À 102 ans, elle donne et garde encore tout !

Méditations spirituelles 26/02/2021

Dick Duerksen | Adventist World | Février 2021

Ça peut sembler un peu fou, mais grand-mère Frieda est connue comme une personne qui donne tout, mais aussi qui garde tout !

Frieda Tanner est née il y a 102 ans à Greeley, au Colorado. Lew, son mari, n’a que 96 ans.

« Comme mes parents ne croyaient pas qu’il était nécessaire que les filles aillent à l’école après la huitième année, j’ai dû plaider ma cause pour poursuivre mes études. L’un de mes profs du secondaire était un adventiste, se souvient-elle. En fait, j’ai vécu chez lui et sa famille pendant un certain temps et j’ai fait le ménage pour eux. Qu’est-ce qu’ils étaient gentils ! Grâce à eux, j’ai approfondi ma compréhension de Dieu et découvert l’adventisme. J’ai été baptisée l’été suivant l’obtention de mon diplôme d’études secondaires. À ce moment-là, j’étais la première de ma famille de la foi luthérienne à devenir adventiste. Mon prof a réussi à convaincre mes parents de me laisser aller au Madison College, au Tennessee, pour y suivre le programme de soins infirmiers. »

Après avoir obtenu son baccalauréat – ce qui était rare à l’époque – Frieda s’est installée à Lynwood, en Californie, pour aider sa sœur veuve à s’occuper de ses enfants.

En 1908, les parents de Frieda ont immigré de la Russie pour s’établir au Colorado, et ils se sont joints à d’autres Russes allemands en tant qu’agriculteurs. Frieda se souvient combien elle a trimé dur. « J’en ai passé des heures en été à éclaircir des betteraves et j’en ai eu des coups de soleil !

J’avais 11 frères et sœurs. Trois sont morts dans l’enfance. Les autres, une fois adultes, se sont dispersés dans d’autres États. » Cette grande famille a maintenu un lien étroit. Pendant plus de 30 ans, les cousins et cousines se sont réunis tous les ans.

Frieda a reçu un précieux héritage de sa famille : un amour profond pour les enfants. Avec ses propres enfants, elle a exercé l’acceptation et l’amour. Au fur et à mesure de leur croissance, Frieda et Lew ont donné l’exemple du soutien et de la tolérance en matière de religion et de politique. Le point central, c’était l’amour, toujours l’amour, « comme Dieu aime ».

« On peut discuter de théologie sous bien des angles, dit Frieda, mais si on n’a pas l’amour pour noyau central, on ne prononce que des mots vides de sens. »

Quand Frieda parle de Lew, son mari, elle lui sourit ou touche sa main. « Quand j’ai rencontré Lew, il m’a beaucoup plu. La première fois qu’il m’a embrassée, il m’a demandé si c’était à mon goût. Eh bien, je lui ai répondu qu’il aurait été préférable qu’il ne fume pas ! » dit-elle en riant. « Ça a été la fin des cigarettes et le début d’un mariage de 68 ans. »

Lew et Frieda ont deux filles, Carol et Jeanne. « Et une maison pleine d’enfants et de petits-enfants », précise Lew.

Dans les années 1950, alors qu’elle était bénévole dans les classes enfantines de l’église White Memorial de Los Angeles, Frieda a découvert les feutrines des histoires de la Bible – de grandes feuilles en feutre sur lesquelles étaient imprimés de simples dessins de personnages bibliques, d’animaux, et de choses de la nature. Chaque dessin devait être colorié, puis découpé, et enfin réuni aux autres pour former des histoires bibliques. Frieda a immédiatement compris la valeur de ces feutrines pour ceux qui racontaient des histoires bibliques aux enfants du monde entier. Elle a décidé de faire tout son possible pour préparer les feutrines et les distribuer.

« Les feutrines fascinaient les enfants, lance-t-elle. Ils les ont toujours aimées. Ils apprécient leur texture, leur apparence, leur façon de coller sur le tableau. Ils jouent avec elles, les posent sur des tableaux de feutrine au fur et à mesure que l’histoire biblique se déroule. C’est de cette façon qu’ils peuvent apprendre à connaître Jésus. »

Pendant des années, quiconque venait chez Lew et Frieda se voyait remettre une pile de feutrines, des feutres (pour colorier), et une paire de ciseaux. Tout le monde entrait dans l’armée de coupeurs et de « colorieurs » de Frieda ! C’était, pour ainsi dire, un rite de passage pour les garçons qui voulaient sortir avec les filles Tanner : s’asseoir à la table de la salle à manger, colorier et couper les feutrines.

« Des gens du monde entier ont entendu parler de nous ; ils nous ont écrit et demandé du matériel pour les enfants, raconte Frieda. Nous achetions alors le matériel et nous nous mettions au travail. Nous étions comme un ministère de soutien – nous dépendions des dons, désireux d’aider les enfants à découvrir Jésus. »

Un jour, quelqu’un s’est mis à fabriquer des feutrines de couleur – ce qui a impliqué un changement de travail pour Frieda. Elle s’est jointe à Faith Adventures – un groupe d’adventistes solides, infatigables, de l’église White Memorial. Ces adventistes à l’esprit évangélique se sont mis à acheter des séries de feutrines aux couleurs vives, à les emballer et à les expédier dans le monde entier.

Frieda et sa famille, ainsi qu’un groupe d’amis encore plus nombreux, ont passé des centaines d’heures à la table de la salle à manger à assembler les séries, tout en parlant des histoires bibliques, de Dieu, de l’amour, de la vie.

« Notre maison était un endroit sûr, raconte Jeanne. Mes parents ne portaient pas de jugement – ils étaient simplement ouverts et aimants. Ayant un penchant pour les rencontres sociales, ils s’assuraient d’avoir une table pleine pour les déjeuners du sabbat. Cette table était un endroit sûr pour des discussions ouvertes, où chacun pouvait partager librement et sans crainte. C’est là que nous ont appris à écouter et à respecter les autres, à faire face aux problèmes difficiles de la vie. »

La Bible de Frieda est toujours à proximité, et le livre Jésus-Christ, juste à côté du saint livre. Frieda les lit réguliè- rement. Ouvrez n’importe quelle page, et vous verrez des notes écrites dans les marges, des passages soulignés en rouge, vert ou bleu, des mots qui indiquent une histoire biblique qu’elle veut partager.

« S’il est facile d’utiliser des feutrines pour montrer l’amour de Dieu dans les histoires bibliques simples, en revanche, il est tout aussi important de découvrir l’amour de Dieu dans les histoires vraiment difficiles, explique Jeanne.

Les histoires simples donnent une base pour évaluer l’amour de Dieu, une façon d’aborder le monde. Mais si on s’arrête là, eh bien, lorsqu’on se heurtera à une difficulté dans la vie, on ne disposera d’aucun outil solide pour l’analyser. On doit examiner à fond les récits bibliques plus difficiles, les histoires violentes, les histoires de femmes, et même certaines paroles de Jésus pas évidentes à décortiquer. Comprendre la façon dont Dieu aime à travers toutes les Écritures nous donnera les compétences nécessaires pour savoir comment relever les défis de taille. C’est cette base-là que mes parents m’ont enseignée, et j’en suis très reconnaissante. »

Au fil des années, lettres et cartes de remerciement ont afflué de nom- breux pays – de Cuba, de la Russie, de l’Ukraine, de l’Inde… de partout !

La plupart des expéditeurs ont écrit : « Merci d’avoir les enfants à cœur. » Frieda les a toutes conservées dans des boîtes et des cartons, lesquels débordent de ces « remerciements ».

« Je suis une vieille dame maintenant. Mais c’est toujours palpitant de savoir que Jésus nous aime vraiment », dit Frieda en triant les cartes. Et elle sourit, se rappelant combien elle a aimé distribuer ces feutrines.


Dick Duerksen, pasteur et conteur, habite à Portland, en Oregon, aux États-Unis.