Ces scientifiques français qui ont la foi

Méditations spirituelles 09/08/2022

9 août 2022 | Jacques SAUVAGNAT | Revue Science et Origines, numéro 30, 2e semestre 2015, pages 1-4

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a en France, pays de la laïcité et de la libre pensée, des scientifiques croyants et qui expriment ouvertement leur foi. La profession de foi de ces scientifiques a pour fondement l’amour de Dieu et la personne de Jésus-Christ.

Si l’évolutionnisme a amené beaucoup de scientifiques français à rejeter la foi, certains, bien qu’évolutionnistes, n’ont pas eu le même cheminement. Parmi ceux-ci, il n’y a pas moins de six membres de l’Académie des Sciences.

Plusieurs rappellent que c’est grâce à la science qu’ils ont retrouvé ou conforté leur foi.

Ainsi, Pierre-Paul Grassé (1895-1985) éminent zoologiste, catholique pratiquant, expliquait :

« Si l’univers est compréhensible, c’est qu’il est ordonné. Mais d’où vient cet ordre de l’univers comme les lois physiques, celles qui gouvernent le mouvement des astres, celle de la pesanteur, et toutes celles que les physiciens et les chimistes découvrent ? Qui dit ordre ne sous-entend-il pas intelligence ordonnatrice ? Si je suis revenu à la foi, c’est par la science, par une démarche scientifique. Je pense que la science impose la pensée de Dieu.»1

De même, Louis Leprince-Ringuet (1901-2000), physicien, qui fut président du CERN et membre de l’Académie française, confessait :

« La foi de la jeunesse est-elle condamnée à disparaître, avec sa révélation, ses dogmes, ses miracles, ses récits touchants et parfois puérils ? … Ma foi s’est développée, approfondie malgré — ou grâce à — mon entrée sans réserve dans l’univers de la science. »2

Et Jean Dorst (1924-2001), qui fut zoologue au Muséum national d’histoire naturelle et écologue, reconnaissait :

« Elles [les lois de l’écologie] montrent que l’assortiment des espèces ne s’est pas fait au hasard, mais qu’il procède d’une ordre préétabli…. L’ordonnance du monde… lui fut donnée par une Puissance supérieure, et, quant à moi, je l’appelle Dieu. Et c’est ici que la foi rejoint la vérité scientifique. Loin de la contredire, elle l’a complète dans une plus simple compréhension de l’univers.»3

« Ce dont je suis sûr, c’est que rien, dans la biologie dans son état actuel et dans ses développements futurs — ils sont prometteurs —, ne permettra d’infirmer l’existence d’une Volonté suprême qui nous dépasse entièrement. »4

Certains ont fait part de la difficulté d’être scientifique et croyant en France.

C’est le cas de Jean-Marie Pelt (1933- ), botaniste écologue, qui se définit comme « un scientifique croyant chrétien » et qui admet que : « c’est une position difficile dans la science, surtout en France. La science française a toujours été tentée par le scientisme et par un rationalisme exacerbé, où l’on considère qu’être croyant, c’est automatiquement être obscurantiste. Cela me choque d’autant plus que, adhérant par exemple à l’Évangile de Jean, je me sens un homme de la lumière. Chez saint Jean, il y a une foi dans le Christ ressuscité, qui est la Lumière faisant face aux ténèbres ! »5

Marc-André Delsuc, biophysicien, directeur de recherche au CNRS, chercheur à l’Institut de Chimie des Substances Naturelles de Gif-sur-Yvette, puis au Centre de Biochimie Structurale de Montpellier et enfin à l’Institut de Génétique, Biologie Moléculaire et Cellulaire de Strasbourg se considère comme un catholique pratiquant engagé. À la question : comment arrivez-vous à vivre en tant que scientifique et croyant ?, il répond :

« Je peux dire que mon activité scientifique, en tout cas la vocation, est fondée sur ma foi, sur ma rencontre de Dieu et du réel de la création. Cet éternel émerveillement, permanent aujourd’hui, que j’ai dans mon travail devant les choses de la création, devant le réel, … cet émerveillement d’une certaine manière est nourriture aussi pour ma foi. »6

Beaucoup déclarent que leur foi vient du fait que la science n’explique pas tout. Le thème de la grâce de Dieu revient souvent dans leur témoignage.

Jean Dorst affirmait : « … il [l’homme] participe à une vérité supérieure et je crois qu’il a été fait à l’image de son Dieu… Pour moi, l’homme n’a pu le devenir que par la grâce de Dieu, touché par le doigt divin comme dans la représentation de Michel-Ange. »7

Jacques Arsac (1929-2014), astronome et informaticien, directeur du Centre de calcul de l’Observatoire de Meudon, correspondant de l’Académie des Sciences, a été l’artisan de l’introduction de l’informatique dans les lycées et les universités en France. Dans son témoignage, il insiste sur le fait que le sens de sa vie est lié à la personne de Jésus-Christ :

« Quelque brillantes que soient les explications fournies par ma science, elles ne répondent pas aux grandes questions qui ont toujours assailli l’homme. La foi en Jésus-Christ est pour moi ce qui donne un sens à mon existence. »8

Rosine Chandebois, embryologiste, ex-professeur à l’université de Provence, déclare : « … on ignore ce qu’est la vraie Foi, une expérience intérieure qui ne doit rien au raisonnement et relève d’un domaine de l’intelligence étranger à celui dont se sert le scientifique. La conversion ne passe pas par la démonstration… Les prodiges de la science n’atteignent pas la Foi. Ce qu’elle réalise, c’est grâce à l’intelligence que Dieu nous a donnée : ce qu’elle nous révèle, c’est l’œuvre d’un Dieu à qui rien n’est impossible. »9

Anne-Marie Dambricourt (1959- ), paléoanthropologue, est chercheur à l’Institut de paléontologie humaine rattaché au Muséum national d’histoire naturelle et secrétaire générale de la Fondation Pierre Teilhard de Chardin. D’abord athée, elle expose son retour à la foi et sa profession de foi dans un chapitre entier de La légende maudite du vingtième siècle. En voici quelques extraits :

« Je ne suis pas venue à la foi par une croyance aveugle, immature, l’adhésion sans esprit critique à un enseignement par ailleurs rejeté. J’y suis parvenu par bonds, par chocs existentiels, par épreuves, par expérience du mal comme évidence ontologique et non morale… La redécouverte de Dieu, comme Amour transcendant, passera par l’expérience ontologique du Mal. »10

« La foi est un don de Dieu… La foi est une grâce divine accueillie par l’intelligence. »11

Certains de ces scientifiques révèlent une solide culture biblique et une connaissance approfondie du message de la Bible.

Jacques Arsac développe ainsi sa compréhension de la théologie chrétienne pour sa vie personnelle : « Cette foi, qui est non une croyance en quelque doctrine, mais l’adhésion à la personne de Jésus-Christ, donne un sens à ma vie… J’ai la responsabilité d’orienter ce qui sera fait de mon travail scientifique vers le bien des hommes… Cette adhésion à Jésus-Christ m’invite à suivre l’exemple qu’il nous a donné… Nous sommes pécheurs, et sans l’aide de Dieu, nous ne pouvons parvenir à la perfection à laquelle il nous appelle. Mais je sais aussi qu’Il me pardonne si je reconnais mes fautes, et qu’Il m’aide si j’essaie de progresser…. Oui, la vie a un sens. Oui, ma vie a un sens. Ce n’est pas la science qui me le dit, c’est Jésus qui me l’a révélé. Grâces Lui en soit rendues. »12

André Lichnerowicz (1915 – 1998), professeur de physique mathématique au Collège de France, déclarait :

« Quand, chrétiens, nous parlons de notre foi en Dieu…, il s’agit du visage de celui qui, à travers toute l’histoire sainte, toute l’histoire du salut, a voulu apprendre aux hommes qu’il est le Dieu de Sainteté et d’Amour, il s’agit d’une rencontre spirituelle avec une personne spirituelle… L’acte créateur de Dieu ne peut être qu’acte d’amour, de cet amour qui jaillit entre le Père et le Fils. »13

Puis se référant aux Béatitudes, il tirait cette leçon :

« Qu’y a-t-il pour moi, aujourd’hui, d’extraordinaire dans le message du Christ et qui peut nous aider à esquisser un sens et à approcher ce que peut être le Salut ? C’est sans doute l’inversion des valeurs du monde qui éclate partout… Ainsi pour moi, aujourd’hui, l’essentiel consiste dans les Béatitudes. On y voit… ce paradoxe perpétuel qui se traduit par : “Les premiers seront les derniers ; heureux les pauvres […], ceux qui pleurent […], ceux qui souffrent persécution…” »14

À la fin d’un colloque organisé par le Journal La Croix en 1992, Louis Leprince-Ringuet concluait :

« Je ne suis pas théologien, je ne suis pas capable de discuter de théologie, mais je peux donner mon témoignage de croyant. Je trouve tellement de grandeur dans le message du Christ, je trouve une telle sagesse révolutionnaire dans l’amour des autres, dans le dépassement auquel nous convie le Christ, je trouve une telle force dans l’Évangile pour briser les carapaces d’égoïsme, de routine, de lâcheté qui nous recouvrent à longueur de journée, je trouve une telle grandeur dans la prière …, dans la possibilité pour chacun de nous, même au milieu des difficultés, même immobilisé sur un lit d’hôpital, et souffrant, d’intervenir en faveur des autres, je trouve un telle vie dans l’attitude chrétienne d’espérance devant les épreuves…, je trouve un tel stimulant pour la recherche, la science et aussi pour les progrès intellectuels et spirituels… bref je trouve dans le message évangélique un tel potentiel de dépassement, de joie et d’audace, un tel sens à la vie, que ce message porte pour moi le sceau de la vérité. »15

Paul Germain (1920-2009), mathématicien, a été professeur à l’École polytechnique, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences et directeur de l’ONERA. Outre ses écrits scientifiques, il a été l’auteur de Mémoire d’un scientifique chrétien, publié en 2006 (L’Harmattan, Paris, 326 p.), qui est un témoignage de reconnaissance s’adressant à l’Église, qui a nourri sa foi religieuse, et à la Science qui lui a permis d’insérer sa foi dans l’histoire humaine.

En 1989, il commentait le symbole des apôtres “Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre” : « “Je crois” ; rien à voir avec un discours scientifique. C’est une affirmation qui m’est propre, que j’assume personnellement ; j’adhère et je m’engage ; je joue ma vie sur elle, librement et quotidiennement, sans preuve rationnelle et sans évidence expérimentale. “Dieu créateur” : le chrétien est de ceux qui estiment que cet univers… renvoie à un être ou à un principe difficile, ou peut-être même impossible, à atteindre. “Le Père”, c’est la spécificité judéo-chrétienne ; celle que les théistes des Lumières évacuent. Elle proclame un type de relation privilégiée, une certaine intimité, fondée sur l’amour. L’univers… est reçu comme œuvre d’amour, et par suite comme un don. Et ce Père est le créateur exclusif “du ciel et de la terre”… »16

Enfin quelques-uns ont clairement exposé leur engagement vécu de chrétien.

Xavier Le Pichon, (1937 – ), l’un des pères de la tectonique des plaques, titulaire pour un temps de la chaire de géologie au Collège de France, donnait ce témoignage dont le titre « Tout ce qui est à moi est à toi » est tiré de la parabole du fils prodigue :

« Nous, croyants, savons que l’histoire de l’univers n’est rien d’autre qu’une histoire du salut, donc une histoire d’amour. Nous sommes en train de remplir les blancs de cette histoire, un peu comme des enfants qui découvrent, en faisant l’inventaire de leur héritage, la délicatesse avec laquelle le Père a préparé leur avenir et tout l’amour que cela a supposé. Mais la découverte dans la création de l’amour de Dieu pour nous ne peut vraiment se faire que dans une démarche humble, qui met les plus souffrants et les plus petits de ceux qui nous entourent à la première place. » 17

C’est cette démarche qui l’a amené, après avoir rendu visite à Mère Teresa dans les bidonsvilles de Calcutta, à vivre en famille dans une communauté qui s’occupe d’handicapés mentaux, qui lui ont inspiré cette réflexion :

« Ceux que notre civilisation scientifique et technique semble souvent rejeter sont en fait destinés par Dieu à devenir nos sauveurs… Ce sont eux qui nous attirent vers notre fin dernière, l’Amour. Plus nous fuyons notre cœur, plus Dieu nous donne la possibilité de l’approfondir en accueillant les pauvres et son Esprit qui habite en eux. À l’époque de l’Évangile, le riche ne voyait pas Lazare assis devant sa porte. Avec la télévision, Lazare n’est plus à notre porte ; nous l’avons introduit chez nous. Saurons-nous l’accueillir ? »18

Marc-André Delsuc, pour sa part, est membre d’une communauté charismatique où il est animateur d’un groupe de prière. Pour lui, le fait qu’il soit un chrétien engagé n’a entraîné aucune remarque de ses collègues, mais « plutôt une espèce d’intérêt des collègues qui ne sont pas chrétiens ou qui n’ont pas de foi particulière ou dont la foi est peu affirmée, qui viennent [me] poser des questions, qui sont intéressés. »19

Conclusion

Ces scientifiques de haut niveau qui ont gardé la foi, ont su discerner, malgré, ou grâce à, leur science le message évangélique.

Leur connaissance remarquable de la Bible peut étonner beaucoup d’entre nous. Elle a eu un impact sur leur vie de scientifique et leur vie quotidienne.

Certains se sont même sentis poussés à avoir un engagement social ou religieux exemplaire.

De quoi faire tomber bien des préjugés à propos des scientifiques et faire réfléchir ceux qui parmi les chrétiens pensent que science et foi sont incompatibles.

Références

1. CHABANIS C. 1985. Dieu existe-t- il ? Oui répondent… Fayard, Paris, p. 93, 94.

2. LEPRINCE-RINGUET L. 1989. Comment concilier et foi et activité scientifique ?. In : coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 181.

3. DORST J. 1989. Quelques réfle- xions sur la biologie à la lumière de la foi. In : coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 54.

4. Idem., p. 58.

5. VAN EERSEL P. 2008. Entretien avec Jean-Marie Pelt. Le monde s’est-il créé tout seul ?, Albin Michel, Paris, p. 153, 154.

6. DELSUC M.-A. 1992, Témoigna- ges. In : Science et foi (Colloque organisé par le journal La croix L’Événement, 1er février 1992), Centurion, Paris, p. 42.

7. DORST J. 1989. Op. cit, p. 49, 50.

8. ARSAC J. 1989. Ma vie a un sens. In : coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 21.

9. CHANDEBOIS R. 1993. Pour en finir avec le darwinisme : Une nouvelle logique du vivant, Espaces 34, Montpellier, p. 81.

10. DAMBRICOURT A. 2000. La légende maudite du vingtième siècle: L’erreur darwinienne. La Nuée Bleue, Strasbourg, p. 145.

11. Idem, p. 147.

12. ARSAC J. 1989. Op. cit., p. 28-30.

13. LICHNEROWICZ. A. 1989. Mathématicien et chrétien. In : coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 201, 202.

14. Idem, p. 202, 203.

15. Science et foi (Colloque organisé par le journal La Croix-L’Événe- ment, 1er février 1992), Centurion, Paris, p. 188, 189.

16. GERMAIN P. 1989. Un regard sur l’histoire du monde, sur l’aventure de l’homme. In : coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 102.

17. LE PICHON X. 1989. « Tout ce qui est à moi est à toi». In: coll., Le savant et la foi, Flammarion, Paris, p. 167, 168.

18. Idem., p. 172, 173.

19. DELSUC M.-A. 1992, Op. cit., p. 42.