Au-delà desle matin mains et des cœurs engourdis

Méditations spirituelles 11/04/2021

Gerald A. Klingbeil | Adventist World Avril 2021

J ohn Nevins Andrews est le premier missionnaire interculturel officiel de l’Église adventiste. Il s’est rendu à Bâle, en Suisse, avec ses deux enfants adolescents. Son histoire constitue un élément précieux de l’histoire adventiste. John Andrews était un érudit, un auteur et un administrateur bien connu. Nous, adventistes, chérissons son ouvrage sur l’histoire du sabbat. Nous apprécions ses compétences en matière d’écriture et son leadership. Mais ce qui ressort le plus de ce personnage, c’est sa volonté de s’accrocher à Jésus au cœur de la souffrance et des pertes qu’il a subies.

Il a enterré sa seule fille, victime de la même maladie redoutable qui avait emporté sa femme six ans plus tôt. Surmené, sous-alimenté, et confronté à de constants défis, John Nevins Andrews a parlé franchement de ce que la pression et l’accumulation de chagrin lui ont fait : « Frère Kinne, il semble que je me sois accroché à Dieu d’une main engourdie1. » Or, mains et cœurs engourdis n’ont, semble-t-il, aucun lien avec la joie.

QU’EST-CE QUE LA JOIE ?

La joie comporte une grande variété de sentiments et d’états. Si elle implique des émotions, en revanche, elle est aussi un état d’être, ou peut devenir une source de délices. La joie nous apparaît souvent comme étant quelque chose de fragile, ou comme une bulle qui se dissipe rapidement. Cependant, il y a, on dirait, quelque chose de plus profond à l’œuvre. La joie, c’est plus qu’un ciel bleu, qu’un soleil radieux, que des nuages blancs pelucheux. Si les circonstances extérieures affectent notre être et nos émotions, la joie, elle, va bien au-delà des sentiments chaleureux ou des solutions éclair. Les auteurs bibliques ont parlé abondamment de la joie qui pousse les êtres humains à faire davantage confiance à Dieu et à l’adorer (voir, par exemple, Jb 33.26 ; Ps. 21.2 ; 42.5 ; 51.14 ; 105.43). Lorsque nous adorons Dieu et reconnaissons qu’il a tout donné pour nous, nous sommes alors remplis d’une joie pro- fonde – de la joie de savoir que dans ses bras, nous n’avons rien à craindre.

JOIE ET ADVERSITÉ

Dans les Écritures, la joie apparaît dans des endroits inattendus. Jacques 1.2 nous dit : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés ». Comment la Bible peut-elle, du même souffle, parler de joie et d’épreuves (ou de « dures épreuves », comme le suggère le grec) ? Le concept biblique de la joie fait voler en éclats notre concept de la joie. En reliant la joie au Dieu qui agit dans l’histoire (et dans notre vie), on nous rappelle que foi et joie doivent être étroitement liées. Jacques encourage ses lecteurs « à accepter leurs épreuves non pas pour ce qu’elles [sont] mais pour ce que Dieu [peut] accomplir à travers elles »2. Il veut nous tourner vers une victoire divine potentielle sur la réalité humaine – vers une foi qui va bien au-delà des limites de la vision humaine.

Cette même attitude semble avoir fait partie de la motivation de Jésus alors qu’il subissait l’ultime épreuve ou test de la croix. L’auteur de l’épître aux Hébreux décrit ainsi la situation alors qu’il nous encourage à fixer les yeux sur Jésus qui, « en vue de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu » (He 12.2)3. La joie de sauver sa création a aidé Jésus à endurer
les ténèbres de la croix – même lors- qu’il a crié au Père : « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. » (Lc 22.42) Cette douleur et ce désespoir que l’on entend dans cette prière parlent aussi d’abandon et d’engagement. À son heure la plus sombre, Jésus a pu voir au-delà de la douleur de la croix, et considérer la joie que le salut apporterait aux millions et milliards de personnes que Satan, le grand trompeur, réclame. Jésus a vu notre libération des ténèbres et des mensonges incessants de Satan.

LA CROIX – ET AU-DELÀ

Obscurité… Désespoir… Nous avons là des arrière-plans appropriés pour la croix. À la suite d’un simulacre de procès devant un sanhédrin qui faisait fi de ses propres règles, Jésus est cloué sur une croix que les soldats plantent ensuite entre deux autres. Le message des autorités est clair : sur cette croix est suspendu un pécheur parmi d’autres pécheurs. Au sein de la multitude qui regarde Jésus souffrir, nombreux sont ceux qui se moquent de lui (Mt 27.39-44). Un petit groupe de femmes qui l’ont suivi pleurent et se lamentent (Lc 23.27 ; Mc 15.40,41). Au bout d’un certain temps, une étrange obscurité recouvre le pays tout entier pendant trois heures (Mc 15.33, SEM). Soudain, au moment où Jésus rend l’âme, le voile du temple qui sépare le lieu saint du lieu très saint se déchire de haut en bas ; un tremblement de terre secoue Jérusalem ; des tombes s’ouvrent (Mt 27.51- 53). La création est en deuil, et la joie semble aussi lointaine que l’orient de l’occident.

Jésus repose maintenant dans la tombe. Mais dimanche matin, l’impensable se produit ! Lorsque Marie, Marie de Magdala et les disciples se rendent au tombeau pour embaumer Jésus, ils le trouvent vide. Dieu a ressuscité son Fils ! Avec des mots empreints de tendresse, Jean décrit le moment où Marie de Magdala pleure à la vue du tombeau vide, après avoir vu deux anges assis à l’endroit où Jésus a été déposé. Soudain, elle entend derrière elle une voix douce : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » (Jn 20.15) Marie ne reconnaît la voix de Jésus que lorsqu’il prononce son nom (verset 16) – car ce qui ne peut être ne peut-être. Au fil des siècles, « Il est ressuscité » a constitué le message traditionnel de Pâques des chrétiens. Et ce message change tout. L’obscurité devient lumière, le désespoir se transforme en reconnaissance, et la reconnaissance devient enfin joie.

La joie vient vraiment le matin – après une nuit remplie de ténèbres, de mort, de culpabilité, et de découragement. Le matin de la résurrection nous offre un aperçu de ce que Dieu a prévu pour ceux qui se sont endormis en lui tout au long de l’histoire. Le matin de la résurrection nous rappelle que Satan n’a pas le dernier mot. Le matin de la résurrection offre l’espérance et infuse la foi.

David avait raison quand il a écrit ces lignes 1 000 ans avant la croix : « Car sa colère dure un instant, mais sa grâce toute la vie ; le soir arrivent les pleurs, et le matin l’allégresse. » (Ps 30.6)

« Il est ressuscité »… Avez-vous entendu ce cri dans votre cœur ? Sentez-vous la force de cette joie s’infiltrer dans votre vie ?


1 D’après les souvenirs de John Vuilleumier, « Early Days of the Message in Europe-n° 3 », Advent Review and Sabbath Herald, 11 avril 1929, p. 11. Je suis redevable à Jim Nix, lequel a partagé cette citation lors d’une visite du patrimoine adventiste en 2013.

2 Kurt A. Richardson, James, New American Commentary, Nashville, Broadman & Holman, 1997, vol. 36, p. 58.

3 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Gerald A. Klingbeil est rédacteur adjoint de Adventist World.