Le chien troqueur

Auteur : Ray Hartwell est directeur des ministères suivants : Vie reconnaissante, Gestion chrétienne de la vie et Services fiduciaires pour les dons planifiés de la Fédération des églises adventistes de Georgia-Cumberland, en Géorgie, aux États-Unis | Adventist World, février 2022

Notre chienne Molly – un terrier blanc du West Highland – a un trait de caractère mignon, mais en même temps, exaspérant. Elle a appris l’art du troc ! Voici comment elle s’y prend. Elle s’empare d’une des chaussures de ma femme – la plus récente et la plus belle étant la plus convoitée – et s’enfuit avec. Inutile de l’amadouer pour qu’elle la rende. En fait, elle savoure le moment où l’on se jette sur elle et où elle court à toute vitesse autour des meubles et sous le lit avec son article de contrebande. Elle mâchouille la chaussure, mais vit surtout pour le frisson de la chasse. Cependant, elle a appris à faire du troc avec nous. Si nous revenons vers elle avec un jouet qui couine ou une friandise pour chien qu’elle trouve appétissante, elle troque volontiers la chaussure précieuse contre l’article offert.

Certains considèrent que Malachie 3.10 ouvre la voie au troc avec Dieu : « Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes, afin qu’il y ait de la nourriture dans ma maison ; mettez-moi de la sorte à l’épreuve, dit l’Éternel des armées. Et vous verrez si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux, si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance 1. »

C’est comme ça que ça marche ! pensent-ils. Dieu a garanti le succès et la prospérité à tous ceux qui lui rendent fidèlement la dîme. Ils traitent ce verset comme un système de troc. Je donne à Dieu 10 pour cent et il est censé me bénir abondamment. Ils le traitent comme un quid pro quo – Dieu m’est redevable.

Rendons-nous la dîme en raison de ce que nous pensons obtenir en échange ? Dieu nous doit-il vraiment quelque chose ?

LA BÉNÉDICTION D’ABORD

Le prophète Habakuk a enseigné une joie fort différente de l’Évangile de la prospérité prôné par certains ministères bien connus aujourd’hui. Il souligne que notre service envers Dieu se fonde sur quelque chose de mieux qu’un quid pro quo spirituel.

« Les figuiers ne portent plus de fruits, les vignes ne donnent pas de raisins, les oliviers ne produisent rien, les champs ne fournissent aucune récolte ; il n’y a plus de moutons dans les enclos, plus de bœufs dans les étables. Mais moi, je trouve ma joie dans le Seigneur, je suis heureux à cause du Dieu qui me sauve. » (Ha 3.17,18, BFC)

Notre joie de rendre la dîme à Dieu ne se construit pas autour d’une sorte de système de troc divin. Nous lui rendons la dîme et lui apportons nos offrandes parce que, prospérité ou pas, il est notre sauveur. Nous sommes les bénéficiaires de sa grâce. Et nous reconnaissons avec gratitude que toutes choses lui appartiennent. Nous, nous n’en sommes que les gérants.

De nombreux chrétiens apportent fidèlement à Dieu la dîme et des offrandes volontaires. Et cependant, ils ne deviennent jamais riches ! Ils n’éclipsent pas leurs voisins avec la plus grande maison, les véhicules les plus récents ; ils n’ont pas une touche « spéciale » en matière de finances. Bien qu’ils soient fidèles, ils ne semblent pas damer le pion dans le monde. Et pourtant, Dieu n’a pas oublié de les bénir ! Comme le promet le psalmiste : « J’ai été jeune, j’ai vieilli ; et je n’ai point vu le juste abandonné, ni sa postérité mendiant son pain. » (Ps 37.25)

Même si Dieu promet une bénédiction en retour de notre fidélité, le fait est qu’il y a eu bénédiction d’abord, si bien que notre retour de la dîme n’est, en réalité, que l’expression de notre reconnaissance d’avoir déjà été bénis. Rendre la dîme à Dieu, c’est plus qu’un devoir ou l’accomplissement d’un commandement, plus qu’une transaction divine : c’est l’expression de notre gratitude pour les bénédictions que nous avons déjà reçues et que nous n’avons pas négociées.

DONNER POUR OBTENIR

Lorsque j’ai commencé mon ministère, j’ai eu le privilège d’assister à des présentations de Mel Rees, alors premier professeur adventiste à enseigner l’économat et la collecte de fonds par les églises locales pour des campagnes de financement. Mel Rees a décrit une condition qu’il a observée dans la nature humaine et qu’il a appelée « Donner pour obtenir ». Il a dit qu’on voyait cela dans des endroits comme certaines églises chrétiennes qui organisent des tombolas, des bingos, et d’autres collectes de fonds où le concept est le suivant : vous pourriez repartir avec quelque chose de valeur, quelque chose qui pourrait même dépasser votre « contribution ».

Ce même concept va encore plus loin : des gens font des dons à une cause dans l’espoir d’être reconnus publiquement – qui sait, un bâtiment portera peut-être leur nom ! D’autres sont motivés à l’idée de voir leur nom sur un tableau d’honneur au mur, ou de recevoir un prix lors d’une réunion publique… Ces motivations ne sont pas mauvaises en soi, à moins que le motif du don ne soit l’espoir de recevoir une récompense plutôt que le désir altruiste de servir et d’aider notre prochain. Mel Rees raconte une histoire un peu plus proche de nous. Un jour, une membre d’église dévouée, d’âge moyen, calme et réservée, a approché son pasteur. Elle lui a dit que chaque centime de la dîme qu’elle rendait la contrariait ; elle aurait voulu réserver une plus grande partie de ses revenus à l’achat de vêtements à son goût. Même chose pour les offrandes qu’elle apportait : elle avait l’impression que cela l’empêchait de voyager là où elle avait envie d’aller. Mais, dévouée comme elle était, elle voulait suivre les règles 2 ! Ainsi, au lieu de cultiver un esprit de gratitude et de reconnaître qu’elle était déjà bénie, elle « donnait pour obtenir », afin de satisfaire aux exigences divines et de gagner le paradis, même si l’apparence d’un sacrifice ici l’indisposait.

DES CŒURS RECONNAISSANTS

En parlant des enfants de Dieu d’aujourd’hui et des bénédictions qu’ils ont déjà reçues, Ellen White écrit :

« Ils doivent payer la dîme de tout ce qu’ils possèdent et faire des offrandes selon ce [que Dieu] leur accorde. Ses miséricordes et ses bénédictions sont abondantes et systématiques. Il fait tomber la pluie, il fait luire le soleil et fait croître la végétation. Il donne les saisons ; les semailles et les moissons se succèdent dans leur ordre. Ainsi, la bonté sans faille de Dieu nous invite à quelque chose de mieux que l’ingratitude et l’oubli des hommes envers le Créateur. Ne devrions-nous pas revenir à Dieu, et d’un cœur reconnaissant, lui apporter nos dîmes et nos offrandes 3 ? »

C’est là la clé ! Au lieu de considérer nos actes d’économat comme une sorte de troc, nous reconnaissons qu’ils sont avant tout l’expression d’une vie reconnaissante. Comme Habakuk, nous pouvons nous réjouir même si nous n’avons pas les poches pleines. Nous pouvons éprouver de la joie dans le Dieu de notre salut. Et lorsque nous arriverons au ciel et sur la nouvelle terre, ce sera en raison de la grâce généreuse de notre sauveur céleste, et non parce que nous aurons été des négociateurs rusés et avides… comme ma chienne Molly avec la chaussure de ma femme !


1 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.

2 Adapté de Melvin E. Rees, God’s Plan for Social Security, Mountain View, CA, Pacific Press Pub. Assn., 1970.

3 Ellen G. White, Signs of the Times, 13 janvier 1890.