La foi de mes pères

Méditations spirituelles 01/04/2022

Blondelle Campbell | Adventist World, mars 2022

Vers la fin de 1959, le pasteur Riley S. J. Caesar Sr a tenu une campagne d’évangélisation dans une toute petite communauté rurale de Guyane, en Amérique du Sud. Alvin et Frank y ont été invités. Aujourd’hui âgés de 79 et 75 ans respectivement, les deux hommes parlent de la ferveur avec laquelle le pasteur a prêché le message du sabbat un mercredi soir. Ce message retentit encore dans leur esprit comme une bonne vieille cloche d’église.

Les deux garçons ont décidé de se faire baptiser. Lors de cette cérémonie solennelle, ils étaient remplis d’enthousiasme à l’idée de cette nouvelle étape de leur vie. Alvin, le plus âgé des deux, est resté dans la foi. Frank, lui, s’en est détourné au fil du temps.

Frank se souvient du message clair qui distinguait les adventistes des Frères chrétiens (Christian Brethren) – la congrégation qu’il fréquentait avant son baptême. Pour les adventistes, le samedi était un jour sacré. Et ce message l’intriguait au plus haut point.

LE PARCOURS D’ALVIN

Pourquoi Alvin est-il resté adventiste ? « Disons que j’ai été bien préparé à la vie adventiste ! » dit-il. Il se souvient avec émotion des efforts inlassables du pasteur Caesar pour s’assurer que les membres potentiels reçoivent une perspective théologique approfondie de cette nouvelle Église. Si Alvin se lançait maintenant dans cette nouvelle démarche, c’est parce qu’il avait déjà entendu parler du sabbat, et ce, d’une manière extrêmement surprenante.

Où avait-t-il donc découvert le sabbat pour la première fois ? Alvin répond dans élan joyeux : « À l’École du dimanche ! » Un dimanche, il s’est précipité chez lui pour rapporter que sa monitrice de l’École du dimanche enseignait à sa classe que le sabbat était le septième jour. La réponse qu’il a reçue de sa tante l’a complètement déboussolé : « Eh bien, elle a tout à fait raison ! »

Et pourtant, sa tante était, elle aussi, une fervente observatrice du dimanche ! Dérouté, Alvin s’est retrouvé avec des tas de questions. Pourquoi ces deux femmes – ces deux modèles dans sa vie – l’encourageraient-elles à observer le sabbat du septième jour alors qu’elles-mêmes continuaient à observer fidèlement le dimanche ?

Un jour, la tante d’Alvin a reçu une invitation de la part des adventistes et a décidé d’envoyer tous les enfants à l’École du sabbat. Ce samedi matin-là, Alvin a délibérément attaché l’une des vaches les plus robustes avec une corde qui était abîmée. Ensuite, il a alerté sa tante qu’une vache avait fugué, et qu’elle pourrait endommager les cultures des fermiers d’alentour. Bien entendu, sa tante l’a immédiatement envoyé à la recherche de la vache.

« Je savais bien où se trouvait la vache ! Ruby était juste à côté de la maison », raconte Alvin en riant. Ainsi, au lieu d’assister à l’École du sabbat, Alvin s’est contenté de regarder Ruby ruminer. « Ces messages étaient tellement contradictoires ! Ne sachant que penser, j’ai réagi comme un vrai ado. »

Finalement, le samedi 26 décembre 1959, Alvin – mon père – et Frank – mon oncle – ont tous deux été baptisés. Comme à l’époque il n’y avait pas de baptistère dans l’église, ils ont été baptisés par immersion dans un canal.

Qu’est-ce qui a incité mon père à rester adventiste ? Papa se souvient qu’on a confié à son frère et à lui des rôles importants dans l’église. Pour sa part, il est devenu le responsable de la jeunesse adventiste à l’âge de 18 ans. « Le pasteur soutenait les nouveaux convertis et leur donnait des conseils avisés », explique-t-il. En outre, peu après son baptême, Papa a donné des études bibliques à des membres potentiels, ce qui a renforcé son amour de la Parole de Dieu et consolidé les doctrines bibliques qu’il avait étudiées dans la classe des nouveaux convertis. Encouragé à inviter des gens aux campagnes d’évangélisation, Alvin allait chaque fois chercher des amis dans des villages éloignés et les transportait sur son vélo. Le mandat évangélique de Matthieu 28, lui avait dit le pasteur Caesar, devait être non seulement mémorisé, mais aussi vécu.

Une fois, à l’église, Alvin (alors âgé de 18 ans) a pris dans ses bras la petite fille du pasteur Caesar. À sa grande surprise, elle était beaucoup plus lourde que sa charpente ne le laissait supposer ! Ça l’a étonné, parce que la famille Caesar était végétarienne, et qu’il croyait que les végétariens étaient frêles et maigrelets. Voyant que végétarisme et force physique ne s’excluent pas mutuellement, il a décidé d’adopter le régime du jardin d’Éden. Bien que confronté à de nombreux défis, il est resté ferme dans sa décision.

LE PARCOURS DE FRANK

À cette époque, Frank donnait, lui aussi, des études bibliques aux nouveaux convertis et participait aux différentes activités de l’église. Mais au fil du temps, il s’est laissé aller à une vie de prodigue. De peur de se faire sermonner sur son mode de vie mondain, il a cessé de rendre visite à certains membres de la famille.

Qu’est-ce qui a poussé Frank à « s’égarer » ainsi ? Alors qu’il s’éloignait graduellement de sa foi adventiste, il poursuivait ses études et excellait à l’université. Il s’est lancé en politique et est devenu le plus jeune ambassadeur de son pays natal, et le premier ambassadeur-résident à Cuba. Il est aussi devenu ministre de l’Information et a représenté Forbes Burnham, alors président de la Guyane, lors de nombreuses rencontres diplomatiques. Pendant toutes ces années, il n’allait à l’église qu’à l’occasion de funérailles, de mariages, et de présentations de bébés. Il avait perdu ce « premier amour » dont parle Apocalypse 2.4.

En 1979, année de ma naissance, Frank avait atteint le statut de célébrité. Au cours de ma croissance, mon admiration pour lui n’a fait que grandir. Je me souviens avec émotion des villageois racontant l’histoire de son retour en hélicoptère au village, et de son atterrissage au beau milieu d’un terrain de jeu ! Cette histoire a été racontée à maintes reprises ; mais chaque fois, ma fierté et ma joie n’en étaient que plus grandes.

À l’âge adulte, j’ai commencé à comprendre les vérités du christianisme. C’est alors que j’ai ressenti dans mon cœur un fardeau pour Frank. Et je n’étais pas la seule ; au culte familial, mon père priait pour lui.

Le Saint-Esprit est intervenu dans la vie de Frank, lequel s’est mis à lire la Bible et à chanter des cantiques du recueil qu’il avait reçu de ma mère. Mû par l’Esprit, Frank s’est mis à chercher une église. Chose étrange, il n’a pas choisi une congrégation adventiste ou une congrégation de Frères chrétiens. Ce qu’il cherchait, c’était une église où il ne se sentirait pas obligé de vivre « comme un
saint » toute la semaine.

À l’époque, Frank était correspondant en chef du Bureau chef et du service Inter Press auprès des Nations Unies. En raison de son travail, il a déménagé au New Jersey, et y a trouvé une église presbytérienne. Dans cette église, il y avait de la belle musique, des sermons édifiants, et… de délicieux goûters ! Ces agréments l’ont incité à devenir un visiteur hebdomadaire. Il a décidé de se faire baptiser au sein de l’Église presbytérienne, mais les circonstances, divinement orchestrées, l’ont amené à rejoindre sa famille au Canada.

Bien qu’il ait fréquenté de nombreuses églises au Canada, au final, il ne se sentait à l’aise que dans une église adventiste. Chaque fois qu’il priait Dieu de le guider, il a entendu la même réponse : « Frank, reste où tu es ! » Frank a fait le pas courageux de reconsacrer sa vie à Dieu dans le baptême. Cette nouvelle a rempli mon cœur de joie ! Après son « rebaptême », il a reçu des imprimés qui l’ont aidé à comprendre en profondeur la vérité du sabbat. Un ami lui a offert un livre dans lequel il a trouvé les réponses à des questions bibliques difficiles.

En plus d’écrire aujourd’hui pour plusieurs publications adventistes, Frank, inspiré par Dieu, a composé des paroles sur l’air d’un cantique bien connu alors qu’il se promenait dans un parc de l’Ontario un sabbat après-midi. « I Ask Myself » a inspiré plusieurs musiciens de renom et congrégations adventistes. Le fait qu’il n’avait pas le don de la musique prouve que les paroles de ce cantique ont été un don de Dieu. C’est remarquable, car on avait dit à Frank, dès son plus jeune âge, que le chant ne faisait pas partie de ses talents.

Frank Campbell est aussi un ancien de l’Église adventiste Agape Temple, en Ontario, au Canada. Il prie assidûment pour les membres de sa famille.

Alvin a accepté la foi. Et il ne s’en est pas détourné.

Frank est revenu à la foi. Et il est revenu pour rester.

La foi de mes pères a eu un grand impact sur la mienne !


* Cet article a été publié pour la première fois dans la revue Messenger, numéro de novembre 2021. Texte et photo utilisés avec permission.


Blondelle Campbell, laquelle a été éducatrice pendant 25 ans, est actuellement directrice de l’unique école adventiste en Guyane. Elle est mère de deux jeunes adultes et sert son église locale avec joie.