Le sanctuaire céleste : un modèle pour le sanctuaire terrestre

Méditations spirituelles 28/08/2021

Par Patrick Anani | Revue Ministry, 1e trimestre 2017

L’étude du sanctuaire est cruciale pour comprendre le plan du salut. Cet article aborde la question de la relation entre le sanctuaire terrestre et le sanctuaire céleste. Existe-t-il un lien entre le sanctuaire céleste et le sanctuaire terrestre dans les livres historiques de l’Ancien Testament, comme l’affirme Hébreux 9.23,24 ? Pour répondre à cette question, nous analyserons ce que l’auteur du livre des Chroniques comprend du lien qui existe entre Moïse et David par rapport au modèle qu’ils ont reçu pour le sanctuaire terrestre et le temple.

Une mise en garde s’impose à ce stade. Aux fins de cette étude, il n’est pas nécessaire de connaître les dimensions exactes du sanctuaire céleste, car tout édifice fini ne peut ressembler qu’imparfaitement à ce qui est infini. Nous devons nous rappeler que Dieu a montré à Moïse le modèle du sanctuaire qu’il devait construire, et « aucun édifice terrestre ne pouvait reproduire l’immensité et la gloire du sanctuaire céleste. »1

Le lien avec le sanctuaire céleste dans les livres historiques

Le sanctuaire terrestre symbolisait la présence de Dieu dans une relation d’alliance avec Israël, son peuple élu (cf. Ex 15.17; 25.8). Par le sanctuaire, Israël pouvait établir une relation avec Dieu, communier avec lui et l’adorer. Comme c’était le cas pour le tabernacle dans le désert, le temple de Salomon est devenu la demeure de la glorieuse Shekhina divine et le lieu du culte pour Israël ; tous les meubles et objets du lieu saint et du lieu très saint du tabernacle ont été transférés dans le temple.

La présence de Dieu exigeait l’obéissance de la part de son peuple, à commencer par leurs chefs, qu’il s’agisse de Moïse, d’Aaron, de David ou de Salomon. En demeurant dans le sanctuaire terrestre, Dieu choisissait, par conséquent, d’avoir sa demeure avec son peuple, ce qui exigeait de lui de suivre la loi de Dieu, à commencer par le roi en tant que son représentant (1 R 6.12, 13). En fait, tant que le temple existait, Dieu entendait et exauçait de sa demeure céleste les prières que son peuple lui adressait depuis le temple ou simplement tourné vers lui (1 R 8.30, 39, 43, 49; 2 Ch 6.21, 30, 33, 39 ; Ps 102.20).

L’omniprésence de Dieu démontre sa capacité de tout examiner (cf. Pr 15.3 ; Jb 34.21 ; Jr 16.17). Alors qu’il est dit de Dieu qu’il remplit le ciel et la terre, on le dépeint généralement comme regardant du haut du ciel (cf. 2 Ch 16.9 ; Ps 34.16). Dieu a concrétisé sa présence par sa gloire qui remplissait le temple (cf. Lv 9.6, 23 ; Ex 40.34 ; 1 R 8.11 ; 2 Ch 5.14 ; Ez 43.2). Par conséquent, sa vraie demeure restait dans le ciel, alors que le sanctuaire terrestre était la représentation et l’assurance de la présence de Dieu parmi son peuple (1 R 9.3).

Le modèle divin : une étude de 1 Chroniques 28

Le choix du site où Salomon devait construire le temple, l’aire d’Ornân, le Jébusite, était le résultat de l’intervention divine. C’est l’endroit où le jugement et la miséricorde de Dieu se sont rencontrés. L’auteur du livre des Chroniques raconte qu’à cause du péché de David qui avait ordonné le recensement du peuple de Dieu, le jugement s’est abattu (sur lui), et 70 000 personnes sont mortes (1 Ch 21.1-14). Voyant la repentance de David qui plaidait pour la miséricorde divine, Dieu « regretta ce malheur. Il dit au messager destructeur : Cela suffit ! Arrête maintenant. » (1 Ch 21.15). Parce que Dieu avait mis fin à son jugement et qu’il avait révélé sa miséricorde et son pardon sur l’aire d’Ornân, David a acheté cette aire et a promis qu’« ici sera la maison du Seigneur Dieu » 2 (1 Ch 22.1 ; 21.18-30). Après avoir élevé « un autel pour le Seigneur sur l’aire d’Ornân » (1 Ch 21.18), et après avoir reconnu qu’il était disqualifié par Dieu pour construire son temple parce qu’il avait « répandu beaucoup de sang, … [et] fait de grandes guerres » (1 Ch 22.8), David a transmis le mandat divin pour la construction du temple à Salomon.

L’auteur du livre des Chroniques associe clairement le culte et les rituels israélites à la loi mosaïque.3 Par exemple, quand les Philistins ont capturé l’arche, il indique comment, au temps du roi David, le culte religieux suivait les commandements de Moïse : « qu’ils fassent tout ce qui est écrit dans la loi que le Seigneur a instituée pour Israël » (1 Ch 16.40). Il en fut de même avec les rituels dans le temple de Salomon : à l’époque des livres historiques, ils n’ont pas subi de grands changements, puisqu’ils suivaient les directives mosaïques (2 R 23.25 ; 2 Ch 30.16 ; Esd 3.2;  6.18 ; Ne 1.7,8 ; 8.14 ; 9.14, etc.).

Comme pour Moïse, chaque détail du temple de Jérusalem a été révélé à David par l’inspiration divine. Dieu a or- donné explicitement à Moïse de construire le sanctuaire « d’après le modèle » qui lui a été montré « dans la montagne » (Ex 25.40 ; 26.30 ; 31.18).4 La vision céleste de Moïse et plus tard les directives particulières inspirées à David soulignent le fait que les plans du sanctuaire du désert, tout comme ceux du temple de Jérusalem, ont été révélés par Dieu. Quand l’auteur du livre des Chroniques déclare que « David donna à Salomon, son fils, un modèle du vestibule et de ses maisons, des salles du trésor, des chambres à l’étage, des salles intérieures et de la maison de l’expiatoire », il s’assure que Salomon connaît la source de tous ces plans. Il dit : « Il lui donna le plan de tout ce qui lui avait été révélé par l’Esprit » (1 Ch 28.11,12, 21). Cela fait de toute évidence référence à Dieu comme étant la source de la compréhension que David avait des directives reçues pour les plans de construction du temple. Ellen White le dit clairement : « Le roi donne alors à Salomon des instructions détaillées concernant la construction du temple. Il lui confie des plans sur toutes les parties de l’édifice et des modèles de tous les ustensiles du service divin: modèles et plans qui lui ont été communiqués par inspiration divine. » 5

Dans 1 Chroniques 28.19, David dit que «c’est par un écrit de sa main… que le SEIGNEUR m’a donné de comprendre tout cela, tout ce qui est à faire selon le modèle. » Ainsi, David a acquis la capacité de comprendre intuitivement et de manière approfondie le plan pour le temple. En plus, le Yhwh âlay, « Yahweh sur moi » (v. 19) fait référence à une activité directe et divine par l’Esprit de Dieu (cf. Es 61.1; Ez 3.14; 2 S 23.1, 2). 6 C’est la manière caractéristique pour un prophète de s’exprimer quand il reçoit une vision prophétique (cf. 2 R 3.15; Ez 1.3; 3.14, 22; 8.1; Es 61.1). C’est donc par l’intervention divine que David, comme Moïse, a reçu les instructions pour la construction du sanctuaire.7

L’Ancien Testament montre assurément que le sanctuaire du désert a été construit d’après le modèle céleste. Moïse n’était pas à l’origine du tabernacle du désert ; il a plutôt construit le sanctuaire selon le modèle et le dessein de Dieu (cf. Ex 25.8 ; Lv 20.3 ; Ps 78.69). Il est vrai cependant qu’en ce qui concerne la taille et les matériaux, le plan du temple de David n’était pas identique au sanctuaire du désert, néanmoins les deux ont été développés à partir d’un concept unique de compartiments sacrés : le lieu saint et le lieu très saint. L’implication de Dieu dans les deux peut supposer un temple d’origine céleste, du moins d’un point de vue humain.

Le modèle et sa reproduction

Yahweh a révélé le plan à David de la même manière qu’il l’a révélé à Moïse. En réalité, Dieu a permis à Moïse de contempler le sanctuaire céleste. Le terme mar’eh, « permettre à quelqu’un de voir quelque chose (de ses yeux) » (Ex 25.9 ; voir 1 Ch 28.10) 8 indique comment Dieu a montré ce modèle à Moïse. Par conséquent, le sens causal peut avoir cette signification littérale : « Vous vous conformerez exactement au modèle de la Demeure et au modèle de tous ses ustensiles, tels que je vais te les montrer » (Ex 29.9). De plus, dans Exode 25.40, Yahweh ordonne à Moïse de visualiser (la forme impérative de Râ’âh) l’apparence dans une vision dynamique. Le verbe mar’eh, « montrer », implique que Dieu a permis à Moïse de contempler la version originale dans une apparition réelle de l’image (27.8). Le substantif mar’eh, « voir », « apparition », ou « vision », dans Nombres 8.4 renforce cette idée.9 La construction mosaïque était basée sur la tabnît, « modèle », « copie », ou « reproduction ». 10 Le temple de David et de Salomon était également basé sur cet important concept. 1 Chroniques 28.11, 12 l’exprime ainsi : « David donna à Salomon, son fils, le plan du portique et de ses maisons, des salles du trésor, des chambres à l’étage, des salles intérieures et de la chambre de l’expiation. De plus, il lui donna le plan de tout ce qu’il lui avait été révélé par l’Esprit11 concernant les parvis de la maison de Dieu et pour toutes les pièces tout autour : les salles du trésor de la maison de Dieu et les salles du trésor pour les of- frandes votives » (traduction de l’auteur).

Les implications de tabnît

Les versets 11 et 12 contenant le terme tabnît évoquent le récit mosaïque du tabernacle du désert (Ex 25.8, 9, 40). C’est clairement ce qu’ils ont compris quand ils ont construit le sanctuaire : le premier temple a été construit d’après le modèle de la demeure céleste. Dieu a indiqué à Salomon : « Quant à cette maison que tu bâtis, si tu suis mes prescriptions, si tu mets en pratique mes règles, si tu observes tous mes commandements et si tu les suis, je réaliserai à ton égard la parole que j’ai dite à David, ton père. Je demeurerai au milieu des Israélites et je n’abandonnerai pas Israël, mon peuple. » (1 R 6.12, 13; cf. Ex 25.8; 29.45; Lv 26.11).

La Septante présente tabnît comme désignant l’original céleste du tabernacle terrestre. Dans Exode 25, la LXX traduit deux fois tabnît par paradeigma, « ce qui est formé » (le même terme que dans 1 Ch 28.11, 18), alors qu’au verset 40 elle traduit ce terme par typos, « un objet formé à la ressemblance d’une entité ». La tabnît est le modèle du sanctuaire, et le mot concorde avec l’épître aux Hébreux, où le sanctuaire céleste comprend le modèle pour le tabernacle terrestre (8.5; 9.24).

Le substantif tabnît apparaît 20 fois dans l’Ancien Testament. 12 La signification fondamentale de ce terme féminin est « forme » ou « modèle ». Il suggère exactement le style ou la forme de construction et s’applique également à d’autres cas (Ex 25.9, 40). Le mot est parfois lié au terme samel, « image », « sculpture », comme dans temûnat kol-samel, « le modèle de toute sculpture » (Dt 4.16- 18). Il peut aussi représenter des idoles dans une œuvre d’art, sous la forme d’hommes ou de femmes, et différentes créatures rampantes. Dans Josué 22.28, le terme représente la reproduction de l’autel divin. Dans 2 Rois 16.10, le terme est différent de demût, « modèle », qui s’applique davantage à une forme indistincte de quelque chose, alors que tabnît correspond à une représentation exacte. Le terme s’applique ainsi à la si- militude d’un modèle existant d’après lequel une autre structure est construite ou à ce qui a déjà été construit. 13

Conclusion

Les livres historiques envisagent un temple au ciel d’après lequel le temple terrestre a été construit, étant la copie du « modèle » céleste (Ex 25.9; 1 Ch 28.11, 12, 19). En ce qui concerne le premier temple, les livres historiques indiquent que le modèle de David était fondé sur l’analogie entre le ciel et la terre. Une telle position permet d’interpréter l’épître aux Hébreux à la lumière de l’Ancien Testament qui comprend le sanctuaire terrestre comme modèle du sanctuaire céleste. La tradition d’un sanctuaire céleste étant le modèle du sanctuaire terrestre remonte loin dans l’histoire d’Israël. Exode 25 et 1 Chroniques 28 indiquent que le sanctuaire céleste a fourni le modèle pour le sanctuaire terrestre. Alors que Dieu était le créateur et l’initiateur du sanctuaire, Moïse, David et Salomon n’en étaient que les constructeurs.

Le Dieu d’Israël désirait demeurer parmi son peuple élu, pour accomplir son alliance avec lui. D’un point de vue conceptuel, le sanctuaire terrestre est lié au sanctuaire céleste, car il est le fondement et le véritable tabernacle duquel jaillissent toutes les réponses. C’est pourquoi la relation entre les deux temples est significative dans les livres historiques. Le sanctuaire terrestre est rattaché au sanctuaire céleste qui est éternel et intemporel, et où se trouve effectivement la vraie demeure de Dieu. De plus, le sanctuaire terrestre est perçu comme un lieu ici-bas soutenant les activités de Dieu depuis le ciel. Le sanctuaire terrestre et le sanctuaire céleste jouissent d’une relation très étroite, comme cela est décrit dans les livres historiques. Le sanctuaire céleste avait besoin du sanctuaire terrestre pour représenter le plan du salut, pour montrer comment le problème humain du péché était résolu depuis les sacrifices offerts dans le sanctuaire ou dans le temple jusqu’à la croix : sacrifice ultime dans le plan rédempteur de Dieu. Cela ne signifie pas que nous ne faisons plus la distinction entre ces deux sanctuaires.

Le sanctuaire céleste est l’entité conceptuelle de laquelle le sanctuaire terrestre tire sa fonction et dont il dépend pour sa signification.


1. Voir Ellen G. White, Patriarches et Prophètes. EBook, Ellen G. White Estate, 1975, p.329. À part le temple de Jérusalem, qui n’est connu que par 1 Rois 6, un seul sanctuaire a été trouvé datant le l’âge du fer II : le temple d’Arad. Voir V. Fritz, “Architecture,” in Dictionary of Old Testament: Historical Books, ed. Bill T. Arnold and H.G.M. Williamson. Leicester: Inter- Varsity, 2005, p.86.

2. Sauf indication contraire, toutes les références bibliques sont tirées de la Nouvelle Bible Segond.

3. Voir Victor A. Hurowitz,“I Have Built You an Exalted House: Temple Building in the Bible in Light of Mesopotamian and Northwest Semitic Writings,” in Journal for the Study of the Old Testament Supplement Series, vol. 115. Sheffield, UK: Sheffield Academic Press, 1992, p.25.

4.DemêmeBrevardS.Childs,TheBookofExodus:ACritical, Theological Commentary. Louisville, KY: The Old Testament Library, 2004, p.535.

5. Ellen G. White, Patriarches et Prophètes, p.728.

6. Frank B. Holbrook dit que la phrase « par un écrit de sa main » (v. 19) est une conjecture du traducteur. L’hébreu dit : « de la main de Dieu sur moi.» “The Israelite Sanctuary,” in The Sanctuary and Atonement; Biblical, Historical, and Theo- logical Studies, ed. Arnold V. Wallenkampf and W. Richard Lesher. Washington, DC: Review and Herald, 1981, p.30.

7. Ibidem.

8. Ludwig Koehler et Walter Baumgartner suggèrent que la forme hiphil du terme peut indiquer que Dieu peut « permettre à quelqu’un de voir quelque chose, ou montrer à quelqu’un.» Hebrew and Aramaic Lexicon of the Old Testament (HALOT), au mot “mar’eh.”

9. Ibidem.

10. Koehler and Baumgartner, HALOT, au mot “tabnît.” R.G. Hamerton-Kelly a considéré Exode 25.9, 40 comme reflétant un modèle céleste d’après lequel le terrestre était façonné. «The Temple and the Origins of Jewish Apocalyptic » in Vetus Testamentum 20 (1970) p.4.

11.Une des significations de rûach est «le souffle» en tant que soutien de la vie, bien que la distinction sémantique avec rûach qui signifie «l’esprit naturel de l’être humain», en tant que «sens»,«esprit»,«disposition d’esprit intellectuelle» est difficile à établir. Koehler and Baumgartner, HALOT, au mot “mar’eh”.

12. Ex 25.9 (2 fois), 40 ; Dt 4.16, 17 (2 fois), 18 (2 fois); Jos 22.28; 2 R 16.10; 1 Ch 28.11, 12, 18, 19; Ps 106.20; 144.12; Es 44.13; Ez 8.3, 10; 10.8.

13. La LXX utilise trois mots différents pour tabnît :paradeigma: « modèle » (Ex 25.9; 1 Ch 28.11, 12, 18, 19); omoiôma, « re- présentation » (Dt 4.16, 17, 18 ; Jos 22.28; 2 R 16.10; Ps 106.20; 143.12 [H 144.12] ; Ez 8.3; 10.8).