L'autre grande mission

Méditations spirituelles 21/03/2021

James Cox | Dialogue Volume 1, No. 1 (1989)

Vers la fin de son ministère terrestre, Jésus se mit à préparer ses disciples à relever le défi de répandre l’Evangile à travers le monde. Quelques jours avant son ascension il leur confia une tâche que j’appellerai ” l’autre grande mission “. Quand on parle de la mission évangélique, nous pensons tout naturellement à cette déclaration de Jésus qui termine l’Evangile de Matthieu et qu’on appelle ” la grande mission ” :

Toute autorité dans le ciel et sur la terre m’a été donnée. Ainsi, allez, faites des disciples de toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez leur à observer tous mes commandements. Vous pouvez compter sur ma présence auprès de vous tous les jours, jusqu’au tout dernier de l’âge eschatologique (Mat. 28 : 18-20).1

Voilà bien une grande mission. Elle s’appuie sur l’autorité ultime de Dieu. Sa perspective est globale, ses aspirations nobles, et ses promesses riches. Notez la répétition intentionnelle du mot tout : toute autorité, toutes les nations, tous mes commandements, tous les jours. Cette mission comprend :

Une grande déclaration : ” Toute autorité dans le ciel et sur la terre m’a été donnée “.

Quatre grands ordres : ” Allez, faites des disciples, baptisez-les, enseignez leur.”

Une grande promesse : ” Vous pouvez compter sur ma présence auprès de vous tous les jours, jusqu’au tout dernier de l’âge eschatologique. ” Par contre, quand on parle de mission évangélique, nous pensons rarement à l’autre grande mission : les paroles de Jésus rapportées à la fin de l’Evangile de Jean :

” Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie . . . Recevez le Saint-Esprit … Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. ” (Jean 20 : 21-23.)

Ce passage contient aussi une ” grande mission “. Il comprend :

Une grande mission : Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.

Une grande invitation: “Recevez le Saint-Esprit”.

Une grande responsabilité : ” Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.” Tard, le dimanche de la résurrection, d’après Jean, Jésus a rejoint ses disciples, fidèles (bien qu’apeurés), et, après les avoir salués de la manière typique palestinienne shalom alekem (paix à vous), leur a confié cette mission : ” Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.”

Dans sa prière sacerdotale, Jésus avait déjà prononcé de tels mots : ” Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde.” (Jean 17: 18.) Jean pressentait probablement la question de ses lecteurs : Comment le Père a-t-il envoyé le Fils ? Aussi y avait-il déjà répondu : ” Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour le condamner, mais, au contraire, pour le sauver.” “Je suis venu non pour condamner Guger) le monde, mais pour sauver le monde.” (Jean 3 : 17; 12 : 47)2. Jean voulait que ses lecteurs comprennent aussi que le rôle des disciples est de sauver le monde, et non de le condamner. (La condamnation est la prérogative de Dieu).

Jésus poursuit son ordre de mission en explicitant le point central du service de salut auquel il appelle ses disciples. Il les invite à recevoir le Saint-Esprit sans qui ils seraient incapables de remplir la mission, et il ajoute : ” Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.”

Le grand débat, en grande partie sans importance, autour de cette déclaration, peut nous avoir empêchés de comprendre son vrai sens. D’abord, rappelons-nous qu’elle est écrite sous la forme poétique sémitique du parallélisme où l’idée négative de la seconde ligne renforce l’idée positive de la première. C’est comme si Jésus avait dit : ” Comme j’ai été le conduit à travers lequel le pardon de Dieu parvient au monde, soyez-le aussi. Votre mission n’est pas de condamner le monde. Dieu le fera. Votre reponsabilité c’est de communiquer son pardon. Je voudrais être sûr que vous le comprenez. Aussi je vous tiendrai responsables, si vous échouez.”

Le récit de la femme adultère illustre bien ce point (voir Jean 8 : 2-11). Les scribes et les pharisiens ont essayé de la condamner par une interprétation légaliste de la Torah. Jésus, au contraire, lui a transmis le pardon de Dieu : ” Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus. ”

Dieu offre le pardon au monde par son Fils, son Esprit et son peuple. Ainsi au nom du Fils, sous la direction et l’impulsion de l’Esprit, notre mission est de communiquer au monde le pardon et non la condamnation de Dieu. Si telle est bien notre mission, il convient de nous poser quelques questions importantes. Comment communiquer le pardon au monde, si nous ne pardonnons pas à nos frères chrétiens individuellement et collectivement ?

Ellen White, écrivait à G.I. Buttler (alors président de la Conférence Générale) : “J’ai peur de sanctionner le péché, et j’ai peur d’abandonner le pécheur … Si nous nous trompons, que ce soit plutôt en faisant grâce qu’en condamnant.” 3 Ces remarques sont bien en accord avec l’attitude de Jésus dans le quatrième Evangile. Et elles sont pertinentes pour nous.

Si nous avons tant de difficultés à communiquer le pardon, c’est en partie parce que nous avons du mal à l’accepter pour nos propres péchés. C’est aussi parce que nous pensons, à tort, que nous approuvons le péché des autres en leur reconnaissant le pardon de Dieu.

Acceptons notre rôle de conduit par lequel Dieu répand son pardon sur le monde. Et acceptons son pardon pour ces multiples occasions ou nous avons failli dans notre devoir de transmettre son pardon au monde à cause de notre légalisme et de notre intolérance.

James Cox (Docteur en philosophie de l’Université Harvard) est né en Nouvelle Zélande. Il a été président d’Avondale College en Australie. Il est actuellement vice-président du Washington lnstitute of Contemporary lssues à Washington D.C.


Citation recommandée

COX James, « L’autre grande mission », Dialogue 1 (1989/1), p. 20-21, 25


NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Toutes les citations des Evangiles sont directement traduites du texte grec.
  2. Littéralement (Jean 3: 17) : ” Au contraire, [ il l’a envoyé ] pour que le monde puisse être sauvé par lui “.
  3. Lettre 16, du 21 avril 1887.