Découvrir Dieu dans les arts

Méditations spirituelles 22/09/2021

Giselle Sarli Hasel | Adventist World septembre 2021, p. 14-15

Un soir, alors que j’étudie au Brésil, je tombe malade. Je reste au dortoir au lieu d’assister aux vêpres du vendredi soir. Ce soir-là, seule, je marche tranquillement dans le couloir, descends l’escalier et regarde par une immense baie vitrée. Là, dans un décor éblouissant, un magnifique coucher de soleil s’offre à mes yeux. Mon établissement scolaire étant situé dans une ferme, je peux admirer les grands nuages ondulants depuis l’étage supérieur, que les rayons dorés du soleil caressent et pénètrent, ainsi que les collines en contrebas. Cette image reste à toujours gravée dans ma mémoire, en partie parce que je sens qu’à travers la beauté de son coucher de soleil – la beauté esthétique de sa création artistique – Dieu m’appelle.

Plus tard au cours de l’année scolaire, ma prof est frustrée de me voir faire de l’art au lieu de « prêter attention » à ses cours, alors qu’en fait, c’est justement ma façon de m’y intéresser. Elle me dit en termes très clairs, devant mes camarades de classe, que je ne suis qu’une rêveuse et que je n’arriverai à rien dans la vie, si ce n’est à faire de l’art – ce qui n’a aucune valeur. Dévastée par ses propos, je me précipite, sitôt le cours terminé, vers cette même fenêtre. J’y sens la présence de Dieu – celui-ci me parle de nouveau par le biais de la nature. Mais cette expérience me donne un sentiment d’insécurité écrasant quant à mon avenir. Au fil des années, Dieu me démontre fidèlement l’importance de l’art pour lui. Je finis par obtenir des diplômes supérieurs en théologie et en art, tandis que Dieu réaffirme constamment le rôle qu’il veut que je joue en partageant son amour de l’art avec les autres. Aujourd’hui, j’enseigne l’art et l’histoire de l’art dans la plus grande faculté d’art visuel du système éducatif adventiste. Je parle à de nombreux étudiants qui se sentent également incompris par leurs parents et même par l’Église alors qu’ils suivent leur vocation artistique.

DIEU AIME LA BEAUTÉ

L’amour de Dieu pour l’art est l’un de ses plus grands attributs, comme en témoignent sa création et la vocation de Christ en tant que tektōn, ou « artisan », alors qu’il habitait ici-bas parmi nous. Ellen White a écrit : « C’est le Christ qui conçut le plan du premier tabernacle terrestre et donna des instructions précises en rapport avec la construction du temple de Salomon. Celui qui exerça ici bas la profession de charpentier dans le village de Nazareth est le divin architecte qui établit le plan du sanctuaire où son nom devait être honoré 1. »

La Bible consacre près de 50 chapitres à des descriptions extravagantes de l’art et de l’architecture du sanctuaire. Betsaleel et Oholiab ont été les premiers artisans mis à part par Dieu, lequel les a remplis « de l’Esprit de Dieu, de sagesse, d’intelligence, et de savoir pour toutes sortes d’ouvrages. Il [les a rendus capables] de faire des inventions, de travailler l’or, l’argent et l’airain, de graver les pierres à enchâsser, de travailler le bois, et d’exécuter toutes sortes d’ouvrages d’art. » (Ex 35.31-33) Ensemble, ils se sont engagés dans la construction du sanctuaire avec Christ, l’Artiste original et ont été fidèles à son appel. N’est-il donc pas étrange que l’esthétique soit si souvent mal comprise au sein de l’Église ?

Un jour, Vincent van Gogh se sentit appelé par Dieu, mais fut largement rejeté par sa communauté chrétienne. Dans une lettre adressée à sa mère et à son frère Théo, Van Gogh écrit que Dieu l’avait envoyé prêcher l’Évangile aux pauvres, mais qu’il devait « d’abord l’avoir dans son propre cœur »2. Van Gogh découvrit que c’est à travers l’art que Dieu exprime le mieux son amour. Il croyait que la beauté de Dieu, vue à travers la nature, est ce qui nous amène à une expérience sublime de la vie.

Le mot grec aisthetikos implique que nous pouvons apprendre à connaître par la perception et par nos sens. La véritable esthétique peut être une force génératrice de vie que Dieu nous donne. Cette connaissance, bien qu’incomplète, sert de première attraction qui nous pousse à désirer Dieu (Rm 1.20). Quand Van Gogh se rendit compte que l’Église réformée néerlandaise officielle comprenait mal son ministère pastoral, il fit de l’art un moyen d’exprimer ses convictions religieuses les plus profondes.

« Notre but, dit-il, c’est de nous réformer nous-mêmes au moyen d’un artisanat et d’un rapport avec la nature – notre but, c’est de marcher avec Dieu 3. » Doutant beaucoup de son appel artistique, il vivait dans l’obscurité et ne vendait pratiquement aucun tableau. La profonde dépression de Van Gogh pourrait finalement l’avoir conduit à la mort. Du point de vue d’un « Évangile de prospérité » superficiel, Van Gogh n’a pas eu de succès, et de son vivant, de nombreux contemporains auraient pu douter de la bénédiction de Dieu à son endroit. Pourtant, Van Gogh a été fidèle à l’appel de Dieu au plus profond de son âme. Aujourd’hui, des millions de personnes, laïques ou religieuses, se pressent dans les musées du monde entier pour découvrir l’amour de Dieu qu’il a si désespérément essayé de peindre sur sa toile. Un jour, il connaîtra peut-être l’impact de l’œuvre de sa vie.

DIEU NOUS APPELLE PAR LA BEAUTÉ

Quand je repense au magnifique coucher de soleil que j’ai vu depuis la baie vitrée au Brésil, et à ce moment où j’ai ressenti l’appel de Dieu pour ma vie, je pense aujourd’hui aux centaines d’étudiants à qui j’ai enseigné et qui ressentent également l’appel à devenir des artistes. J’en suis venue à comprendre et à apprécier l’art de manière beaucoup plus approfondie, et j’en ai conclu que l’esthétique peut être le langage le plus puissant que Dieu utilise pour appeler les gens à entrer en relation avec lui. Répondre à l’appel de Dieu de faire de l’art constitue la plus forme de culte la plus élevée. Cette forme de culte est plus attrayante pour les postmodernes car ils ont soif de voir la vérité appliquée de manière inattendue et sincère. Grâce aux médias modernes, notre approche cultuelle de l’art peut atteindre les gens d’une manière sans précédent. Pour que l’art ait du pouvoir, il doit être authentique et, à l’instar de l’expérience de Van Gogh, doit pénétrer « la surface des choses et les dépeindre telles qu’elles sont réellement »4.


1 Ellen G. White, Les paraboles de Jésus, p. 302.
2 Johanna van Gogh-Bonger et Vincent Willem van Gogh, éds., The Complete Letters of Vincent van Gogh, 3 vols., Greenwich, Conn., New York Graphic Society, 1959, lettre 94.
3 Ibid., lettre 377.
4 Philip Graham Ryken, Art for God’s Sake: A Call to Recover the Arts, Phillipsburgh, N.J., P & R Publishing, 2006, p. 39.


Giselle Sarli Hasel est professeur d’art visuel et de design, ainsi que directrice de la John C. Williams Gallery of Art à la faculté d’art visuel et de design de l’Université adventiste Southern, à Collegedale, au Tennessee (États-Unis).