Remettons-les sur les rails !

Méditations spirituelles 19/04/2021

S. Joseph Kidder | Adventist World Avril 2021

L ’église est un endroit solitaire, résume Matt. Personne ne veut entrer tout seul dans une église, s’y asseoir seul, puis en sortir sans que personne ne lui ait dit un seul mot. Pourquoi ? Parce que ce ne sera pas une expérience spirituellement enrichissante. »

Ma conversation avec Matt a porté sur ce à quoi ressemblent les services religieux hebdomadaires pour les quelques jeunes hommes adultes célibataires qui y assistent. De tels services peuvent être une expérience profondément isolante. « Tu sais quoi ? J’étais là, et personne ne s’en est vraiment occupé. Et je parie que si je ne revenais pas, personne ne le remarquerait vraiment ! »

L’expérience de Matt est-elle unique ? Malheureusement, non1. Elle reflète les nombreuses conversations que nous avons eues avec des jeunes hommes quant à leurs perspectives de participation à l’église. De nombreux articles, livres et recherches expliquent pourquoi les jeunes adultes des deux groupes démographiques (génération du millénaire et génération Z) quittent l’église, et révèlent les traits de caractère des églises saines qui attirent les jeunes hommes.

POURQUOI EN AVONS-NOUS PERDUS AUTANT ?

Dans le cadre de notre recherche, nous avons découvert que dans de nombreuses églises adventistes, 55 à 65 pour cent des participants sont des femmes2. Selon un sondage du Centre de recherche Pew, aux États-Unis, 60 pour cent des femmes ont dit que la religion était « très importante » dans leur vie, contre seulement 47 pour cent des hommes3.

Comme expliquer une telle disparité ? Selon l’une des raisons proposées, les activités chrétiennes et les pratiques religieuses touchent souvent plus les femmes que les hommes. Le Centre de recherche Pew a constaté que les femmes ont des niveaux plus élevés de religiosité et d’intérêt pour les activités tradition- nelles de l’église. On peut attribuer cela aux influences de la nature et de l’éducation4. Nos entrevues ont abouti, elles aussi, à la même conclusion.

Les traits de caractère et l’intérêt pour des types d’activités spécifiques peuvent être semblables pour les deux sexes. Par contre, les types d’activités promus dans une église locale peuvent souvent faire appel à des traits plus féminins, sur le plan traditionnel2.

Par exemple, les chants d’adoration célèbrent l’amour que l’on éprouve pour Jésus, ainsi que la honte et la douceur de ce dernier. Les sermons, eux, parlent souvent de la nature attentionnée et de la puissance guérissante de Jésus, ainsi que de notre besoin d’imiter de telles qualités. Les petits groupes, eux, valorisent la vulnérabilité, et lors des agapes et des retraites bibliques annuelles, ils s’attendent à ce que les participants expriment ouvertement leurs émotions. L’action de l’Église est souvent centrée sur des activités de soutien tels que le soin apporté aux nécessiteux en leur fournissant nourriture et vêtements. Les listes d’activités que la plupart des églises proposent à leurs membres reflètent souvent ce que les mères feraient pour s’occuper de leurs enfants. L’église est donc la mère qui prend soin de la communauté. Mais qu’en est-il des caractéristiques paternelles de Dieu ? Qu’en est-il des traits « masculins » de Jésus ? Comment l’église peut-elle aussi refléter ces traits de façon efficace ?

Notre recherche s’est basée sur des entrevues avec des jeunes hommes, lesquels ont dit que pour tout individu ayant des activités traditionnellement masculines, les éléments de l’église mentionnés ci-dessus n’ont guère de quoi l’interpeller. Les sujets auxquels les jeunes hommes s’intéressent souvent sont variés.

On intègre rarement dans la vie de l’église la réussite professionnelle, le fait d’avoir de l’influence, le fait d’être un bon père, le développement du leadership, et le discipulat professionnel. On met peu de ministères en place pour aborder les problèmes des hommes et répondre à leurs questions d’une façon qui les interpelle. Les jeunes hommes adultes sont, au contraire, souvent dépeints comme des consommateurs de porno, des joueurs de jeux vidéo, et comme la tranche de population immature de la société. On critique souvent ces sujets négatifs du haut de la chaire – mais sans donner de solutions, sans même prendre le temps de découvrir quels autres sujets positifs piquent vraiment l’intérêt des jeunes hommes ! Cet état de choses peut expliquer pourquoi les jeunes préuniversitaires ne reviennent pas à l’église après avoir obtenu leur diplôme, et pourquoi les rares jeunes hommes qui restent dans la congrégation se sentent encore plus isolés et seuls.

Les jeunes hommes d’aujourd’hui ont grandi avec les médias sociaux, et ils en comprennent vraiment le pou- voir. L’évolution de la société est un sujet qui les passionne. Ils forment une génération plus diversifiée que jamais et ont une influence sociale absolument incroyable. La génération Z a des opinions bien arrêtées sur les questions de justice sociale, de relations raciales, de genre, et d’identité, et veut participer à l’évolution positive de la société6. En raison de ce profond sentiment d’appel à la justice dans le monde, ils s’attendent à davantage de la part de l’église.

UN PLAN DE MATCH QUI MARCHE

Après de nombreux entretiens avec des pasteurs, des dirigeants d’église, et des jeunes hommes qui ne quittent pas l’église, nous avons remarqué une tendance dans les types de communautés de foi qui maintiennent l’engagement de leurs jeunes hommes.

Mentorat.

La solution par excellence que nous avons trouvée est simple : les jeunes hommes ont besoin de mentors masculins plus âgés7. Si vous voulez voir un plus grand nombre de jeunes hommes s’engager dans la fréquentation de l’église, trouvez des hommes dévoués dans votre congrégation qui peuvent encadrer intentionnellement les préados pendant leurs années de jeune adulte. Chez tous les jeunes hommes interrogés encore engagés dans l’église, on a découvert un dénominateur commun : le mentorat.

Les jeunes hommes ont besoin d’une personne de confiance à qui parler lorsqu’ils ont des questions sur une relation amoureuse, lorsqu’ils sont découragés, ou lorsque des choix de carrière se profilent à l’horizon. Dans les églises saines, le mentorat est un mode de vie. Pensez donc à quelques moyens que votre église pourrait développer en matière de mentorat envers les jeunes hommes. Les hommes adultes peuvent enseigner aux jeunes hommes comment établir une relation avec Dieu, et comment, sur le plan pratique, ils peuvent faire bouger les choses dans le monde et dans la mission du royaume de Dieu.

Ministères axés sur des objectifs.

Les jeunes hommes apprécient les ministères axés sur des projets qui ont un sens et une date butoir claire. Il est important pour un jeune homme d’avoir un but dans la vie, et cela peut être réalisé grâce à des projets à court terme qui font une différence tangible.

En voici un excellent exemple. Marcus, qui a dû déménager dans une nouvelle ville en raison de son emploi, fréquente une église de cette ville. Il lui est venu l’idée de moderniser la technologie de son église, sauf qu’un tel projet implique des milliers de dollars, des heures de planification et de recherche, et l’engagement du comité d’église. Randy, un retraité passionné des jeunes, s’est lié d’amitié avec Marcus. Ensemble, ils se sont attaqués au rêve – Marcus avec la vision, et Randy, avec ses relations d’église. Grâce à leur relation authentique et à leur projet clair, l’église s’est ralliée à la vision, a collecté les fonds nécessaires, et a installé les mises à jour indispensables pour son système. Ce projet s’est soldé par un franc succès grâce à son objectif clair, au soutien d’une relation de mentorat, et aux implications considérables par rapport aux ministères de l’église.

La recherche Growing Young8 montre que ce qui maintient les jeunes dans l’église, c’est le service9. Nommez un ado dans votre comité d’église, écoutez ses idées, et guidez-le dans son potentiel de leader. Confiez à des jeunes hommes la direction de voyages missionnaires et planifiez des projets d’évangélisation pour construire leur foi. Demandez à un jeune homme de diriger une classe de l’École du sabbat, ou trouvez d’autres moyens pratiques d’aider votre communauté. Arrêtez de pourchasser la petite bête et cultivez un partenariat avec eux. Laissez-les faire des erreurs ; encouragez-les à continuer jusqu’à
ce qu’ils atteignent leurs objectifs. Chaque église devrait s’efforcer d’inclure les jeunes hommes dans des postes de direction dans le service.

Ministère de plein air.

Pour de nombreux jeunes hommes, les activités de plein air sont à la fois amusantes et profondément enrichissantes. Du camping jusqu’au rafting en eaux vives, en passant par l’escalade et la randonnée, et plus encore, les jeunes hommes peuvent explorer la vie sauvage et leur propre relation avec Dieu10. Après une longue journée consacrée à la randonnée, un bon feu de camp est un cadre naturel idéal pour parler de leurs expériences personnelles avec Dieu. Jésus lui-même s’est aussi connecté avec ses disciples dans un cadre naturel.

Organisez un voyage de camping de type « passage à l’âge adulte » pour les préados et leurs pères ou autres mentors pour qu’ils explorent la nature et soient discipulés. Laissez les jeunes hommes diriger une activité de plein air du sabbat au moins une fois par mois et invitez les familles à s’y joindre.

Ambiance de l’église.

Pour que les jeunes hommes restent activement impliqués dans la vie de l’église, il faut d’abord que l’ambiance de l’église soit bonne. Votre église estelle remplie de grâce ? Accepte-t-elle et aime-t-elle tous ceux qui franchissent ses portes ? S’abstient-elle de les juger ? Si vous voulez que les jeunes hommes fréquentent votre église, alors, sachez que ces éléments de caractère et la personnalité de l’église ne sont pas négociables !

Dans le cadre de notre propre recherche, nous avons découvert que les églises se croient plus chaleureuses et plus accueillantes qu’elles ne le sont en réalité. Certaines églises désirant évaluer leur efficacité à atteindre les visiteurs, elles choi- sissent des personnes des quartiers environnants et leur demandent de fréquenter l’église sous le couvert de l’anonymat. Elles leur demandent ensuite de remplir un questionnaire sur leur expérience en tant que visiteur11. Dans la grande majorité des cas, les congrégations ne sont pas aussi sympathiques et accueillantes que les dirigeants de l’église veulent bien le penser.

Voici l’une des raisons les plus courantes pour lesquelles les jeunes adultes affirment avoir quitté l’église : « Les membres de l’église semblent hypocrites, ou prompts à critiquer » Les jeunes ont besoin d’explorer leurs croyances dans un environnement sûr où ils ne se sentent pas constam- ment jugés.

Une église saine, prête à se développer, sera ouverte aux questions. Si vos ados ou vos jeunes adultes s’interrogent sur le cœur et le contenu de leur foi, ne paniquez pas. Étudiez ensemble, discutez ouvertement de leur crise de foi, reconnaissez que vous avez des questions, vous aussi, et accompagnez-les dans leur chemi- nement spirituel. Pour que les jeunes hommes restent engagés dans votre église, la culture de celle-ci doit être empreinte de grâce et d’authenticité.

CONCLUSION

Voulez-vous voir davantage de jeunes hommes engagés dans votre congrégation locale ? Dans l’affirmative, changez la culture de votre église, développez un programme de mentorat, et mettez sur pied des ministères qui correspondent à leurs intérêts !

Matt, notre ami solitaire dont nous avons parlé au début de cet article, est maintenant pasteur en Amérique du Nord. À travers les difficultés auxquelles il s’est heurté en tant que jeune homme adulte célibataire dans l’église, il a tenu le coup grâce à Jeff, lequel l’a encadré pendant son adolescence. Jeff l’appelle encore régulièrement pour parler de sa relation avec Dieu et d’autres sujets de la vie. Grâce à Jeff qui s’est investi dans une amitié à long terme avec lui, Matt sait que sa vie a de la valeur, et que son aboutissement spirituel compte pour quelqu’un.

Ainsi, gardez espoir ! Il existe une solution pour que nos jeunes hommes absents reviennent remplir les bancs de l’église. Dieu vous donnera l’inspiration et l’énergie nécessaires pour lancer ces initiatives dans votre propre église. L’inves- tissement dans les jeunes hommes peut représenter, certes, beaucoup de travail. Il faudra peut-être des années avant de voir une croissance significative, mais les résultats en valent largement la peine. Passez maintenant un peu de temps en prière alors que vous réfléchissez à la façon dont votre église peut atteindre davantage de jeunes hommes pour Christ.


1 David Pullinger, « Where Are All the Men? », Single Friendly Church, 24 mars 2017, https://www.singlefriendlychurch.com/what-do-you-say- when/awhere-are-all-the-mena, consulté le 24 février 2021.

2 Cette statistique représente le pourcentage moyen de participants hebdomadaires réguliers dans de nombreuses églises adventistes. Nous avons interrogé plus de 60 pasteurs, jeunes hommes, dirigeants de fédérations et d’unions, et membres d’église d’origines culturelles et linguistiques différentes dans le monde entier. Ces personnes étaient issues des divisions suivantes : Division nord-américaine, Division intereuropéenne, Division transeuropéenne, Division sud-américaine, Division Afrique australe/Océan Indien, Division interaméricaine, Division Asie-Pacifique Sud.

3 Pew Research Center, « The Gender Gap in Religion Around the World », 22 mars 2016, https://www.pewforum.org/2016/03/22/ the-gender-gap-in-religion-around-the-world/#fn-25285-2, consulté le 24 février 2021. Voici l’une des raisons les plus courantes pour lesquelles les jeunes adultes affirment avoir quitté l’église : « Les membres de l’église semblent hypocrites, ou prompts à critiquer » Les jeunes ont besoin d’explorer leurs croyances dans un environnement

4 Travis Mitchell, « Theories Explaining Gender Differences in Religion », Pew Research Center, 22 mars 2016, https://www.pewforum. org/2016/03/22/theories-explaining-gender-differences-in-religion/, consulté le 24 février 2021.

5 Chaque individu est unique. De nombreux membres d’église n’entrent pas dans les cases stéréotypées de ce que les femmes ou les hommes peuvent apprécier dans la vie. Mais nous nous sommes concentrés, dans ce cas, sur les jeunes hommes qui n’ont pas le sentiment de pouvoir exprimer pleinement leur masculinité au sein de l’église.

6 Z », Premier Christianity, 2019 octobre https://www.premierchristianity. com/Past-Issues/2019/October-2019/What-every-Christian-needs-to- know-about-Generation-Z, consulté le 24 février 2021.

7 S. Joseph Kidder, « Mentoring: A Way of Life », Ministry, mars 2017, https://www.ministrymagazine.org/archive/2017/03/Mentoring-A- way-of-life, consulté le 24 février 2021.

8 Kara Powell, Jake Mulder, et Brad M. Griffin, Growing Young, Grand Rapids, Baker Books, 2016, p. 50-87.

9 Le 7 octobre 2020, un entretien avec Steve Case, spécialiste du Minis- tère de la jeunesse et des jeunes adultes, a confirmé que le même principe s’applique à l’Église adventiste. Les recherches adventistes, telles que celles de ValueGenesis effectuées en 1990, 2000, et 2010, en sont arrivées aux mêmes conclusions.

10 Toutes les activités de plein air doivent être approuvées par le comité d’église approprié, aux fins d’assurances.

11 Ce travail est réalisé par Joseph Kidder dans le cadre de sa consultation sur l’Église.

12 Aaron Earls, « 8 Reasons Young Adults Leave Your Church (and 8 Reasons They Stay) », Facts & Trends, 23 janvier 2019, https:// factsandtrends.net/2019/01/23/8-reasons-young-adults-leave-your- church-and-8-reasons-they-stay/, consulté le 24 février 2021.


S. Joseph Kidder est professeur de ministère chrétien au Séminaire adventiste de théologie, à Berrien Springs, au Michigan (États-Unis). Natalie Dorland est pasteur de la Fédération de Washington, aux États-Unis.