La traversée du lac

Méditations spirituelles 31/01/2021

Bill Knott | Adventist World Février 2021

Par un jour de grand froid – j’avais alors 23 ans – je me tenais près d’une tombe ouverte. J’ai adressé les paroles suivantes à une famille en deuil :

« Oui, tout est bien, malgré cette nuit de la crainte

Où se rompt l’union de l’acte et de la foi

L’orage rugissant est bien, pour qui perçoit

Sous l’orage une voix mystérieuse et sainte. »

Ces mots sont un extrait de « In Memoriam », un poème sublime composé par Alfred Tennyson en 1850 pour commémorer la perte de son ami Arthur Hallam. Les vers de ce poème parlent de réconfort, de certitude, et de foi – ces choses dont on a grand besoin près d’une tombe.

Dix mois plus tard, sous une douce pluie d’octobre, je me suis retrouvé près de la tombe ouverte de mon meilleur ami, et j’ai remis mon optimisme en question. Jeff et moi étions amis depuis le début du secondaire : nous rivalisions amicalement pour obtenir les meilleures notes en anglais, en chimie, et en mathématiques ; nous chantions dans des quatuors et des chorales à voix mixtes ; nous priions ensemble chaque matin, pendant la pause entre les cours.

Et maintenant, ce jeune pasteur, victime d’un accident de la route à l’aube de son parcours, n’était plus.

Y avait-il, en fait, « une voix mystérieuse et sainte » à travers l’orage rugissant ? Il m’a fallu des mois pour la découvrir – des mois difficiles et douloureux au cours desquels le réconfort que j’avais offert aux autres n’a pas toujours adouci mon propre chagrin. L’apparente inutilité de la perte – les espoirs brisés, les conversations qu’on n’aura jamais – était comparable aux vagues du lac de la Galilée qui ont bien failli couler un autre bateau.

Il m’a fallu des mois – non, des années – et d’autres tempêtes majeures pour être certain de cette voix mystérieuse et sainte. La perte de mon ami n’était que le premier des nombreux orages qui ont frappé mon bateau au cours des 40 dernières années. Il y a eu d’autres accidents, d’autres maladies redoutables, qui m’ont ravi des êtres que j’aimais. Il y a eu une centaine de jours décevants où je me suis demandé si mon ministère signifiait quelque chose ; si des progrès pouvaient être réalisés ; si, dans le bateau, certains compagnons avaient abandonné leur confiance et leur espérance.

Pourtant, nous continuons à nous enfoncer dans les profondeurs, à jeter nos filets, et à nous laisser surprendre par la joie. Ce bateau effectue de nombreuses traversées du lac – pour regarder le Sauveur nourrir encore des milliers de personnes par sa Parole ; pour voir son toucher guérissant transmis par des centaines de mains bien entraînées ; pour voir de nouveaux convertis ensevelis sous l’eau et ressuscités à une vie abondante.

Certaines nuits, les vents hurlent encore. Les vagues fouettent encore le reste de l’Église de Dieu avec toute la fureur des démons qui, une fois, après avoir été chassés par Jésus, se sont précipités dans le lac. Le bateau semblera se remplir de douleur lorsque nous découvrirons à quel point le diable déteste cette embarcation de pêche. Alors, nous aurons besoin les uns des autres – pour nous rappeler mutuellement qu’il y a un Seigneur qui ne nous a jamais quittés, un Seigneur qui se lève dans le tumulte pour lancer à nouveau cet ordre : « Silence ! Tais-toi ! »

Continuez de naviguer, mes amis. Et au besoin, continuez de ramer. Un grand calme pointe à l’horizon – un port éternel et joyeux vers lequel le Seigneur dirigera enfin son bateau.

Restez dans la grâce. Restez dans le bateau.