Le défi de l’éducation adventiste : Comment pratiquer cela sans laisser de côté le reste ?

Méditations spirituelles 16/11/2021

Voici quelques-unes des questions qui animent le débat et qui, en plus, peuvent « dépoussiérer » les choses : En tant qu’Église, pouvons-nous justifier l’énorme investissement entrepris dans le monde entier pour soutenir nos institutions éducatives ? Devant la prolifération d’institutions du savoir prestigieuses, particulièrement au niveau universitaire, quels arguments peut-on évoquer pour convaincre nos jeunes qu’il vaut réellement la peine de faire

des sacrifices pour se former dans nos établissements ? Indépendamment des réponses que ces questions peuvent susciter, une chose est certaine : si l’objectif de nos institutions éducatives ne consiste qu’à préparer des professionnels compétents, ou bien s’il s’agit seulement de les former pour qu’ils occupent leur place sur le marché du travail, il nous faudra alors conclure que notre système éducatif n’a rien de particulier, car les autres institutions le font aussi et certaines, avec grand succès. Autrement dit, cela n’en vaut pas la peine, à moins que le « produit » de nos institutions éducatives ne soit particulier, distinct et qu’il ne s’harmonise avec la mission que nous devons remplir en tant qu’Église.

Notre particularité

Quelle est la particularité de notre philosophie éducative ? Qu’est-ce qui doit nous pousser à ne pas ménager nos efforts pour donner à nos institutions tout le soutien dont nous sommes capables d’apporter en tant qu’individus et en tant qu’Église ? Comme l’a dit, à son époque, Ellen G. White, la particularité de notre philosophie réside en ce que l’objectif de l’éducation est exactement le même que celui du plan du salut. Nous lisons ceci :

« Restaurer en l’homme l’image de son Créateur, le rendre à la perfection pour laquelle il avait été créé, assurer le développement de son corps, de sa pensée, de son âme, pour que le plan divin de la création soit réalisé, devaient être l’œuvre de la rédemption. C’est le but de l’éducation, l’objet grandiose de la vie 1. »

Dans quel but Dieu a-t-il mis le plan du salut en marche ? Dans le même que celui par lequel est né notre système éducatif : la restauration de l’image du Créateur. Et cette affirmation, il faut le dire, est quasiment révolutionnaire. L’Église adventiste mise à part, qui parle de l’objectif suprême de l’éducation en ces termes ? De toutes les prestigieuses institutions du savoir, y en a-t-il une qui ait comme fin ultime du processus d’apprentissage la rédemption de l’être humain ? Personnellement, je n’en connais aucune. Pourquoi, alors, la raison d’être de nos institutions est-elle de promouvoir « le développement [du] corps, de [la] pensée, de [l’] âme » des étudiants pour qu’ils puissent réaliser « le plan divin de la création » ? Pour répondre, rien de mieux que cette autre citation d’Ellen G. White :

« Si nous voulons embrasser le champ d’action de l’éducation, nous devons considérer non seulement la nature de l’homme et l’intention de Dieu en le créant, mais aussi le bouleversement qu’entraîna, pour la condition humaine, la connaissance du mal, et le plan conçu par Dieu pour éduquer l’homme selon son glorieux projet, malgré cela 2. »

En plus de la formation académique, pourquoi la fin ultime du processus éducatif doit-il être le salut de nos étudiants ? D’après la citation précédente, c’est parce qu’aujourd’hui, l’être humain n’est plus ce qu’il était en sortant des mains de son Créateur. Parce que, comme résultat de notre désobéissance, des changements significatifs se sont produits dans notre nature et parce que seul le Créateur peut restaurer notre nature déchue afin qu’elle se développe pleinement et accomplisse la mission pour laquelle nous avons été créés : vivre pour la gloire de Dieu. Ceci est l’objectif du plan du salut et c’est également celui de l’éducation chrétienne adventiste, avec tout ce que cela implique.

Les implications

Si l’objectif suprême de notre éducation est de faire en sorte qu’en chaque étudiant s’accomplisse « le plan divin de la création », qu’est-ce que cela implique ? La première et plus évidente implication est que si une chose est plus importante, tout le reste est secondaire. En pratique, cela signifie que si en matière de rendement académique, certains de nos diplômés occupent la première place au niveau national, mais que, pendant leur passage par nos salles de classe, ils n’ont pas donné complètement leur vie au Christ, nous avons échoué auprès de ces étudiants. À quoi cela sert-il de former un professionnel compétent dans ses différentes spécialités, ayant de bonnes habitudes, ou même la vocation du service si, dans le processus, le Christ est resté qu’au second plan dans sa vie ?

Ce que nous disons ici ne signifie évidemment pas que nous négligerons la préparation académique de nos étudiants, ou que nous ne nous efforcerons pas de créer, dans nos institutions, une atmosphère propice à la transmission des valeurs (par exemple le service, le respect, la responsabilité, l’intégrité, etc.), ou que nous ne motiverons pas nos étudiants à cultiver de bonnes habitudes. S’il vous plaît, non ! Dans chacun de ces aspects, nous devons faire au mieux et dans la mesure où nos forces et nos ressources nous le permettent. Mais comme l’a déclaré notre Seigneur : « C’est là ce qu’il fallait pratiquer sans laisser de côté le reste » (voir Matthieu 23.23, c’est nous qui soulignons). Si éduquer, c’est sauver, alors la rédemption de nos étudiants est prioritaire. Faillir ici est purement et simplement échouer, comme l’affirme la déclaration suivante :

« L’esprit de chaque étudiant doit être impressionné de la pensée que l’éducation sera un échec à moins que son intelligence ait saisi les vérités de la révélation divine et que son cœur ait accepté les enseignements de l’Évangile du Christ 3. »

Comment mesurons-nous le succès ?

Et si les choses sont ainsi, comment mesurer le succès d’une institution éducative adventiste ? Nous le faisons au nombre des vies transformées, comme l’a exprimé George Akers : « On mesure réellement une école par rapport à ce qui s’y passe pour les étudiants en matière spirituelle, en terme de vies transformées […]. La préoccupation première, la mission centrale de toute institution chrétienne est de créer l’atmosphère adéquate dans laquelle la rencontre entre le divin et l’humain puisse se produire 4. »

« La rencontre entre le divin et l’humain ». Peut-on trouver un idéal plus noble, plus sublime pour établir et soutenir une institution éducative ? Il n’y en a absolument pas. Et parce qu’il n’y en a pas, et parce que telle est la raison d’être de notre système éducatif, nous devons faire de notre mieux car notre action éducative est intentionnelle et non fortuite. Nous devons savoir clairement ce que nous voulons et comment l’atteindre. C’est ce que nous pourrions qualifier d’« éducation intentionnelle », en nous faisant l’écho de R. S. Peters qui a écrit que « l’éducation est la transmission intentionnelle de ce que nous considérons comme précieux »5.

Oui, équipons nos étudiants des meilleurs outils pour leur recherche du savoir. Encourageons-les à toujours donner le meilleur de leurs talents pour servir leur prochain. Motivons-les à cultiver de bonnes habitudes afin qu’ils soient utiles et compatissants, afin qu’ils apprennent « à penser par eux-mêmes, à ne pas se contenter d’être le miroir de la pensée des autres 6 ». Mais ne cessons jamais de leur rappeler qu’ils ont été créés dans le but de glorifier leur Créateur et qu’un jour, ils entreront à l’école du ciel, quand toute chose aura retrouvé l’état initial, avant que le péché se souille le plan originel de Dieu.

La crème de la crème

Une dernière question avant de terminer : Si cette mission est d’une telle envergure, si délicate et si l’enjeu est si grand – rien de moins que le salut de nos enfants et étudiants – ne devrions-nous pas la confier à nos meilleurs hommes et femmes ? Pour une tâche aussi spéciale, il faut indiscutablement des personnes spéciales. De même que dans les écoles de prophètes, à l’époque de Samuel, « leur savoir et leur piété [des maîtres] leur attiraient le respect et la confiance du peuple 7 », aujourd’hui, nos institutions éducatives doivent avoir recours aux services de maîtres et professeurs qui connaissent personnellement le Christ, comme le préconise Ellen G. White dans la déclaration suivante :

« Même s’il en sait beaucoup sur l’univers physique, la structure de la vie animale, les découvertes de la science, les inventions de la mécanique, il ne peut être considéré comme réellement instruit et qualifié pour son travail de formateur de la jeunesse à moins qu’il n’ait une profonde connaissance de Dieu et du Christ, et qu’il ne soit lui-même étudiant à l’école du Christ, apprenant du divin Maître 8. »

Et maintenant, retour au début : En tant qu’Église, pouvons-nous justifier l’énorme investissement entrepris dans le monde entier pour soutenir nos institutions éducatives ? Pouvons-nous le faire, malgré les nombreuses options qu’offre le monde ? Pouvons-nous le faire, en dépit du grand sacrifice réalisé par les parents, les étudiants, les églises et les champs locaux pour que les portes de nos écoles et collèges restent ouvertes ? En réalité, la réponse n’a rien à voir avec le fait de pouvoir. Parce que si nous ne parlons que de pouvoir, il suffit de nous souvenir que nous servons un Dieu tout-puissant. Il s’agit plutôt de comprendre quelle est notre mission : Dieu a confié à nos institutions une mission rédemptrice, une mission qui n’est absolument pas négociable. Et il est également question de ne pas perdre la vision. Notre vision serait-elle si courte au point d’être incapables de fixer des objectifs allant au delà de l’ici et du maintenant ? Ou, comme les héros d’Hébreux 11, motiverons-nous nos étudiants à non seulement viser l’excellence dans tout ce qu’ils entreprennent ici-bas, mais aussi à ne jamais perdre de vue la « patrie meilleure, c’est-à-dire céleste » (Hébreux 11.16) ?

Le défi que doivent relever nos institutions est clair : former nos jeunes gens et jeunes filles pour qu’en eux se produise le développent le plus harmonieux possible de leurs facultés pour qu’ils deviennent « des hommes à l’esprit large, à la pensée claire, qui ont le courage de leurs convictions »9. Et surtout, les aider à ce que « jamais la vérité et l’honnêteté ne [soient] sacrifiées aux désirs égoïstes ou aux ambitions terrestres »10.

Le Seigneur l’a dit : C’est là ce qu’il faut pratiquer sans laisser de côté le reste.


1. Éducation, chap. 1, p. 18

2. Ibid., p. 17

3. Conseils aux éducateurs aux parents et aux étudiants, La véritable éducation supérieure, p. 13

4. George Akers, The Journal of Adventist Education [Le journal de l’éducation adventiste], vol. 40, n° 2, p. 7.

5. Cité par Terrie Dopp Aamodt dans The Journal of Adventist Education [Le journal de l’éducation adventiste], avril-mai 1996, p. 11. C’est nous qui soulignons.

6. Éducation, p. 19.

7. Ibid., p. 54

8. Conseils aux éducateurs aux parents et aux étudiants, L’objectif de nos écoles, p. 55.

9. Éducation, chap. 1, p. 19. 10. Idem.


Par Fernando Zabala, ex-recteur de l’Université adventiste du Venezuela, est rédacteur à la Maison d’édition interaméricaine. Publié dans la revue L’ancien, 3 trimestre 2013, page 12 à 14.