Coordinatrice de projets

Méditations spirituelles 04/08/2021

ADRA France | Trait d’Union N. 57, p. 16-17

« J’étais venue pour signer un contrat de travail, mais je devais d’abord rencontrer le directeur en chef de la société. Il a eu un choc quand il a vu que j’étais une femme. Pour cette raison, je n’ai pas été embauchée. » Agyedho Othwonh Bwogo (59 ans) exprime encore son indignation quand elle raconte l’histoire de cette fois où elle cherchait un emploi au Soudan qui l’a vue naître. C’était en 1990. Les lois laïques avaient été changées en lois selon la Charia. A cette époque, elle venait d’obtenir une licence en Science de l’Agriculture spécialisée en Technologie et Alimentation. Elle était, à ce moment-là, parmi les rares du pays à posséder une expertise recherchée, mais parce qu’elle était une femme, elle avait été disqualifiée.

Heureusement, l’expérience a été différente quand, il y a peu, Agyedho a signé un contrat pour devenir la nouvelle coordinatrice des programmes pour ADRA Danemark, au bénéfice du Soudan et de l’Éthiopie.

« Je suis née à Palo, au Soudan – maintenant au Sud Soudan – mais j’ai longtemps habité au nord du pays, principalement à Khartoum, la capitale. Ma famille avait de la chance, car mes treize frères et sœurs et moi, nous avons tous eu la possibilité de recevoir une éducation. Mon père m’a envoyée dans le meilleur lycée de la capitale et à l’université en Égypte. Nous étions très proches jusqu’à sa mort dans un accident d’avion », raconte Agyedo, de cette manière calme qui lui est propre. Elle parle tranquillement sans grande gestuelle mais quand elle rit, c’est de tout son corps ! Derrière ses lunettes brille le regard d’une femme réfléchie, qui sait ce qu’elle veut avec une forte personnalité qu’elle avait déjà au lycée. Ses amies et elle avaient leurs idées en politique et elles les exprimaient librement !

« Au début, tout nous était permis : les shorts, les jupes courtes et les hauts à bretelles en dehors de l’école. Nous allions dans les discothèques, au cinéma et nous nous amusions bien. Mais les circonstances ont changé quand la Charia a été instaurée. Tous les lieux de divertissement ont été fermés. Nous devions porter des uniformes à manches longues. Quelques filles ont commencé à porter le voile qui couvrait tous leurs cheveux. Plusieurs d’entre nous se sont opposées en silence à cette évolution. Je n’ai pas couvert mes cheveux. Au fond je n’ai pas trouvé ma jeunesse pénible. Mais c’est d’abord quand je suis rentrée de l’université à la maison pour les vacances que je me suis rendue compte à quel point la religion avait sérieusement influencé la vie des filles et des femmes au Soudan, à la fois dans le domaine sportif, la vie professionnelle et la vie familiale. »

Après le refus de l’employeur soudanais, Agyedho a heureusement pu trouver d’autres expériences de travail, bonnes cette fois, au Soudan, dans d’autres pays africains et en Europe. Elle a travaillé entre autres pour le Conseil Œcuménique des Eglises à Genève et dernièrement pour Danida (l’Agence Danoise pour le développement) à Madagascar. Elle parle l’arabe, l’anglais, le danois et quelques dialectes du Sud Soudan. Agyedho a peu travaillé en laboratoire et dans les recherches sur les plantes. Comme elle s’est rendu compte de l’étendue de la pauvreté au Soudan en raison de la guerre et de la sécheresse, elle est passée du développement de l’agriculture à la volonté d’aider les paysans dans le besoin.

Pour commencer sa carrière dans l’humanitaire, Agyedho a utilisé ses connaissances sur les denrées alimentaires pour des projets de secours, mais au fur et à mesure elle s’est prise de passion pour le travail de développement : développer le potentiel des plus démunis pour qu’ils puissent devenir économiquement indépendants et autosuffisants. Agyedho a alors pris la décision de retourner à l’université et elle a obtenu un Master en Administration à Copenhague.

Entre temps, Agyedho a épousé un Danois dont elle a eu une fille. « ADRA Danemark a une bonne réputation et comme j’avais à choisir entre trois propositions d’emploi, j’ai suivi ce que mon cœur me disait. Je ne l’ai pas regretté ».

Agyedho se réjouit de la possibilité de soutenir les petits paysans au Soudan et en Ethiopie en leur apprenant comment ils peuvent optimiser ou traiter leurs récoltes pour en retirer des revenus. Elle aime énormément parler avec ces gens des villages dans les régions des projets ADRA et voit avec plaisir la fierté qui brille dans leurs yeux quand ils racontent comment un micro-crédit leur a donné la possibilité de commencer de petites entreprises et d’investir davantage. Ici et là, Agyedho utilise son master pour développer des idées avec eux car elle dit : « De cette façon, c’est plus facile de les aider à voir leurs points faibles. A partir de là, ils découvriront leur potentiel pour ne plus se considérer comme des pauvres sans ressources. »


Evelyne Nielsen Traduit de www.adra.dk Article du 22 février 2020


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