Jonas : la suite

Méditations spirituelles 11/10/2020

Par Gerald A. Klingbeil est rédacteur adjoint de Adventist World. Il a davantage besoin de secondes chances qu’il ne le souhaite. Publié dans Adventist World Décembre 2019.

Jonas. Les trois principales confessions monothéistes connaissent bien ce nom. Le judaïsme, le christianisme, et l’islam racontent l’histoire légèrement humoristique de ce prophète renégat qui essaya de s’enfuir loin du Dieu vivant. Au fil des siècles, des artistes ont illustré son expérience dans le ventre d’un grand poisson. Des livres pour enfants, de coûteuses mosaïques, ou des peintures murales racontent l’histoire d’un homme qui, ayant touché le fond du baril, cria à Dieu des profondeurs de la mer.

Et Jonas reçut une seconde chance (Jon 3) − même s’il fallut beaucoup plus qu’un voyage étrange dans les profondeurs de l’océan « à bord » du ventre d’un grand poisson pour que son cœur reçoive finalement la grâce et la compassion inébranlables de Dieu.

La Bible rapporte une autre histoire de seconde (ou de troisième) chance. S’appuyant sur la meilleure preuve des manuscrits grecs, la plupart des traductions françaises nous disent que le père de Simon Pierre, l’extraverti – ce disciple de Jésus qui parlait toujours avant de réfléchir – s’appelait … Jonas (Jn 1.42) (1) !

Jésus a une relation spéciale avec Pierre. Connaissant son potentiel, il l’invite dans son cercle intime. Chose intrigante, dans Matthieu 16.17, le Seigneur se réfère à Pierre en ces termes : « Simon, fils de Jonas », faisant ainsi un lien entre son disciple et le célèbre prophète de l’Ancien Testament. C’est que Pierre vient tout juste de déclarer que Jésus est le Messie, et le Seigneur l’en félicite : « Ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux ». Et nous voyons, en imagination, un large sourire éclairer le visage de l’apôtre !

Quelques instants plus tard, Jésus décrit ses souffrances, sa mort, et sa résurrection. Contrarié, Pierre le prend à part et le reprend sincèrement mais fermement pour ce qu’il vient de dire (v. 22). Le grec utilise des termes très forts exigeant la soumission. Ça pourrait bien être une phrase comme Cesse de parler comme ça, Jésus ! La réprimande immédiate du Seigneur est l’une des plus sévères qui soient jamais sorties de sa bouche : « Arrière de moi, Satan ! » (v. 23) Ne fais pas le travail du tentateur, Pierre. Se pourrait-il que dans ce contexte, Jésus utilise délibérément « fils de Jonas » comme un jeu de mots basé sur le nom du père de Pierre en guise de rappel et de lien avec le prophète renégat de l’Ancien Testament ?

En reniant Jésus trois fois, Pierre se joint à Jonas dans sa fuite de l’appel de Dieu. Il ne veut pas suivre Jésus à la croix, car la croix n’est pas la solution – ou du moins le pense-t-il. Suite au matin de la résurrection de Jésus, l’apôtre reçoit, à l’instar de Jonas, une seconde chance (Jn 21.15-17). Plus tard, Dieu lui dit d’apporter l’Évangile aux Gentils (autre lien avec l’histoire de Jonas), et doit répéter ses instructions trois fois pour se faire bien comprendre (Ac 10.16).

Dieu aime les Jonas, Thomas, Pierre et Marthe de ce monde. Il est le spécialiste des secondes chances. Là où nous ne voyons que déception, il discerne notre potentiel. Là où nous ne voyons qu’impasse, il nous offre de nouveaux commencements. Et lorsque nous essayons de nous enfuir loin de lui, il nous rappelle avec patience que sa bonté et sa miséricorde nous « accompagnent » tous les jours de notre vie (Ps 23.6).

Il nous est tout simplement impossible d’ébranler Dieu.


(1) Certaines versions bibliques (Bible en français courant, Jérusalem, Nouvelle Bible Segond, Parole de vie, Parole vivante, Tob, entre autres), rendent ce terme par « Jean ». La Bible Louis Segond 1910 dit « fils de Jonas » en se basant sur des manuscrits qui semblent chercher apparemment à harmoniser ce passage avec la lecture de Matthieu 16.17. Voir Barclay M. Newman et Eugene A. Nida, A Translator’s Handbook on the Gospel of John, New York, United Bible Societies, 1980, p. 45.