à désigner une poussière de petits états. Au beau milieu d’un marathon de nettoyage, de passage d’aspirateur, de polissage et d’époussetage des meubles, je me suis déjà posé une question qui peut vous étonner : « Est-ce qu’il y aura de la poussière au paradis ? ». Je garde en mémoire ce que la Bible dit dans le récit de la création, à savoir que nous sommes nés de la poussière (qui a donc quelque chose à voir avec nos origines), poussière à laquelle a été ajouté le souffle divin vivifiant, selon qu’il est relaté en Genèse 2.7 : « L’Eternel Dieu (YHWH, Elohim) forma l’homme (Adam) de la poussière de la terre (aphar adama) et il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme (Adam) devint une âme vivante (nephesh) ». Entre l’homme (Adam) et la terre (adama) d’où il vient, il y a une unité organique, une interdépendance foncière exprimée par la proximité des noms utilisés pour en parler, et en plus, le fait de connaître notre matériau d’origine, de savoir que nous venons de la poussière (aphar), nous pousse à l’humilité, car nous sommes bien peu de chose, surtout en dehors de notre filiation avec le créateur.

En réalité, et en aiguisant un peu plus notre regard, nous entrevoyons une autre dimension : nous offrons la preuve vivante que nous sommes nés de la combinaison de la poussière et de l’action de celui qui est à l’origine de toute vie. Nos poumons inspirent et expirent de l’air, apportant l’oxygène au sang. Notre cœur pompe ce sang à travers un réseau mystérieux et bien rodé de plusieurs kilomètres de vaisseaux sanguins, permettant ainsi à notre cerveau de fonctionner et de diriger les fonctions conscientes et inconscientes du corps. Tout cela à partir de la poussière ! Étonnant ! Incarnation d’un projet originel et original ! Fruit de l’activité d’un Dieu créateur, artiste bienveillant et bien traitant, dont le prophète Samuel se fait l’écho dans 1 Samuel 2.8 : « De la poussière (aphar) il (l’Éternel, YHWH) retire le pauvre ; du fumier il relève l’indigent, pour les faire asseoir avec les grands, et il leur donne en partage un trône de gloire… ». Notre valeur ne nous vient pas de nous-mêmes, mais bien de l’action de celui qui nous a créés et de la place qu’il a assignée à chacun : il intervient en faveur de son enfant lorsque celui-ci reste fidèle à l’alliance contractée avec lui, chacune de ses interventions permettant de nous bonifier et de nous améliorer, de progresser à notre rythme et en synergie avec son temps. Nous pouvons parfaitement nous associer au chant entamé par le psalmiste au Psaume 139.14-16 : « Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse, tes œuvres sont admirables et mon âme le reconnaît bien. Mon corps n’était point caché devant toi, lorsque j’étais fait dans un lieu secret, tissé dans les profondeurs de la terre (erets). Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient… ».

(À suivre)