Rafael López Miranda : Un martyr adventiste en Amérique latine

Méditations spirituelles 19/10/2021

Michael W. Campbell | Adventist World, octobre 2021, p. 24-26

Rafael López Miranda (1883-1922), premier adventiste portoricain, n’a pas commencé sa vie spirituelle sous les meilleurs auspices. Voici son histoire. Une épreuve douloureuse frappe la famille Miranda : leur fils aîné décède. Pour noyer son chagrin et trouver quelque réconfort, Rafael se met à boire. Sous l’effet de l’alcool, il pique des colères qui terrifient sa femme et ses enfants. En 1912, des missionnaires adventistes commencent à prêcher à Porto Rico. Rafael se montre ouvert à l’Évangile, au grand bonheur de sa famille. Il assiste à des études bibliques et participe à des réunions de prière. Et la même année, il s’engage envers Christ dans les eaux du baptême 1. Selon l’historien adventiste M. E. Olsen, Rafael López a été le premier Portoricain à devenir un ouvrier adventiste 2. Plus tard, Rafael se rend en République dominicaine, et en 1919, au Venezuela. Il y vend des exemplaires de l’édition espagnole nouvellement traduite de Heralds of the Morning, un classique d’A. O. Tait sur la prophétie biblique.

Alors qu’il s’enfonce dans la jungle, Rafael découvre une famille qui accepte le message adventiste. Bientôt, d’autres familles se joignent à elle, si bien que les membres, au nombre de 35, forment un petit groupe. Jaloux, les chefs religieux du coin poussent les foules à brûler les livres de Rafael. Certains convertis, cependant, conservent avec détermination les précieux exemplaires de ces imprimés remplis de la vérité.

À LA RECHERCHE DE LA LUMIÈRE

En juin 1920, Rafael, vêtu d’un costume noir, entre dans un magasin. Un homme remarque son « sourire simple », un petit défaut à un œil, et sa tête chauve alors qu’il enlève son chapeau. Rafael s’approche de lui et lui serre la main.

« Êtes-vous M. Julio García ? » lui demande-t-il en espagnol.

C’est que lorsque Rafael est arrivé en ville, les gens à qui il s’est adressé lui ont dit que Julio García, un résident de la ville, s’intéressait aux imprimés chrétiens, et lui ont indiqué le magasin où il pourrait le trouver.

« Oui, répond Julio. À votre service ! »

« Je m’appelle Rafael López. » Il lui présente ensuite un livre sur la santé qu’il a avec lui, et après environ 10 minutes, Julio l’achète. Il demande ensuite à son interlocuteur d’où il vient. « Je suis originaire de Porto Rico, mais je n’ai ni maison, ni pays. Je suis un pèlerin dans ce monde. »

Cet après-midi-là, Rafael se rend chez Julio où il rencontre la famille et étudie la Bible avec elle.

« J’ai appris davantage au cours de cette heure et demie d’étude que pendant ces dernières années, même si j’avais une Bible, raconte Julio García. À la fin de l’étude, [Rafael] m’a demandé si je voulais prier. J’ai présenté mes supplications à Dieu d’une voix tremblante et entrecoupée. »

Plus tard en soirée, Rafael se rend de nouveau au domicile de Julio, puis encore une fois le lendemain, à 5 heures du matin. Alors qu’il selle son âne avant de partir, il adresse « des conseils et des recommandations » à Julio et à sa famille.

PERSÉCUTION ET FRUIT SPIRITUEL

Le 3 juillet 1920, la famille García célèbre son premier sabbat ! Cette décision apporte « une paix » qu’ils disent n’avoir jamais connue auparavant. En octobre de la même année, ils se joignent au premier groupe de 17 croyants qui ont embrassé la vérité à Camaguán, au Venezuela.

Le 6 janvier 1921, les anciens W. E. Baxter et D. D. Fitch rendent visite à la famille García. Sous la pression de certains, une grande foule s’agglutine devant leur maison et scande : « Los curas de Julio García han llegado » (« Les prêtres de Julio García sont arrivés »).

Alors que la foule atteint quelque 200 personnes, Julio García souhaite que la terre l’engloutisse ! Le pasteur Baxter se tient sur le balcon et « s’adresse à [la foule] dans un excellent espagnol ». Il présente alors la Parole de Dieu et son « pouvoir de transformer les vies », et la foule se calme.

Plus tard cette même année, la grippe frappe les García et fauche la vie de deux de leurs enfants. Rafael écrit à Julio pour le réconforter : « Mon frère, n’oublie jamais que la foi ne doit pas être exercée que lorsque tout va bien. »

Un jour, Julio et six autres croyants sont arrêtés et jetés en prison à cause de leur foi. Des amis à Caracas contactent le chef de la nation, Juan Vicente Gómez, lequel intervient en faveur des prisonniers. Le huitième jour de leur détention, ils sont libérés ! En les voyant entrer dans l’église, les autres croyants ont la conviction que cette libération tient du miracle.

L’ULTIME SACRIFICE

Quelque temps plus tard, une crise de malaria oblige Rafael López à rentrer chez lui à Porto Rico. Après sa guérison, cependant, il reprend son poste au Venezuela.

« J’ai senti que je devais continuer de travailler ici, même au prix de ma vie. »

Ces paroles de mauvais augure sont suivis d’une autre lettre : « Le bureau de la mission m’a conseillé de quitter immédiatement ce lieu parce qu’ici, ma vie est en danger. Pas plus tard qu’hier, on a tenté de me tuer avec une machette. Mais il y a ici 18 personnes intéressées par la vérité. Je ne peux pas les abandonner. » Heureusement, le mulet de Rafael a semé les assaillants.

Malgré ces circonstances fâcheuses, la demande de protection adressée par le bureau de la mission aux dirigeants du gouvernement reste lettre morte.

Quelques jours plus tard seulement, soit le 15 mai 1922, Rafael tombe dans une embuscade alors qu’il se déplace à dos de mulet sur une route isolée des Andes. Atteint de plusieurs balles, il s’écroule raide mort sur le sol 3. Plus tard, on trouve « sur lui l’équivalent d’environ 400 dollars »4, ce qui indique pour certains que le mobile n’est pas le vol.

Un autre missionnaire qui enquête sur ce meurtre livrera plus tard les commandes de livres de Rafael López. Finalement, une église adventiste est construite dans la ville d’El Cobre, près du lieu du meurtre, à titre de monument silencieux à ce « martyr des Andes ».

Lorsque la famille García apprend que leur ami qui les a conduits à Christ a été assassiné dans les Andes vénézuéliennes, la nouvelle les frappe telle « une avalanche soudaine ». Ils se souviennent alors qu’ils sont bel et bien des pèlerins en quête d’une terre meilleure, et leur foi est mise à rude épreuve.

ENQUÊTE SUR LE MEURTRE

Après avoir appris cette nouvelle tragique, D. D. Fitch, dirigeant de la mission, entreprend une expédition de 1 000 kilomètres à dos de mulet pour déterminer ce qui est arrivé à frère López. Il découvre que ce dernier a élu domicile dans une posada, ou pension de famille, à San Cristóbal. La femme qui l’a accueilli raconte à D. D. Fitch que son invité priait avec elle tous les matins et qu’elle s’est intéressée à l’étude de la Bible. Rafael lui a aussi laissé une grande partie de son argent avant de partir livrer ses livres. Elle remet cet argent à D. D. Fitch 5.

Ce dernier découvre aussi que le site près du ruisseau où López a été tué est marqué d’une petite croix en bois. « En parcourant ces sentiers de montagne, J’ai vu des centaines de croix de ce type, explique-t-il, chacune marquant l’endroit où quelqu’un a été tué. » Il remplace la croix en bois par une croix en fer sur laquelle il a inscrit le nom de Rafael López et la date de sa mort.

Onze jours plus tard, deux des assaillants sont capturés, et on trouve en leur possession le chapeau de Rafael criblé de balles.

Pour Julio García, Rafael López est un « martyr du Christ » – un martyr qui est mort aux mains de ses agresseurs, qui a donné sa vie pour faire avancer le message adventiste en Amérique latine 6.


1 Pour les détails biographiques de base, voir Encyclopedia of Seventh-day Adventists, s.v. Rafael López Miranda, https://encyclopedia. adventist.org/article?id=GHHM&highlight=lopez ; voir aussi son avis de décès dans Review and Herald, 10 août 1922, p. 22.

2 M. Ellsworth Olsen, A History of the Origin and Progress of Seventh-day Adventists, Washington, D.C., Review and Herald Pub. Assn., 1925, p. 547.

3 Des sources diverses font état de cinq, neuf et 12 balles. Quel que soit le nombre exact, les voleurs qui étaient en embuscade dans une grotte voisine ont atteint leur but.

4 D. D. Fitch, « The Murder of Brother Rafael López », Review and Herald, 4 janvier 1923, p. 18, 19.

5 Ibid., p. 18.

6 Julio García, « A Martyr for Christ », The Life Boat, septembre 1923, p. 260, 261, 273, 275-277.


Michael W. Campbell, titulaire d’un doctorat, est professeur de religion à l’Université adventiste Southwestern à Keene, au Texas. Il est aussi co-animateur des podcasts Sabbath School Rescue (https://tinyurl.com/7carec68) et de Adventist Pilgrimage (https://tinyurl.com/4kuxa9cb).