La musique dans le culte Analyse d’un thème compliqué, mais important

Méditations spirituelles 02/11/2021

L’utilisation appropriée de la musique pendant le culte est un sujet controversé pour l’Église chrétienne. La musique est un domaine extrêmement complexe qui peut être interprété de différentes façons. Généralement, l’approche du thème de la musique se fait avec beaucoup de préjugés, que ce soit pour, ou contre certaines formes. Néanmoins, il faut tenir compte du fait qu’en raison des grandes différences culturelles, il est difficile de définir un style de culte approprié. L’adoration en musique est une activité entièrement et exclusivement centrée sur Dieu. Pour que la musique corresponde à cet objectif, il faut donc prendre en considération la perspective de l’inspiration, le langage musicale et la synthèse des implications actuelles.

Une perspective inspirée de la musique d’adoration

La Bible abonde d’exemples d’auteurs qui ont transmis leurs messages par l’intermédiaire de chants. Dans la Mer Rouge, Moïse et les enfants d’Israël élèvent leur voix pour adorer leur Seigneur qui les a délivrés des Égyptiens. Dans Deutéronome 32, Moïse se sert encore de la musique pour graver dans l’esprit des Israélites une notion historique et prophétique 1. Le livre des Psaumes est une compilation de méditations musicales sur le thème de la Torah et du Messie. Il semble clair que Dieu utilise la musique pour graver sa vérité dans l’esprit de son peuple.

Indépendamment de la transmission de la vérité biblique, les auteurs sacrés reconnaissent la capacité de la musique à tourner les pensées des croyants vers Dieu. Dans les écoles de prophètes, « la musique devait élever les pensées vers les choses nobles et pures, et éveiller dans l’âme des sentiments d’amour et de reconnaissance envers Dieu 2. » Le psalmiste désirait chanter des louanges à Dieu et le célébrer de tout son être, tant qu’il vivrait (Psaume 9.2 ; 104.33). Ésaïe nous invite à « psalmodier en l’honneur de l’Éternel, car il a fait des choses magnifiques » (Ésaïe 12.5). En réponse à la guérison que l’Éternel lui a accordée, Ézéchias exprime son désir de faire résonner des chants accompagnés d’instruments, tous les jours de sa vie (Ésaïe 38.20). Paul nous invite à chanter et à célébrer le Seigneur de tout notre cœur (Éphésiens 5.19). La musique en tant que moyen d’exprimer à Dieu notre adoration pour ce qu’il est et ce qu’il a fait, s’enracine profondément dans les Écritures.

Dieu est le centre de l’adoration. « L’adoration n’est pas quelque chose que nous faisons pour nous-mêmes. Elle est exclusivement destinée à Dieu. C’est une activité entièrement centrée sur Dieu »3. Dans l’adoration, la personne principale n’est pas l’adorateur, mais Dieu. Le sacrifice désintéressé est essentiel pour entrer dans une adoration centrée sur Dieu.

Malheureusement, de nombreuses formes actuelles d’adoration sont devenues des occasions de divertissement et de discussions. Pour attirer les personnes vers un message centré sur elles-mêmes, des services agréables, d’un point de vue social, sont parfois organisés. L’adoration ne doit jamais devenir une séance de thérapie centrée sur l’adorateur. Au contraire, le sacrifice d’adoration nécessite une reconnaissance et une réponse envers Dieu.

La linguistique musicale

La complexité de la musique et de sa relation avec l’adoration sont considérables. Il est essentiel de remarquer la capacité de la musique à communiquer simultanément dans deux langages uniques. Les formes vocales comme instrumentales de la musique fonctionnent comme des éléments de communication linguistique. Si le message vocal de la musique se reconnaît facilement grâce à la présence de paroles, la musique instrumentale est également capable de parler de façon définie à l’auditeur. Si nous voulons vivre une expérience d’adoration appropriée et riche de sens, il faut prendre en considération tant le langage vocal qu’instrumental.

On critique souvent le caractère répétitif des paroles des chants, mais la répétition n’est pas forcément négative en soi. On aime généralement chanter dans une chorale, car c’est une activité en communauté. La répétition devient négative si elle est ne génère pas d’expression sensée. Matthew Ward, pionnier du genre musical « Jésus » (qu’on connaitra plus tard comme « musique chrétienne contemporaine ») reconnaît la trivialité de certains types de musique d’adoration : « On dit que Dieu est bon, mais on ne dit pas pourquoi. On lui dit qu’on l’adore sans aller au cœur de la raison de notre adoration »4.

Les paroles devraient rester centrées sur la personne de Dieu, sur ce qu’il a fait et ce qu’il fera. La musique destinée aux jeunes doit souvent rester simple mais, trop souvent, le message lyrique se perd dans la répétition d’énigmes indiscernables et se concentre plus sur les émotions que sur l’intellect. Pour que le chant d’adoration soit de qualité, il est important de mêler la variété aux éléments communs, tout en gardant des standards élevés de pensée et de réflexion contemplatives.

Il est clairement plus difficile de cerner la contribution instrumentale de la musique. « Il est indéniable que, depuis au moins le XVe siècle, les compositeurs ont, consciemment ou non, utilisé la musique comme un langage. Un langage non formulé dans un dictionnaire car, de par sa nature même, il ne peut s’y soumettre »5. « Elle [la musique] n’imite pas seulement, elle parle et son langage inarticulé, mais vif, ardent, passionné à cent fois plus d’énergie que la parole même »6. Indépendamment des paroles, la musique elle-même, communique.

Comme pour les langues parlées, la culture joue un rôle majeur dans la définition de la signification de la musique. « Les qualités acquises par un objet grâce à l’association et la suggestion » déterminent son sens 7. Le même type de musique peut susciter des effets complètements opposés d’une personne à une autre. « Tout simplement, la musique peut inspirer différents sentiments à différentes personnes, à différents moments »8. Tout comme certains mots sont considérés comme offensants, en raison de leurs connotations historiques et culturelles, la culture pèse sur la définition de la musique instrumentale.

Néanmoins, quelle que soit l’influence de la culture, la musique véhicule un message universel sur le bien et le mal. Pour comprendre les implications de cette affirmation, il faut d’abord prendre en considération la moralité. Jésus déclare : « Il n’est rien qui du dehors entre dans l’homme, qui puisse le rendre impur ; mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui le rend impur. » (Marc 7.15) Une musique négative n’implique pas nécessairement une souillure personnelle. Cependant, la musique peut représenter l’expression négative du péché du compositeur et, en tant que telle, influencer autrui. La musique peut réveiller les tendances mauvaises qui existent dans les individus.

Le Dr Howard Hansen, doyen de l’École de musique Eastman de l’Université de Rochester, à New York, affirme ceci : « La musique est un art curieusement subtil, composé de connotations émotionnelles innombrables et variées. Elle se compose de nombreux ingrédients et, selon leur proportion, peut être apaisante ou excitante, noble ou vulgaire, philosophique ou orgiaque. Elle influence autant dans le bon sens que dans le mauvais 9. » Il est intéressant de constater qu’il y a des milliers d’années, « Platon, dans La République, a soutenu que la musique pouvait : 1) fortifier une personne, 2) mettre en danger son équilibre mental, ou 3) lui faire perdre sa force de volonté pour la rendre impuissante et inconsciente de ses actes » 10.

Si on reconnaît que la musique est capable d’influencer les individus vers le bien ou le mal, cela n’implique que cette influence aille dans la même direction chez tout le monde. Si un puissant morceau d’orgue peut causer une expérience spirituelle profonde chez l’un, il peut entraîner une réaction complètement négative chez l’autre qui aurait été prédisposé autrement, de par sa formation culturelle. Par exemple, les chants et hymnes que nous chantons aujourd’hui dans nos églises étaient aussi utilisés dans le spiritisme du début des années 1900. « Plus près de toi mon Dieu » et « Tout joyeux bénissons le Seigneur » étaient associés par un médium reconnu « aux pratiques des spirites et d’autres sociétés dans leurs réunions publiques et dans les maisons » 11.

Ainsi, en plus d’être un moyen de communication marqué d’un caractère culturel, la musique peut également communiquer des idées ou des émotions considérées comme inappropriées d’un point de vue universel. Elle peut être l’expression du regard que le compositeur porte sur la vie. Si Dieu peut inspirer une expression musicale, Satan fait de même. Les médiums reconnaissent tout à fait que les esprits matérialisés se servent d’eux pour faire de la musique12. Les forces du mal peuvent inspirer de la musique qui véhicule des messages universellement inappropriés. Le rythme, la mélodie et l’harmonie peuvent tous transmettre un message universel qui dépasse les différentes cultures. L’adoration et la musique ne peuvent se résumer à de simples différences culturelles. La manière de dire les choses, avec douceur ou amabilité, est un langage qui se comprend indépendamment de la culture. L’agressivité, la tranquillité, la joie ou la crainte peuvent toutes se communiquer de façon universelle. Le fait de poser des paroles chrétiennes sur un morceau de musique ne le qualifie pas instantanément pour l’adoration.

« La musique est souvent dénaturée, mise au service du mal et devient ainsi un des moyens de tentation les plus séduisants. Mais bien employée, elle est un don précieux de Dieu, destiné à élever les esprits et les âmes à de nobles pensées13. » Les instruments ne sont pas problématiques en euxmêmes. C’est plutôt la façon dont une personne en joue qui fait que la musique produite soit approprié, ou non. Le rythme est essentiel à la musique mais, quand il gagne en intensités, il devient choquant et franchit le seuil de la conscience14. La répétition et la variété de périodes de tension et de relâchement sont essentielles pour produire une musique de qualité.

La musique doit être adaptée à l’atmosphère et au message transmis. En général, les airs sur lesquels on danse et les paroles sacrées sont incompatibles15. Ellen White, une des fondatrices de l’Église adventiste du septième jour raconte son expérience en observant les jeunes participant à la musique, lors d’une assemblée chrétienne : « des chansonnettes frivoles, dignes d’une salle de danse »16. Même si nous ne savons pas exactement de quelle musique il s’agissait, il est indubitable que certaines formes de musique sont adaptées pour des célébrations populaires et pas pour l’adoration. Tout comme le rythme et la mélodie des morceaux instrumentaux doivent correspondre aux paroles, les paroles elles-mêmes doivent être sélectionnées selon les normes les plus élevées. Steve Taylor, chanteur, compositeur, producteur de disques et metteur en scène affirme : « Je me suis rendu compte que, dans la musique chrétienne, ce qui est critique et important est son caractère divin. Si on perd de vue la croix, si on ne se centre pas sur le Christ, alors elle n’est rien de plus que de la « pop positive ». Il est mieux que nous l’oubliions »17. La musique chrétienne doit transcender, transformer la culture et offrir plus que ce que l’on trouve dans un club mondain ou une rencontre sociale.

Synthèse

Un des aspects de la musique est sa capacité à s’adapter au langage de la culture qui la définit. Il faudrait éviter les styles musicaux liés à des images ou comportements négatifs. Si certains aspects de ces styles musicaux peuvent être intégrés de façon acceptable, il reste néanmoins difficile d’intégrer dans le service une forme de musique culturellement négative. Liliane Doukhan, professeur de musique à l’Université Andrews, pose la question : « Ce mode d’expression spécifique à une culture sera-t-il bien perçu comme une manière de manifester notre révérence à Dieu18? »

En raison de leur capacité à ouvrir la porte à d’autres extrêmes musicaux, il faut être extrêmement attentif quand on intègre de nouvelles formes de musique au culte. Beaucoup d’adeptes de la musique contemporaine sont attirés par des styles de musique similaires, associés à des comportements inappropriés. Trop souvent, les personnes s’inspirent du génie musical d’artistes mondains qui cautionnent le sexe illégitime, la violence, l’envie et/ou l’égoïsme. En réalité, l’utilisation pour le culte de musique inadaptée peut influencer les personnes et les pousser à retourner vers de mauvais choix ou milieux musicaux.

Les musiciens chrétiens doivent être réellement convertis. Dans une certaine mesure, par l’intermédiaire de leur musique, ils partagent leur philosophie et leur perspective de la vie. « Rien n’est plus offensant pour Dieu qu’un étalage d’instruments de musique lorsque ceux qui en jouent ne sont pas consacrés et que leurs cœurs ne chantent pas pour le Seigneur19. »

La musique affecte l’humeur et la réaction de l’adorateur. L’Église de Satan enseigne que « le plus grand des dieux est l’égo et qu’il faut l’adorer en conséquence »20. Quand la musique d’adoration a pour objectif de ne satisfaire que les désirs égoïstes de l’adorateur, l’adoration du vrai Dieu disparaît. Les personnes qui considèrent un certain style de musique comme nécessaire pour entrer dans l’adoration devraient réévaluer leurs motivations. L’adoration n’est pas un sentiment ou une sensation, mais une offrande que nous apportons. « La musique devait élever les pensées vers les choses nobles et pures, et éveiller dans l’âme des sentiments d’amour et de reconnaissance envers Dieu. […] Que de personnes emploient ce don, non pour glorifier Dieu mais pour se faire admirer ! »21.

Conclusion

Il est essentiel que ceux qui adorent, ainsi que leurs responsables, fassent preuve d’équilibre et de clairvoyance. Ne chantons pas seulement « des chants de témoignage, de foi simple et d’invitation mais, également, des hymnes d’adoration, d’exhortation, de doctrine et d’avertissement »22. Choisissons des musiques qui invitent les adorateurs à examiner leur propre cœur alors qu’ils déposent leur offrande musicale devant le trône de Dieu. Ne rejetons pas les nouveaux styles de musique simplement parce qu’ils sont différents des formes traditionnelles et n’acceptons pas non plus facilement la musique promue par la culture qui nous entoure. Faisons preuve de discernement pour considérer les implications culturelles et universelles de la musique. Que la musique du culte transforme notre culture au lieu de se laisser dicter par elle. En tant que chrétiens, nous devrions présenter une culture supérieure, une culture céleste de la musique qui élève les pensées des adorateurs vers notre créateur et rédempteur.


1. Si le chant de Moïse célèbre les œuvres merveilleuses de Dieu en faveur de son peuple dans le passé, il préfigure également les grands évènements du futur : la victoire finale des fidèles quand le Christ reviendra dans sa gloire et sa majesté. Voir Ellen G. White, Patriarches et prophètes, chap. 25, p. 259, 260.

2. Ibid., chap. 58, p. 583.

3. Lilianne Doukhan, « Can Joy and Reverence Coexist? » [Peuvent la joie et la révérence coexister ?], Adventist Review, 11 septembre 2003, p. 24.

4. Matthew Ward, Worship Leader [Directeur de louange], Septembre-Octobre 2002, p. 19.

5. Deryck Cooke, The Language of Music [Le langage de la musique], Oxford University Press, New York, 1990, p. 13, 14.

6. Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Écrits sur la musique, Stock, Paris, 1979, p. 229.

7. Carroll C. Pratt, The Meaning of Music [La signification de la musique], McGraw-Hill Book Co., New York & London, 1931, p. 10.

8. Elizabeth Brown and William Hendee, « The Acquired Character of the Musical Experience » [Le caractère acquis de l’expérience musicale], Journal of the American Medical Association 262, Septembre 1989, p. 1662.

9. Howard Hansen, « A Musicianœs Point of View Toward Emotional Expression » [Le point de vue dœun musicien sur les expressions émotionnelles], American Journal of Psychiatry 99, Novembre 1942, p. 317.

10. Richard D. Mountford, « Does the Music Make them Do it? » [La musique nous fait elle agir ?], Christianity Today, 4 Mai 1979, p. 21.

11. Il faut reconnaître que les médiums de cette époque mêlaient facilement les pensées bibliques au spiritisme. W. C. Bowman, 20th Century Formulary of Songs and Forms [Recueil de chants et formulaires du XXe siècle], W. C. Bowman, Los Angeles, 1907, n° 35, 36.

12. W. W. Aber, A Guide to Mediumship: Dictated by a Materialized Spirit [Guide de voyance : dicté par un esprit matérialisé], Dale News Inc., Lily Dale, New York, 1946, p. 19.

13. Ellen G. White, Éducation, chap. 17, p. 190.

14. Ellen White, l’une des fondatrices de lœÉglise adventiste du septième jour a répondu lors d’un évènement pendant le camp meeting de Muncie, dans l’Indiana, en 1900, au cours duquel le fanatisme se manifestait par le mouvement Holy Flesh [sainte chair]. La musique avait joué un rôle prépondérant dans l’émergence de ce fanatisme. Madame White a décrit ce genre de musique comme un « bruit d’asile d’aliénés » qui « choque les sens et pervertit ce qui, bien employé, serait de nature bienfaisante ». – Ellen G. White, Messages choisis, vol. 2, chap. 3, p. 41.

15. Madame. S. N. Haskell décrit les musiques mentionnées dans la note précédente et tirées dœun recueil de chant appelé « Le jardin des épices » comme étant « des morceaux de danse transformée en cantiques sacrés ». — Ellen G. White, Music—Its Role, Qualities, and Influence [La musique : son rôle, ses qualités et son influence], chap. 5, Rapport de Mme. S. N. Haskell à Sara McEnterfer, 12 Septembre, 1900, p. 13.

16. White, The Voice in Speech and Song [La voix dans le discours et le chant], chap. 67, Pacific Press, Boise, Idaho, 1988, p. 420.

17. Steve Taylor, Christianity Today, 20 Mai, 1996, p. 23.
18. Lilianne Doukhan, op.cit., p.25.
19. Ellen G. White, Évangéliser, section 15, « Musiciens et chanteurs », p. 458.

20. The Arcane Archive [L’archive obscure], « The Alt.satanism FAQ », http://www. arcane-archive.org/faqs/faq.astnngp.0418.php, « What is satanism? » [Qu’est-ce que le satanisme ?], 1.2.

21. White, Patriarches et Prophètes, chap. 58, p. 583.

22. Donald P. Hustad, « Problems in Psychology and Aesthetics in Music » [Problèmes de psychologie et dœesthétique dans la musique], Bibliotheca Sacra, Juillet 1960, p. 227.


Ryahn Hablitzel, étudiant diplômé de l’Université de Andrews. Publié dans la revue L’ancien du 2 trimestre 2013, page 20 – 23.