De l’abondance du cœur

Méditations spirituelles 07/10/2021

Faith-Ann McGarrell | Adventist World, octobre 2021, p. 16-18

L’intensité des mots qui sortent de ma bouche me surprennent, et le geste qui suit, plus encore.

Main levée, je frappe ma paume contre mon klaxon pour exprimer mon agacement. Le conducteur d’un véhicule utilitaire blanc juste devant moi semble distrait, inconscient de la file de véhicules derrière lui. Nous attendons tous de pouvoir tourner à gauche. Pendant deux cycles, la flèche verte indiquant qu’il est possible de le faire en toute sécurité passe à l’orange, puis au rouge. Les moteurs ronflent et les klaxons retentissent tandis que l’impatience s’intensifie. Même si je ne fais que rentrer chez moi, mon irritation prend rapidement l’allure d’une furie intense contre « les gens qui ne font pas attention ». Et avant même que je ne m’en rende compte, je klaxonne et crie, moi aussi, après le conducteur distrait.

La colère – cette émotion humaine bien connue – peut passer d’une légère contrariété à une rage irrationnelle 1. Notre monde est de plus en plus en colère ! Bien que les taux d’hostilité et de rage aient atteint, à l’échelle mondiale, un pic en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, force est de constater que depuis 10 ans, ces émotions ne cessent d’augmenter 2. De la rage au volant jusqu’aux attaques non provoquées dans les lieux publics, on voit de petites contrariétés dégénérer en violentes confrontations. On est submergé de manchettes transpirant la colère ; on est entouré de voix qui fulminent sur les ondes. On sent la montée de la tension émotionnelle dans les espaces bondés – aéroports, magasins – alors qu’on apprend tous à gérer la distanciation sociale et le port du masque dans une pandémie en constante évolution.

Cette colère implacable peut s’insinuer sournoisement dans notre psyché et avoir un impact sur notre façon de communiquer avec nos semblables. En tant que disciples du Christ, nous sommes appelés à aimer, à être des artisans de paix (Jn 13.34 ; Mt 5.9). Dans un monde où règnent la colère et ses contreparties que sont la peur, la frustration, la tristesse et l’inquiétude, nous sommes appelés à répondre aux besoins des autres. Mais comment vivre dans un monde en colère sans prendre nous-mêmes le mors aux dents ? Comment pouvons-nous servir au milieu des désagréments quotidiens et des circonstances qui provoquent la colère et font partie de la vie sur cette planète ?

Élevons-nous vers Dieu et recherchons la paix (He 12.14). Chaque jour, nous devons passer du temps avec celui qui est la paix (Ep 2.14). Moment après moment, nous devons décider de nous aligner sur l’Esprit de Dieu, lequel produit en nous l’amour, la paix, la patience, et la maîtrise de soi (Ga 5.22-25). Chaque jour, nous devons nous abandonner à celui qui peut renouveler notre esprit et transformer nos actes et nos interactions (Ep 5.1-2).

Sondons notre cœur et acceptons le don de la grâce (Ep 2.8-9). Dès que nous sommes en présence de Dieu, nos faiblesses sont exposées. Nous voyons alors qu’il nous faut de l’aide pour surmonter nos défauts 3. Nous avons besoin de la grâce pour chaque jour qui passe, pour chaque instant que nous vivons, pour chaque souffle que nous prenons. Pourquoi le conducteur distrait a-t-il manqué trois feux verts ? Je ne sais pas ! Peut-être que lui-même ou un passager n’allait pas bien. Peut-être que sa voiture a mal fonctionné. Un cœur rempli de grâce regarde les situations à travers les yeux des autres, écoute, fait preuve d’empathie, et reconnaît les besoins d’autrui, alors même qu’il gère ses propres circonstances.

Tendons la main à nos semblables avec amour (Jn 13.34). C’est là que les belles paroles sont mises à l’épreuve. Dans nos relations avec autrui, nous pouvons perdre patience, être blessés dans notre orgueil et nous emporter. Par conséquent, apprenons à gérer notre colère afin de ne pas blesser les autres ou nous-mêmes (Ps 37.8). En même temps, certaines situations suscitent notre juste indignation ; nous sommes témoins de l’injustice, de la victimisation de l’innocent, ou de la moquerie envers Dieu. Il nous est conseillé d’être en colère, mais de ne pas céder à une rage improductive 4. En parlant à ses disciples, Jésus a insisté sur ce point essentiel : ce qui sort de la bouche est une indication très nette de ce qu’on a dans le cœur (Mt 15.18 ; Lc 6.45).

En définitive, pour servir nos semblables, nous avons besoin du cœur de Dieu, de l’esprit de Dieu. Et nous avons la promesse de Dieu que ceci peut être une réalité : « [J]’ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26) À quoi ressemblerait ce monde si, en tant que chrétiens pratiquants, nous faisions constamment preuve d’amour, de patience, de compréhension et d’acceptation pour contrer la colère et la frustration qui ont la mainmise sur notre monde ? Alors que notre relation avec Dieu et avec nos semblables s’approfondit, saisissons chaque jour les occasions d’étendre la grâce. Élevons-nous, renforçons-nous et encourageons-nous les uns les autres, quelles que soient les circonstances de la vie, tout comme Dieu – lequel est « rempli de tendresse et de pitié, [… est] patient et plein d’amour » (Ps 103.8, PDV) – le fait pour nous 5.


1 Merriam-Webster Online, « Anger », 2021, https://www.merriam-webster.com/dictionary/anger.

2 Gallup Global Emotions 2021: https://www.gallup.com/analyt-ics/349280/gallup-global-emotions-report.aspx?thank-you-report-form=1.

3 Ellen G. White, Pour un bon équilibre mental et spirituel, vol. 2, p. 532. 4 Ibid. Voir aussi Éphésiens 4.26 et 6.12.

5 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Faith-Ann McGarrell, titulaire d’un doctorat, est rédactrice en chef de The Journal of Adventist Education® (JAE).