Et si on rigolait ? Un gai rire pour … guérir, ou la vertu de l’humour !

Par Jean-Michel Martin, aumônier.

Nous avons l’habitude de dire qu’un chrétien triste est un triste chrétien, surtout quand il fait  une mine d’enterrement, oubliant la bonne nouvelle de la résurrection et de la réconciliation. D’ailleurs les médecins savent qu’il existe une relation directe entre la bonne humeur et la santé, et que les gens qui considèrent la vie avec optimisme et espoir, qui envisagent le vieillissement comme une bonification (ajouter de la vie aux années, plutôt que des années à la vie), mènent en général une existence plus féconde et plus remplie. Cette tournure d’esprit et ce mode de vie sont plus bénéfiques et positifs que certains médicaments, permettant une baisse de la pression artérielle et une réduction du taux de cholestérol, surtout en les associant à l’exercice physique régulier, à l’abstinence du tabac, de l’alcool, du café, des excitants, des sodas et des boissons alcoolisées, de la consommation de viande, etc.

Si nous sommes comme ce croyant qui disait : « J’ai ouvert plus de cent églises » et à qui on demandait : « Ah bon, tu es pasteur ? », avant qu’il ne réponde : « Non, je suis serrurier», nous avons trouvé une des clefs du succès et du bien-être, car nous savons faire preuve d’humour, nous sommes prêts à rigoler, à oser un gai rire pour guérir, et nous avons de quoi être reconnaissants, car nous utilisons un des outils importants dont Dieu nous a dotés pour supprimer les épreuves et les difficultés, un Dieu qui lui-même est à envisager avec un visage souriant, une posture foncière bienveillante et bientraitante[i]. Si nous sommes en relative bonne santé, nous sommes plus chanceux que les millions de personnes qui ne survivront pas  cette semaine. Si nous n’avons jamais connu les dangers d’une guerre, de la solitude de l’emprisonnement, l’agonie de la torture ou les affres de la faim, nous sommes plus chanceux que 500 millions de personnes dans le monde. Si nous pouvons nous rendre à l’église sans contrainte, persécutions ou menaces de mort, nous sommes plus privilégiés que trois milliards de personnes. Si nous avons de l’argent dans notre portefeuille ou à la banque, nous faisons partie des gens aisés. Et nous n’avons pas réellement de raison d’être de mauvaise humeur. Peut-être est-il temps d’écrire les choses pour lesquelles nous devrions être reconnaissants, et nous en réjouir, pour pleinement les conscientiser.

Quand j’ai pensé à ma propre liste de sujets de joie et de reconnaissance, j’ai trouvé les éléments suivants :

  • Pour les impôts que je paie, parce que cela signifie que j’ai des rentrées financières ;
  • Pour tout le désordre à nettoyer après une fête, car cela signifie que j’ai des amis et de quoi célébrer ;
  • Pour les vêtements qui sont un peu justes, car cela signifie que j’ai assez (même de trop à manger) ;
  • Pour les fenêtres qui ont besoin d’être nettoyées et les gouttières qui ont besoin d’être réparées, car cela signifie que j’ai un toit et un foyer ;
  • Pour tout ce que j’entends contre le gouvernement, car cela signifie que nous avons la liberté d’expression ;
  • Pour la mauvaise qualité du système de transports publics, parce que cela signifie que je suis libre de me déplacer ;
  • Pour la personne qui chante faux à côté de moi à l’église, car cela signifie que je peux écouter et entendre ;
  • Pour la pile de linge que je dois laver et repasser, car cela signifie que j’ai de quoi me vêtir et m’occuper ;
  • Pour la fatigue et les douleurs musculaires à la fin de la journée, car cela signifie que je ne suis pas inactif.

À l’instar du psalmiste dans Psaume 126.3, je peux dire : « L’Éternel (YHWH) a fait pour nous de grandes choses, nous sommes dans la joie ». Charge à chacun d’entre nous d’ajouter des points à ma liste, en s’arrêtant sur les éléments pour lesquels il peut être reconnaissant et remercier Dieu sincèrement ce qui lui permettra d’être de bonne humeur pour profiter d’une vue abondante et féconde. Comme le disait un penseur, « L’humour est un bon compagnon de voyage », car il permet de se déplacer avec légèreté, en ne blâmant pas les défauts, en restant positif et bienveillant (alors que l’ironie ou le sarcasme sont plus encombrants, car sources potentielles de tensions et de problèmes). L’humour vient à bout d’une situation compliquée, ridicule, sans blesser personne et sans alimenter l’amertume, le sarcasme ou le ressentiment. Il s’agit bien sûr de l’humour lié à la tendresse, à l’amour, au respect, au bon caractère, à la tolérance, à la capacité de passer outre ce qui est négatif et à le présenter sous un angle plutôt joyeux, amusé, ludique et festif. L’humour  fait partie d’une vision intelligente et sensée de soi, des autres, et en même temps d’une sensibilité au côté drôle de certaines choses de la vie.

En plus, avoir de l’humour nous permet de ne pas trop nous prendre au sérieux, à ne pas nous accorder trop d’importance, en nous décentrant de nous-même, à devenir moins susceptibles et à ne pas faire du « moi » une idole. C’est pourquoi il est bon de pratiquer l’autodérision, de rire de soi-même. Grâce à l’humour certains échecs ne deviennent pas des catastrophes, les failles ne sont pas des faillites, et quelques fardeaux sont soulagés, même si ce n’est que pour un moment. L’optimisme est de rigueur, dans le rendez-vous avec le beau temps, même à la saison des pluies ! Comme le disait Proverbes 15.13 : « Un cœur joyeux rend le visage serein, mais quand le cœur est triste, l’esprit est abattu » !

Le sourire est une porte ouverte au partage, comme la chaleur et la lumière du soleil qui éclaircit notre ciel sombre, et le rire est un bon remède face à la morosité ambiante, permettant d’apporter un peu de piment à l’existence. Baume qui réchauffe les bobos du corps et de l’âme, qui adoucit nos vies cabossées, exerçant une action positive sur le corps et l’esprit, pacifiant nos relations intra et interpersonnelles.

Le rire se transmet de muscle en muscle, d’abord les zygomatiques (muscles du visage), ce qui nous permet un massage facial gratuit et qui améliore notre circulation sanguine, par un lifting efficace et gracieux, des muscles se contractant et d’autres se relâchant, sans occasionner trop de fatigue !

En riant, vous libérez le cou et le dos de ses tensions, et plus le rire augmente, plus l’onde (la vibration) se transmet au reste du corps. Faites-en l’expérience : vous finirez par vous “bidonner”, c’est-à-dire que vous sentirez les muscles du ventre se contracter, avec comme effets positifs de commencer une gymnastique bénéfique pour la digestion, le transit, mais aussi la mise en place d’un ventre plat ! Les poumons aussi entrent en action : la cage thoracique et les bronches se dilatent, l’oxygène afflue accélère la circulation sanguine et améliore l’élimination de toxines. Un seul éclat de rire équivaut à trois ou quatre respirations normales qui mettent “du souffle dans les poumons” !

Et le cerveau me direz-vous ? Le siège de nos émotions n’est pas en reste, chaque rire permet la production d’hormones du bien-être : les cathécolamines (terme barbare et pas très rigolos) stimulent votre système immunitaire. Viennent ensuite les endomorphines (morphines naturelles)… sans oublier les orteils qui remuent frénétiquement : et oui, je suis sûr, vous n’y aviez pas pensé, mais on ” y prend vraiment son pied”.

Le rire, sans être la panacée universelle, est fondamental pour notre équilibre personnel et collectif. C’est un remède de grande valeur, une denrée trop rare et précieuse pour être encore négligée, à la portée de tous gratuitement, une alternative féconde face à nos mauvaises habitudes (râler, être agressif, cultiver des pensées sombres…).

Le choix politique le plus judicieux serait peut-être de prendre le parti… d’en rire, et même les sceptiques, les potentiels abstentionnistes ne manqueraient pas d’en rire aussi ! En plus, le rire est un excellent investissement émotionnel et relationnel : en rire c’est ajouter à la séduction, surtout quand on arrive à rire de soi (avec finesse), de l’amour à l’humour il n’y a qu’un pas, facile à franchir, sans pour autant tomber dans le sarcasme destructeur ou dans l’ironie mordante.

Voici quelques conseils pour parvenir à sourire et à rire, sans se prendre trop au sérieux :

1. Commencez par arrêter de faire la tête (houa!) ;
2. Ecoutez quelques musiques apaisantes (à chacun ses préférences) ;
3. Souriez à toutes les personnes que vous rencontrez dès le matin: vos proches (même la belle-mère, c’est très important), vos voisins, le concierge, l’épicier, le facteur. Ils risquent fort de répondre à votre sourire, et de provoquer ainsi une réaction en chaîne magique !
4. Regardez le côté dérisoire de vos problèmes, apprenez à relativiser dans le temps et dans l’espace. En plaçant les événements dans une trajectoire, vous donnerez à votre histoire sa vraie épaisseur !
5. Cultivez les pensées positives et apprenez à vous détendre, prenez tout simplement le temps de vivre, et appliquez le précepte biblique: “Chaque jour suffit sa peine” !
6. Osez “chatouiller votre entourage”, et pratiquez une technique simple pour amorcer le rire: inspirez, bloquez la respiration (pas trop longtemps quand même), rejetez rapidement l’air, d’une seule traite et là, vous amorcez le premier rire, qui bientôt en entraînera d’autres. Il est important de s’entendre rire aux éclats, de faire résonner les décibels de la bonne humeur !
7. Disposez d’un stock de cassettes ou de C.D. suivants vos goûts
8. Observez votre environnement, il se passe forcément quelque chose autour de vous de très désopilant et de comique !
9. Faites le plein d’oxygène: le sport bien dosé, l’effort adapté à vos possibilités, la randonnée pédestre, le vélo au grand air vous permettent de (re)trouver les vertus euphorisantes de l’oxygène sans oublier le cerveau qui libère dans les corps des endorphines aux propriétés apaisantes ;
10. N’oubliez pas les blagues et de cultiver l’humour, véritable écologie de l’esprit.

Un de mes amis humoristes exprimait en ses termes une position que nous rencontrons souvent et qui nous invite plutôt au contentement et à l’acceptation, pour sortir du cercle vicieux de l’envie et de la frustration : “Les gens qui ne sont jamais contents de leur sort sont ceux qui se plaignent toujours que ça va plutôt mal quand ça ne vas pas assez bien ; qui lorsque ça va mal, se plaignent que ça n’aille pas mieux ; qui lorsque ça va mieux, se plaignent que ça n’aille pas encore mieux ; qui lorsque ça va bien, se plaignent que ça n’aille pas très bien ; qui lorsque tout va très bien, trouvent que tout n’est pas parfait ; qui lorsque tout est parfait, déplorent que tout ne soit pas plus que parfait ; qui lorsque tout est plus que parfait, déclarent amèrement que la perfection n’est pas de ce monde ; qui lorsqu’ils ont tout ce qu’ils veulent, estiment qu’ils n’ont pas tout ce qu’ils désirent ; et qui, lorsqu’ils ont enfin tout ce qu’ils veulent, et tout ce qu’ils désirent, font une dépression nerveuse parce qu’ils n’ont plus rien à vouloir, ni rien à désirer”.

En cette matière si importante la Bible contient aussi des joyaux, dont celui exprimé en Proverbes 15. 15-17 : «…  le cœur content est un festin perpétuel. Mieux vaut peu, avec la crainte de l’Eternel (YHWH) qu’un grand trésor avec le trouble. Mieux vaut de l’herbe comme nourriture, là où règne l’amour, qu’un bœuf engraissé, si la haine est là ».


[i] René VOELTZEL, Le rire du Seigneur, Oberlin, Strasbourg 1955. Alphonse MAILLOT, Jonas ou le sourire du Seigneur, Pierre Zech Editeur, Paris, 1997.