« Je ne vous connais pas »

Méditations spirituelles 01/02/2021

Leandro J. Velardo | Adventist World Janvier 2021

Un fait de l’eschatologie biblique souvent négligé.

Enfant, j’aimais beaucoup une série de dessins animés bibliques fort bien faits, tant pour sa qualité artistique que pour son adaptation respectueuse du texte biblique. Ces dessins animés recréaient diverses histoires du Nouveau Testament. Maintenant que je suis père, il m’arrive encore de les regarder avec mes enfants.

L’une des histoires de cette série pour enfant est la célèbre parabole des dix vierges (Mt 25.1-13). Vers la fin de la parabole, lorsque l’époux s’adresse aux vierges folles, on entend une réponse qui, à bien des égards, saisit l’esprit du texte biblique : « Si vous êtes mes amies, alors pourquoi n’êtes-vous pas venues à l’annonce de mon arrivée ? […] Désolé, mais je ne vous connais pas. »

Dans ce qui suit, je me concentrerai brièvement sur certaines nuances linguistiques du texte grec de Matthieu 25.11,12, et plus précisément sur la signification de l’expression : « Je ne vous connais pas ».

QUELQUES DÉTAILS IMPORTANTS

Dans cette parabole de Jésus, la scène décrite est caractérisée par une profonde solennité. Cela se traduit par l’utilisation du présent dans la langue originale lors de la narration d’une situation passée. Les érudits appellent cette caractéristique linguistique « le présent historique » – un décalage temporel qui ajoute un sens aigu à une scène (1). Les lecteurs remarquent l’accent qui est mis, se demandent ce qui se passe, et sont plus attentifs.

En outre, le verset 11 contient la double mention du mot « Seigneur » dans la supplication des cinq vierges qui ont raté la venue de l’époux : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous [!] »

Voici la traduction littérale du début du verset 12 : « Mais répondant, il dit ». Cette forme d’expression traditionnelle est la façon dont le peuple hébreu s’exprimait. Elle ne reflète en rien l’usage typique du grec classique ou hellénistique. La réponse de l’époux utilise la formule solennelle « Vraiment, je vous le déclare » ou « En vérité, je vous le dis », suivie d’une forme du verbe grec oida (« connaître ») qui, dans ce contexte, atteste l’absence d’un lien significatif entre l’époux et les cinq vierges folles (2). Ce verbe souligne le désarroi qui semble accabler l’époux.

SAISIR LE TON

La traduction « Je ne vous connais pas », fournie par la plupart des versions modernes de la Bible, est appropriée. Cependant, comme c’est parfois le cas, cette traduction ne rend pas pleinement la force de la déclaration dans la langue originale.

Certaines traductions modernes offrent des alternatives utiles. « Je ne sais pas qui vous êtes [nous n’avons pas de relation] » nous dit la Bible du Semeur (3).

La paraphrase de la Bible PVV donne cet équivalent : « Vraiment, je vous l’assure : je ne sais pas qui vous êtes (4). »

Les deux traductions offrent un meilleur aperçu de la formulation emphatique du texte grec original de Matthieu 25.12. Les commentaires d’Ellen White sur la parabole des dix vierges font écho à l’affirmation musclée du texte grec :

« Mais ceux que symbolisent les vierges folles se sont contentés d’une expérience superficielle, et n’ont pas connu Dieu véritablement. Ils ne se sont pas appliqués à sonder son caractère, ils n’ont pas entretenu de communion avec le Seigneur ; voilà pourquoi ils ne savent comment faire pour croire et pour vivre leur foi. […] Ici-bas, ils n’ont pas goûté la communion avec le Christ, c’est pourquoi ils ne connaissent pas le langage du ciel et sont privés de ses joies (5). » Plus loin dans le chapitre, elle ajoute : « Il est impossible d’éloigner le Christ de sa vie présente et d’être prêt à jouir de sa compagnie dans le ciel (6). »

La teneur de la déclaration de l’époux ne repose donc pas sur une indifférence obstinée de l’époux, ni sur son incapacité présumée à identifier les vierges manquantes à cause de l’obscurité. Les vierges folles ne sont pas victimes des circonstances, mais héritières et protagonistes inévitables de leurs propres décisions. Elles sont les architectes de leur malheureuse réalité, faute d’une relation intime et précieuse avec celui qui doit être l’essence même de toute célébration.

Le langage utilisé dans le dessin animé de la Bible offre un verdict sans appel étant donné l’absence totale d’un lien étroit avec l’époux qui justifie leur participation au mariage : « Si vous êtes mes amies, pourquoi n’êtes-vous pas venues quand j’ai annoncé mon arrivée ? […] Désolé, mais je ne vous connais pas. »

Entre une indifférence prophétique et la frénésie des derniers jours, il y a la nécessité d’approfondir notre lien avec notre Maître bien-aimé. Matthieu 25.12 est un rappel intemporel de l’importance vitale et de la signification éternelle de notre marche quotidienne avec Jésus.


1 Certains érudits soutiennent même que l’utilisation de Matthieu du « présent historique » met en évidence les moments clés du récit. Voir, par exemple, S. Wolfgang, « Das Präsens Historicum als makrosyntaktisches Gliederungssignal im Matthäusevangelium », New Testament Studies 22.4, 1976, p. 475.

2 Voir ici W. Bauer, W. F. Arndt, F. W. Gingrich, et F. W. Danker, Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature, troisième éd., Chicago, Chicago University Press, 2000, p. 693.

3 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.

4 Voir ici www.thepassiontranslation.com/scripture-search/?query=Matt+25%3A12.

5 Ellen G. White, Les paraboles de Jésus, p. 360.

6 Ibid., p. 362.


Leandro J. Velardo est professeur de Nouveau Testament à la faculté de théologie de l’Université adventiste de la Plata. Sa famille et lui habitent à Libertador San Martín, dans la province d’Entre Ríos, en Argentine.