La grande réinitialisation : réalités, utopie, conspiration

Méditations spirituelles 14/05/2023

Par Laurențiu Moț | Signs of Times

Depuis le lancement de l’initiative,l’expression “la grande remise à zéro” a généré plus de huit millions d’interactions sur Facebook et les tweets à ce sujet ont été partagés près de deux millions de fois sur Twitter.

Dans le sillage de l’élection présidentielle américaine de 2020, Michael J. Matt, fondateur de Remnant TV, a gravement annoncé, dans une vidéo d’environ 6 minutes, que “tout le monde participe à la grande réinitialisation” et que le seul qui se trouve sur leur chemin est Donald Trump. Il y a beaucoup de mystères et de spéculations autour du concept de la Grande Réinitialisation, et c’est le but de cet article de faire la lumière sur un sujet complexe qui fait l’objet de nombreuses spéculations.

Allons à la source

La Grande Réinitialisation est un programme du Forum économique mondial (WEF), auquel se joignent des hommes d’affaires, des hommes politiques, des personnalités du monde académique, ainsi que d’autres leaders internationaux.

Le programme consiste en un ensemble de prévisions et de propositions pour la décennie en cours qui sont avancées dans l’espoir de stimuler des interventions appropriées de la part des dirigeants mondiaux. Cette vision a été conçue dans le contexte de la pandémie COVID-19, mais elle a été formulée pour répondre au changement climatique dangereux, qui est en train de se développer. Selon Google Trends, au cours de l’année et demie écoulée, les recherches sur la Grande Réinitialisation ont atteint un pic pendant la semaine des élections aux États-Unis, du 15 au 21 novembre 2020, et au moment de la rédaction de cet article, elles continuaient d’augmenter. Cet essai vise à fournir des informations responsables sur la plateforme de la Grande Réinitialisation et à la comparer à la vision prophétique de l’Apocalypse de Jean.

La principale source d’information sur le Grand Redémarrage et son lien avec la pandémie est le livre intitulé COVID-19 : The Great Reset, signé par Klaus Schwab, fondateur du WEF, et Thierry Malleret, associé gérant du Monthly Barometer. Le livre est un essai semi-académique sur le monde post-Covid et part du principe que la réponse à la pandémie dépend aussi de l’approche du réchauffement climatique. Selon les deux auteurs, le monde actuel est caractérisé par l’interdépendance (qui fait qu’un problème en engendre beaucoup d’autres), par la rapidité (52 % de la population mondiale est en ligne) et par la complexité (qui met en évidence l’imprévisibilité). Schwab et Malleret considèrent que des changements radicaux sont nécessaires dans cinq domaines.

Réinitialisation économique

Les auteurs posent la question suivante : qu’est-ce qui est le plus important à sauver dans une situation de crise, la vie des gens ou l’économie ? Il est évident que les premières sont plus importantes. Dans un autre article publié dans le magazine Time, M. Schwab définit sa vision d’une économie meilleure grâce à une nouvelle version du capitalisme. En substance, il préconise que les entreprises ne recherchent plus seulement des profits étroits et à court terme, mais aussi le bien-être de tous les individus et de la planète. Schwab déplore le dicton “les affaires des affaires sont les affaires” (qui signifie essentiellement que la seule responsabilité d’une entreprise est le profit) et recommande des préoccupations plus larges dans l’arène des affaires. Il faut admettre que cette vision semble positive. Dans cette perspective, il faut regarder, par exemple, l’industrie verte qui gagne progressivement en popularité et qui fait partie des préoccupations des politiciens.

Aussi positive que puisse paraître cette vision de l’économie future, l’Apocalypse voit les différences entre grands et petits, riches et pauvres, libres et esclaves se perpétuer jusqu’à la fin de l’histoire (Apocalypse 13:16). D’ailleurs, à la fin de la liste des échanges de produits entre les marchands de la terre et la femme (Babylone), on trouve “des êtres humains vendus comme esclaves”[1] (Apocalypse 18:13). Ceci nous montre que, dans la perspective de la Bible, le souci de la plate-forme Great Reset et du WEF pour une économie juste, pour tous et pour la planète, est soit une démarche honnête qui finira par échouer, soit une simple propagande destinée à couvrir le vieux commerce capitaliste où quelques-uns s’enrichissent[2].

Réinitialisation sociale

Les deux auteurs notent une diminution de la confiance dans les institutions publiques (due à la mauvaise réponse à la pandémie de COVID-19). L’une des conséquences est la tendance à rechercher des changements radicaux. Afin d’éviter des actions radicales contre d’autres menaces (par exemple, le réchauffement climatique, l’inégalité sociale), qui pourraient faire plus de mal que de bien, certains changements radicaux doivent être apportés à temps. D’autre part, les entreprises, en demandant de l’aide pendant la pandémie, ont accru l’importance du gouvernement. Et l’intervention du gouvernement a favorisé l’entreprise au détriment du salarié. Schwab et Malleret s’abstiennent de faire des prédictions précises, mais proposent quelques grandes lignes sur la façon dont la société sera affectée : une redistribution massive des richesses des riches vers les pauvres, le choix de la solidarité plutôt que de la concurrence et du bien-être social plutôt que de la croissance économique.

Le dernier point semble bien utopique. L’Apocalypse ne parle pas d’égalité sociale à la fin des temps. Il prévoit plutôt l’accroissement de l’importance des gouvernements et la radicalisation sociale. Le dragon donne à la bête marine une si “grande autorité” (Apocalypse 13:2) que les habitants de la terre considèrent que cette dernière n’a pas d’égal en matière de domination et de puissance (13:4). L’autorité mondiale de la bête de mer est clairement énoncée en 13:7, puis transférée à la bête de terre en 13:12. Sur la base de cette juridiction mondiale, cette dernière est en mesure d’ordonner aux habitants de la terre de faire une image de la bête de mer qui, à son tour, exerce une autorité mondiale (13:16-17 ; cf. v. 7). Cela semble indiquer l’importance croissante du gouvernement et la manière dont les entreprises s’élèveront au-dessus des employés. En fin de compte, aucune liberté personnelle ne sera offerte. En même temps, l’image de la bête est une création des habitants de la terre (les couches inférieures/communes de la société), qui se radicalise dès qu’elle prend vie.

Réinitialisation géopolitique

Au niveau géopolitique, le reset du WEF suggère qu’avec la pandémie, les tendances à la démondialisation s’accentuent. Le BREXIT et l’élection du président Trump suite à son discours nationaliste – auxquels j’ajouterais le cas plus récent de la Hongrie – montrent le recul de la mondialisation dans le monde occidental. C’est pourquoi nous avons besoin d’une nation pour combler le vide hégémonique. Sans elle, le monde souffrira d’un “déficit d’ordre mondial” et leXXIe siècle creusera le fossé entre les États et la multipolarité. Il n’y a pas de meilleur candidat que les États-Unis pour cela, même si certains pensent que le soutien d’autres alliés est également nécessaire. Seule une politique volontariste pourrait rétablir la confiance du public dans les politiques climatiques et l’Accord de Paris. Pour ces analystes, le monde est aujourd’hui à un tournant et fait face à des opportunités de “réinitialisation” qui ne se représenteront pas deux fois.

La Grande Réinitialisation représente également un trilemme : (1) la démocratie plus le nationalisme exclut la mondialisation, (2) le nationalisme plus la mondialisation exclut la démocratie, (3) la démocratie plus la mondialisation exclut le nationalisme. Selon ce trilemme, si la mondialisation doit faire partie de l’équation, il faut exclure soit la démocratie, soit le nationalisme. Le livre de l’Apocalypse présente la puissance hégémonique de la fin des temps sous le symbole de la bête terrestre. Celle-ci semble être le personnage clé, le véritable lien entre l’autorité de la bête marine et la formation de son image. Sous la domination de la bête terrestre, la démocratie et le nationalisme semblent diminuer de manière drastique. En ce sens, la Grande Réinitialisation est l’un des meilleurs moyens d’anticiper ces développements futurs.

Réinitialisation environnementale

La principale préoccupation de ce chapitre est le réchauffement climatique. Des politiques respectueuses du climat sont jugées urgentes. L’espoir est actuellement lié à l’actuel président des États-Unis. L’apôtre Jean présente l’avenir de la planète en termes “chauds”. Le premier fléau de la fin des temps apporte une terrible maladie de peau, le deuxième des désastres sur les mers, le troisième un manque d’eau et, lors du quatrième jugement, le soleil brûle les habitants de la terre d’une grande chaleur (Apocalypse 16, 8, 9). Le soleil brûlant, le manque de nourriture et d’eau sont également ressentis par la grande foule des 144.000 vêtus de blanc (Apocalypse 7:16). Cela me fait penser que tôt ou tard, la réinitialisation de l’environnement échouera, même si elle semble être un bon plan aujourd’hui.

Réinitialisation technologique

Le dernier domaine de changement est la technologie. Une tendance omniprésente est l’habitude d’utiliser davantage la technologie, en raison des restrictions imposées pendant la pandémie (école, achats, services en ligne). Les gens ont accepté plus facilement ce qui semblait auparavant irremplaçable : les films, la nourriture, la communication, l’exercice physique et d’autres, tous en ligne, ont commencé à sembler normaux.

Tout est devenu électronique : l’apprentissage en ligne, le commerce électronique, les jeux en ligne, les livres en ligne, la participation en ligne. La nouvelle normalité est également alimentée par l’expression “plus sûr, moins cher, plus vert”.

L’utilisation excessive des plateformes de communication et de marketing en ligne pose évidemment aussi le problème de la protection de la vie privée. Ce principe fondamental devient volatile dans un contexte où la santé publique est menacée. Schwab et Malleret ont suggéré que le suivi des utilisateurs est une composante essentielle de la réponse aux dangers posés par le COVID-19. Avec plus de 5 milliards de smartphones dans le monde, le potentiel d’identification des personnes infectées était considéré comme sans précédent. Comme le montrent diverses enquêtes américaines et européennes, le nombre de citoyens qui semblent favorables au suivi des smartphones par les autorités publiques est en augmentation. Il est évident que cela soulève de sérieuses inquiétudes en matière de libertés et de droits.

La perspective d’être surveillé en permanence semble refléter ce que Jean a vu lorsqu’il a dit : “La seconde bête avait le pouvoir de donner la respiration à l’image de la première bête : “La seconde bête reçut le pouvoir de donner la respiration à l’image de la première bête, de sorte que l’image pouvait parler et faire tuer tous ceux qui refusaient d’adorer l’image. Elle obligea aussi tous les hommes, grands et petits, riches et pauvres, libres et esclaves, à recevoir une marque sur la main droite ou sur le front, de sorte qu’ils ne pouvaient ni acheter ni vendre sans porter la marque, qui est le nom de la bête ou le nombre de son nom.” Nous ne pouvons pas imaginer la possibilité d’un boycott économique mondial de ceux qui refusent la marque de la bête et, en fin de compte, un décret de mort pour ceux qui n’adorent pas l’image de la bête marine, à moins qu’il n’y ait un système de surveillance. La Grande Réinitialisation introduit l’idée de surveillance dans un contexte de risque sanitaire ; le livre de l’Apocalypse parle de bien plus.

La grande réinitialisation, une théorie du complot et le livre de l’Apocalypse

Dans les cercles d’analystes politiques, la Grande Réinitialisation a été accueillie avec des sentiments mitigés et presque toujours avec inquiétude. Certains la jugent trop impuissante pour changer quoi que ce soit de significatif, d’autres la considèrent comme un outil de propagande derrière lequel les riches s’enrichissent encore plus. Certains auteurs soulignent les dangers catastrophiques pour la liberté que le contrôle gouvernemental pourrait entraîner. Une chose est sûre, la Grande Réinitialisation n’est pas une conspiration. Il s’agit d’une proposition de programme public. Mais cela n’élimine pas les conséquences négatives des erreurs de décision de ses promoteurs, en particulier le danger de porter atteinte aux libertés fondamentales.

Le livre de l’Apocalypse, quant à lui, place le conflit final entre le bien et le mal dans le contexte de l’adoration. Dans l’état actuel des choses, l’élément religieux ne fait pas partie du programme de la Grande Réinitialisation. Les changements proposés par les dirigeants du WEF ne sont pas d’ordre religieux, mais ils proviennent de domaines susceptibles de croiser la religion à un moment ou à un autre. Dans le livre de l’Apocalypse, les élites sont oppressives et s’opposent à Dieu, et leur suivi par les habitants de la terre semble avoir lieu à un moment où ces élites sauvent la planète[3]. Les chrétiens feraient bien de prêter attention à l’évolution de ces phénomènes, mais ils devraient éviter l’habitude de l’exagération et des prédictions fatalistes jusqu’à ce que les choses soient claires. Il y a des choses que le livre de l’Apocalypse prédit et que nous ne comprendrons pas complètement avant qu’elles ne se produisent.

Laurenţiu Moţ nous emmène dans les coulisses de la plateforme-programme “Great Reset” du Forum économique mondial pour découvrir ce qui est gratifiant, mais aussi inquiétant pour l’avenir, du point de vue des créateurs du programme.


Notes de bas de page

[1]”Des textes bibliques et des fragments de textes bibliques sont reproduits dans la traduction de l’auteur de cet article – ndlr”.
[2]”Alors que des millions de personnes ont perdu leur emploi aux États-Unis au cours des premiers mois de la pandémie, Amazon a augmenté ses actifs de 12 milliards de dollars au cours de la même période.”
[3]”William H. Shea, “The Chiastic Structure of Revelation 12:1-15:4 The Great Controversy Vision”, Andrews University Studies 38/2, automne 2000 : 269-292 (281)”.