À vos pommes de terre !

Méditations spirituelles 20/04/2021

Frederick Kimani | Adventist World Avril 2021

Chéri, j’ai eu une journée de travail vraiment épuisante aujourd’hui, soupire ma femme alors qu’elle rentre chez nous et se dirige tout droit vers la chambre à coucher. Pèle-moi s’il te plaît cinq pommes de terre pour que je puisse cuisiner ce soir. » Peler cinq pommes de terre ? Je ferme les rideaux en ronchonnant, remarquant à peine les couleurs orange du crépuscule, belles à couper le souffle, qui se profilent à l’horizon de Nairobi.

Ne voit-elle pas que je suis au beau milieu d’un travail sur mon portable et qu’elle m’interrompt ? Que je suis épuisé, moi aussi, après une journée éreintante ? C’est simple, pourtant ! Pourquoi est-ce qu’elle ne me sert pas ? Moi, je n’ai pas envie du tout de la servir ce soir.

À cet instant même, je sais que j’arrive à une intersection, avec deux che- mins possibles à prendre. Je peux bouder et me plaindre du fait qu’en tant qu’homme nouvellement marié qui travaille à plein temps, je ne me suis pas engagé à faire du travail supplémentaire le soir dans la cuisine. Est-ce à ça que le mariage rime ? Ou alors, je peux ravaler ma « fierté masculine », aller dans la cuisine, et m’attaquer joyeusement aux cinq pommes de terre. Après tout, ça ne me retardera que de quelques minutes !

C’est alors que j’entends ce murmure doux et léger… Il touche mes cordes sensibles, et me rappelle certains passages que j’ai lus lors de mon culte personnel plus tôt cette semaine.

« Celui qui aime sa femme, s’aime lui-même. […] En tout cas, chacun de vous, pour sa part, doit aimer [grec : agape, en référence à l’amour inconditionnel] sa femme comme lui-même, et la femme, respecter son mari. » (Ep 5.28-33, TOB*)

« L’amour est patient, il est plein de bonté ; l’amour […] ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas » (1 Co 13.4,5, S21).

Soudain, un sentiment de culpabilité m’envahit alors que je demande pardon au Seigneur d’avoir hébergé ces pensées égoïstes. La voix du Saint-Esprit est claire comme de l’eau de roche quant à ce qu’il pense que je dois faire.

Tu dois l’aimer [agape].

Ce n’est pas une suggestion. Aucune option ouverte à la négociation ; aucun compromis ; aucune condition. Cet amour inconditionnel est un ordre de Dieu lui- même, car il m’a demandé de refléter sa nature même. Et l’amour chrétien auquel il s’attend de ma part envers elle est indépendant des sentiments que j’éprouve à ce moment-là. Après tout, est-ce que je ne me réveille pas tous les lundis matin pour aller travailler, que j’en aie envie ou pas ? De même, Christ ne m’a pas montré son amour seulement quand il en avait envie. En vérité, il l’a fait alors que nous méritions le moins son amour, « alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5.8, NBS).

Plus tard, je m’assieds pour manger les délicieuses pommes de terre sautées que ma femme m’a servies. « Chéri, merci d’avoir épluché les pommes de terre », me dit-elle respectueusement, les yeux pétillants, alors que je déguste le savoureux repas qu’elle a cuisiné. L’amour que je lui ai manifesté est récompensé par le respect qu’elle me témoigne – ce respect même que j’ai d’abord désiré en maugréant ! Ce sentiment d’être respecté me pousse à l’aimer encore plus, tout comme Paul l’a suggéré dans son exhortation (Ep 5.28-33). Et tout à coup, j’ai envie de me lever pour éplucher encore plus de pommes de terre, pour faire quoi que ce soit qui puisse aider ma femme.

Jésus nous a dit qu’en nous voyant nous aimer les uns les autres, de la même manière qu’il nous a aimés, le monde saura que nous sommes ses disciples (voir Jn 13.34,35 ; 15.12). Cet amour va bien au-delà de la capacité humaine – que nous obtenions ou non quelque chose en retour. Alors, de qui Dieu vous appelle-t-il à éplu- cher les pommes de terre aujourd’hui ?


* Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Frederick Kimani est médecin consultant à Nairobi, au Kenya.