Au secours ! L’église s’enfonce !

Méditations spirituelles 05/04/2022

Dick Duerksen | Adventist World, mars 2022

L’église adventiste de couleur rose, rose vif, est plantée dans un sol gelé en permanence au coin d’une rue d’Utqiagvik (anciennement Barrow), une petite ville en Alaska. « Au bord de la mer gelée, et assez près du pôle Nord pour « déboussoler » votre boussole. »

Malheureusement, le « permafrost » sous l’église fond plus rapidement que jamais et l’église rose s’enfonce dans le sol. Quelqu’un doit absolument faire quelque chose !

Jim John, pasteur de l’église d’Anchorage Northside, à plus de 1660 kilomètres à vol d’oiseau au sud-ouest, entend l’appel de Dieu.

« Sur le mur de mon bureau, j’avais une grande carte de l’Alaska – une carte avec quelques points étalés montrant nos églises et nos écoles, et puis cet énorme espace vide. Il y a plus de 200 villages en Alaska où l’on ne trouve aucune présence adventiste. Comme il n’y a pas de routes, la seule façon d’atteindre ces villages, c’est de s’y rendre par avion, ou de diffuser des programmes par radio. »

La radio étant fiable et accessible à tous, la Fédération de l’Alaska choisit de produire des programmes dans les langues locales. Mettre « sur les ondes » une station de radio de faible puissance dans chaque village isolé nécessite une tour de radio, de l’équipement spécialisé et un tas d’autorisations. Bref, c’est un défi parfait pour les adventistes passionnés du service.

L’église adventiste Northside se joint à la fédération pour ériger des tours de radio dans quelques villages éloignés, puis choisit de se focaliser sur Utqiagvik, où se trouve l’église adventiste la plus septentrionale de l’Amérique du Nord (et peut-être même au-delà).

En 2020, lorsque le pasteur Jim et une petite équipe arrivent à Utqiagvik, ils font face à un défi imprévu. L’église penche dangereusement, et les fondations s’enfoncent !

« Ça a changé notre mission, explique le pasteur Jim. Ce bâtiment a été construit sur des pilotis au-dessus du sol de permafrost, mais ces pilotis ont commencé à s’enfoncer. La situation empire chaque année. La radio était importante, certes, mais nous devions d’abord transformer le bâtiment en un lieu de culte respectable. »

Les membres d’église sont profondément découragés. « C’est notre église, oui, mais une grande église rose qui penche et s’enfonce. »

Les réparations doivent être effectuées pendant la semaine de relâche du printemps. C’est pendant cette période que tout se transforme en boue caoutchouteuse.

« Nous avons pris des mesures, fait des calculs et impliqué tout le monde, se souvient le pasteur Jim. Et en peu de temps, nous avons réuni la meilleure équipe possible de faiseurs de miracles au-dessus du cercle arctique – bref, des gens qui savaient comment s’appuyer sur Dieu pour trouver la bonne solution ! »

L’élaboration de cette solution nécessite une année entière de planification, une somme incroyable de logistique, et toute une barge de miracles. Rappelez-vous : il n’y a pas de route pour aller à Utqiagvik. Chaque pièce de bois, chaque pièce d’acier, tout ce dont on pourrait avoir besoin pour soulever une église, doit venir à Utqiagvik sur une barge – et celle-ci ne fait le voyage qu’une fois par an.

L’équipe décide que la meilleure façon de « soulever l’église », c’est de lui donner une nouvelle fondation – une toile d’araignée géante composée de 12 poutres d’acier en I dotée d’un dispositif complet de nivelage. Chaque poutre est fabriquée dans l’État de Washington, puis coupée pour entrer dans un conteneur d’expédition de 6 mètres, le tout expédié à Utqiagvik sur la barge annuelle. Un défi coûteux, écrasant.

La fédération n’a pas d’argent pour ce projet. Le pasteur Jim et d’autres personnes donnent alors des coups de fil et envoient des lettres dans lesquelles ils expliquent le besoin. Bientôt, trois églises et un groupe d’amis qui se consacrent à la prière décident de financer le projet.

Tout le monde prie sans cesse. « L’église en train de s’enfoncer pèse 42 tonnes ! Les poutres en I pèsent jusqu’à 544 kilos chacune. Et personne n’a jamais rien fait de tel dans un endroit comme Utqiagvik, où il fait froid, où il y a de la neige, du vent et de la boue, et où le trou laissé par chaque pelletée de terre se remplit immédiatement d’eau. Seigneur, s’il te plaît, aide-nous ! »

Sept bénévoles ayant à cœur la mission organisent leur voyage à Utqiagvik pour qu’il corresponde à l’arrivée de la barge au cours de l’été 2021.

Avant de pouvoir placer l’acier en dessous de l’église, les bénévoles doivent d’abord creuser de profondes tranchées pour que la toile de poutres en I puisse être calée au-dessous l’église. Après avoir déchargé les poutres du conteneur, ils doivent boulonner l’acier pour former une toile complète – un processus exigeant une incroyable précision.

« Il s’agissait d’un système soigneusement conçu de 12 poutres en I qui s’emboîtent, décrit le pasteur Jim. Comme les poutres ne pouvaient s’emboîter que d’une seule façon, les trous devaient être exactement au bon endroit, pas même à 0,31 cm de différence, sinon on ne pourrait pas soulever l’église. Pour ce faire, il nous fallait une perceuse à grande vitesse refroidie à l’huile, spécialement conçue pour percer 288 trous dans l’acier dans les conditions climatiques d’Utqiagvik. »

Tous les ouvriers – des bénévoles – n’ont aucune expérience du perçage de trous précis dans l’acier tout en ayant les doigts gelés.

Des bénévoles de la collectivité viennent prêter main-forte. Même l’équipe de football du lycée d’Utqiagvik participe au creusement des tranchées.

« Des gens s’arrêtaient et demandaient ce que nous faisions, se souvient l’un des ouvriers. Nous riions et disions que nous aidions Dieu à soulever l’église ! Puis ils nous ont demandé de venir travailler sur leur maison quand nous aurions terminé. »

Une fois les tranchées creusées et les poutres en I rivetées en une toile parfaite, les bénévoles tentent de glisser la nouvelle fondation de 9 mètres de large au-dessous de l’église. Mais la toile d’acier est trop lourde, et les poulies et les crics mécaniques ne sont pas assez solides pour faire le travail.

« J’ai prié toute la nuit, raconte Jim. Il nous fallait un élévateur mécanique qui puisse se déployer de manière télescopique et pousser la toile d’acier sous le bâtiment. Cet élévateur était la seule pièce d’équipement rendant l’opération possible. Sans élévateur, tout le projet tomberait à l’eau. »

« Le lendemain matin, je me suis senti poussé à aller voir Scott, le directeur du Département des travaux publics, pour lui demander s’il avait l’élévateur télescopique dont nous avions besoin. C’était une idée folle, car cet équipement est très rare. En trouver un à Utqiagvik relèverait du miracle parfait ! »

Le pasteur Jim est crasseux comme un homme qui aurait travaillé dans la boue pendant des semaines. Il secoue une partie de la boue, entre dans le bureau et demande : « Puis-je parler à Scott ? »

Scott l’écoute en silence. « Je vous ai observé, les gars, répond-il. La barge est arrivée il y a deux semaines avec vos affaires et les nôtres. Je pense qu’une de ces machines-là était sur la barge. Avez-vous besoin d’un opérateur ? »

« Ça serait génial ! »

« OK. On sera là demain. »

C’est un travail horrible, mais à force de pousser, de déplacer, de marteler et de souder, la grande église rose est soulevée, mise à niveau, et élevée sur ses nouvelles fondations.

Tout le monde applaudit les gars des travaux publics ! Puis l’opérateur se tourne vers l’un des bénévoles et dit : « C’est vraiment bien que nous ayons terminé aujourd’hui. Nous venons d’apprendre que nous n’avions cet élévateur que pour un jour. Demain, il partira vers ses nouveaux propriétaires ! Les gars, nous sommes heureux d’avoir pu faire ça avec vous ! »

L’équipe de bénévoles reste bouche bée. « Le miracle parfait de Dieu est arrivé sur la même barge que notre acier, disent-ils, émerveillés. Le Seigneur nous a devancés sur toute la ligne ! »

Avant que les bénévoles ne rentrent chez eux, ils installent la tour radio et peignent l’église en bleu. En bleu pur, comme le ciel.


Dick Duerksen, pasteur et conteur, habite à Portland, en Oregon, aux États-Unis.