Créé à l'image de Dieu : Une conception chrétienne de la personnalité

Méditations spirituelles 06/04/2021

Owen L. Hughes | Dialogue Volume 1, No. 2 (1989)

Quand je dis à ma femme que je l’aime, qu’est-ce que je veux dire exactement ? Est-ce que j’exprime simplement que la composition chimique de mon sang s’est modifiée, ou bien — comme certains l’ont proposé — qu’au tréfonds de mon psychisme, j’ai le désir de perpétuer mes gènes en les transmettant à la génération suivante ? Ou est-ce que j’exprime une dimension de la personnalité humaine qui reflète un élément essentiel de l’image de Dieu : la capacité d’établir une relation avec l’autre ?

Lorsque je décide de rester à la bibliothèque plutôt que d’aller au stade, suis-je entièrement déterminé par des facteurs environnants, ou ma décision repose-t-elle sur une authentique capacité de choisir ? Si j’accepte l’idée que j’ai la liberté de choix, je dois aussi croire que certains aspects du comportement humain ne sont pas déterminés par le principe naturel de causalité ; mon choix, alors, n’est pas inéluctable. Il a été pris avec ou en dépit des pressions internes ou externes. En reconnaissant une part de responsabilité dans mes actes, j’accepte que certains aspects de mon comportement se situent en dehors des paramètres acceptés par la plupart de ceux qui étudient le comportement humain.

En tant que chrétiens dotés de raison, il est important que nous ayons une image aussi claire que possible des implications de notre foi sur notre compréhension de la personnalité humaine. En réfléchissant sur ce qu’implique le fait d’être un être humain, la plupart des chrétiens s’appuient sur l’affirmation biblique que l’homme et la femme ont été créés « à l’image de Dieu » (Genèse 1:26).

La théorie proposée dans cet article puise abondamment à des sources chrétiennes très diverses et essaye d’en faire la synthèse dans un cadre qui permette une psychologie sérieuse. Il ne s’agit pas d’un essai de psychologie concernant les différences entre les personnes, mais plutôt les élément qui nous sont communs à tous. Examinons les points de contact entre la personnalité humaine et la compréhension chrétienne de l’image de Dieu.

Des conceptions variées

Depuis l’époque des premiers pères de l’église, on a débattu du sens de l’expression « image de Dieu ». Il y avait certains accords mais beaucoup de désaccords. Par exemple, certains pensaient que l’image de Dieu se définissait par des qualités spirituelles comme la conscience de soi, l’autodétermination ou la raison. Pour d’autres, elle équivalait à la responsabilité de dominer la terre. Plusieurs pensaient qu’il s’agissait essentiellement de la capacité d’entrer en relation avec Dieu et avec les autres humains. Quelques-uns même ont pensé qu’il s’agissait essentiellement de la prétendue ressemblance physique de l’homme avec Dieu.1

Avec un tel éventail d’opinions, comment pouvons-nous comprendre cette idée de l’image de Dieu ? Si les spécialistes avaient des opinions différentes à propos de son sens précis, le christianisme de façon générale l’appliquait aux différents aspects de la personne humaine. C’est dans cette perspective que se situe cet article.

En rassemblant les points communs de ces différentes conceptions, une image plus ouverte de la personnalité humaine se dessine. En intégrant chacun de ces aspects, nous pouvons construire un tableau en huit catégories de complexité croissante. Chacun de ces niveaux reflète des aspects de l’image de Dieu, mais c’est son ensemble qui en donne une conception complète.

Elaboration d’une théorie

Au premier niveau on trouve deux idées fondamentales qui ne sont pas sans rapport. D’abord la verticalité, qui différencie l’homme de l’animal ; ensuite un organisme corporel. La personne humaine est une unité psychosomatique qui exprime toutes les dimensions psychologiques de l’existence humaine. Cette idée biblique s’oppose à l’opinion courante selon laquelle l’homme a un corps et une âme.

Le deuxième niveau concerne la capacité qu’a l’être humain de percevoir des couleurs, des sons, des odeurs, des goûts, et de toucher. Ceci entraîne une conscience de soi qui perçoit non seulement la diversité du monde, mais aussi le moi comme partie du monde et en même temps distinct de lui. En psychologie, cela concerne l’étude de la conscience, de la sensation et de la perception : comment le monde fait de matière et d’énergie, est-il transposé dans cette dimension entièrement nouvelle de l’expérience consciente.

Le troisième niveau souligne la faculté humaine d’utiliser les données de la conscience de différentes façons. C’est l’aspect de la personnalité qui concerne la capacité d’apprendre, la mémoire, la pensée logique et son application à la résolution de problèmes.

Un examen rapide des textes bibliques ne fournit aucun lien immédiat entre l’émotivité et l’image de Dieu. Cependant, la présence de termes chargés de signification émotive comme « amour, relations et sexualité » suggère qu’il n’est pas abusif d’inclure l’élément émotionnel. L’émotion est engendrée par la perception qu’on a des composantes d’une situation, et elle en est le reflet. L’émotion est qualitativement différente de la perception et de la pensée. Elle constitue donc une nouvelle dimension.

Le niveau quatre se réfère donc à la capacité humaine de ressentir des émotions.

L’étude de la perception, de l’intelligence et de l’émotivité a permis à des chercheurs chrétiens d’établir des liens entre les connaissances actuelles sur la personne humaine et l’approche biblique. Mais ce n’est pas le cas au niveau cinq la compréhension naturaliste du monde, qui exclut le surnaturel et affirme que « l’univers existe en vertu du seul principe de causalité dans un système clos » 2 , s’oppose directement à la conception biblique où l’homme a la possibilité de choisir et d’orienter sa vie. Si nous ne sommes rien d’autre que des machines sophistiquées ou des animaux très malins, le comportement humain n’est plus qu’une affaire d’influence biologique ou de conditionnement social.

Une conception chrétienne de la personne, qui admet une ressemblance avec le caractère divin, permet, au moins dans certaines circonstances, de faire des choix qui ne sont pas entièrement déterminés par des influences extérieures ou intérieures. L’expression de l’amour en tant que principe et la responsabilité de nos actes dépendent étroitement de notre capacité de choisir. Notre perception, notre analyse rationnelle et notre réaction affective face à une situation peuvent influencer notre choix, mais il reste possible de faire appel à notre libre choix indépendamment de ces facteurs. Le cinquième niveau concerne donc la capacité de l’être humain de faire des choix.

Certains pensent que le sens premier de l’expression « image de Dieu » concerne notre responsabilité de dominer la création, et que, de ce fait, l’homme agit comme représentant de Dieu sur la terre. Le niveau six se rapporte à cette responsabilité et implique une interaction entre la perception, la pensée, les sentiments et les choix qui précèdent.

Le niveau sept fait référence à cette dimension de la personne qui lui permet d’apprécier et de s’exprimer par sa créativité. Les expressions créatrices incluent sans se limiter à eux, le langage, la musique et les arts graphiques. La créativité humaine est qualitativement différente des dimensions précédemment évoquées. Pour s’exprimer, elle dépend cependant de chacune de ces dimensions : la perception, la pensée, l’émotivité, et l’action responsable.

Le niveau huit s’intéresse à la relation des humains entre eux et avec le Créateur. Les tenants de « l’image de Dieu », voient cette dimension dans la relation homme-femme, dans la relation sociale, la sexualité, le caractère grégaire de l’homme. Elle se manifeste aussi dans notre relation avec notre Créateur, par notre compréhension d’une relation éternelle, vraie et bonne entre l’humanité et Dieu, et par la liberté de l’aimer et de lui obéir.

Il est évident que ce niveau est qualitativement différent des niveaux deux à sept. Pourtant chacune des capacités décrites à ces niveaux-là, séparément ou ensemble, est étroitement rattachée à la capacité de relation des hommes entre eux et avec le Créateur. La relation à l’autre implique toute la richesse de la langue dans toutes ses formes créatives, y compris la conversation ordinaire, l’humour, la poésie et la littérature. Elle inclut également les liens familiaux et amicaux, et les relations intimes dans le mariage. Etre en relation avec Dieu c’est être en communion avec lui au travers de sa création, développer sa foi et son expérience spirituelle en privé et en public.

Implications

Celui qui aborde l’étude de la psychologie est frappé de la diversité des théories sur la personne émanant d’écoles de traditions différentes. Salvator R. Maddi a proposé un schéma très pratique pour présenter ces différentes théories.Mary Stewart Van Leeuwen a utilisé le schéma de Maddi pour établir un pont entre la perspective chrétienne et ces théories de la personne.4

Dans le tableau 1 nous avons représenté les caractéristiques de la personne humaines que nous avons exposées. Dans un ordre croissant de complexité, chacune représente une fonction de la personne toute entière. Comme les pelures successives d’un oignon recouvrent les couches précédentes, toutes les couches de la personne englobent les caractéristiques des couches qui précèdent.

Chaque élément de moindre complexité influe sur les plus complexes. Par exemple, des altérations dans la perception ou les émotions peuvent influencer l’action ou la relation. L’inverse est aussi vrai. Une altération de la relation ou de l’action peut influencer la perception ou les émotions. Ces rapports réciproques sont représentés par les flèches à double sens.

Prises dans leur ensemble, ces caractéristiques permettent de mieux comprendre le concept biblique « d’image de Dieu. » Mais cette notion ne s’accomplit complètement que dans notre relation avec les autres et avec le Créateur.

Il est peu probable qu’avant longtemps se fasse l’unanimité parmi les théoriciens de la personne. Del Ratzsche remarque que « nos attentes, nos schémas mentaux, nos structures conceptuelles, et, dans certains cas, nos croyances spécifiques, ont une influence sur notre perception des choses » et que « la perception est une opération active et non … une opération passive qui laisse le monde des objets extérieurs marquer nos esprits d’informations objectives, par le canal de nos sens. »Ainsi toute conclusion sur la personne humaine sera inévitablement marquée par les croyances adoptées. Il est donc peu probable que les théoriciens de la personne parviennent à une conception valable sans l’aide de la relation divine.

Signification pour les chrétiens

Que veut dire « être créé à l’image de Dieu » ? Pour moi, cela signifie que je peux garder la tête haute, car ce qui définit la personne humaine émane de Dieu. Je peux étudier la personne humaine et affirmer avec assurance que la pensée rationnelle est rationnelle parce que Dieu l’a faite ainsi ; que j’ai effectivement la faculté de choisir et que tous mes actes ne sont pas conditionnés par des forces qui échappent à mon contrôle ; que je peux prendre une part de responsabilité à mes actes ; et que quand je dis à ma femme que je l’aime elle peut être assurée que c’est à elle que je pense plutôt qu’à moi-même.

Cela signifie aussi que j’ai la responsabilité de croître. L’homme a été créé parfait, mais à la chute l’image de Dieu a été altérée. Ses facultés de percevoir, de penser, de s’émouvoir, de choisir, d’agir, de créer et d’établir des relations ont été amoindries et déformées. Le défi est lancé à tous les chrétiens de restaurer l’image du Créateur dans leur personne. Il ne s’agit pas d’une simple restauration de la relation avec Dieu, mais de tout ce qui touche à l’image de Dieu : la relation avec les autres, la sexualité, la conscience, la créativité et toutes les autres dimensions.

Pour moi une meilleure compréhension de l’image de Dieu a donné une nouvelle dimension à la valeur, à la dignité et la raison d’être de la vie. Que demander de plus !


DISCUSSION

  1. Que signifie pour vous avoir été créé à l’« image de Dieu » ? La Bible n’étant pas explicite à ce sujet, faut-il en discuter ? Quelles sont les forces et les faiblesses du schéma proposé par l’auteur ? Que pourriez-vous y ajouter ?
  2. Les humains ont-ils vraiment la liberté de faire des choix moraux ? Quels sont vos arguments ? Quel rôle la famille, l’école, l’église, la société jouent-elles dans la formation des valeurs ? Comment influencent-elles nos choix ? Pouvons-nous agir sur ces influences ? La Bible nous éclaire-t-elle sur ce sujet ? S’il est vrai que nous ne sommes pas libres, comment comprendre la personne humaine et sa destinée, et quelle idée de Dieu en découie-t-il ?
  3. L’auteur déclare que « la personne humaine est une unité psychosomatique dans laquelle toutes les dimensions psychologiques de l’existence humaine s’expriment. » Etes-vous d’accord ? Pourquoi ? Les Ecritures soutiennent-elles ce point de vue ? Comment Ellen White a-t-elle enrichi notre compréhension de l’influence réciproque entre l’esprit et le corps ?

Owen L Hughes (Ph.D. de l’Université de Newcastle) est directeur du département de l’éducation à Avondale College, en Australie. Cet article est le résumé d’un travail plus important qu’il a présenté lors d’un séminaire de l’institut d’Enseignement Chrétien (voir p.35).


Citation recommandée

Owen L. Hughes , « Créé à l’image de Dieu : Une conception chrétienne de la personnalité », Dialogue 1 (1989/2), p. 12-14, 29


NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. D. J. A Clines, « The Image of God in Man », Tyndale Bulletin 19 (Londres : Tyndale Press, 1968).
  2. James W. Sire, The Universe Next Door (Downers Grave, IL : InterVarsity Press, 1976), p. 62.
  3. Voir son livre Personality Theories : A Comparative Analysis (Homewood : Dorsey Press, 1972).
  4. Voir son livre The Person in Psychology (Leicester : InterVarsity Press, 1985).
  5. Del Ratzsch, Philosophy of Science (Downers Grave, IL : InterVarsity Press, 1986).