Jésus 2020 : la construction d’une nation pour Dieu ?

Méditations spirituelles 03/03/2021

Mars 2021 | Bettina Krause | Adventist World 

Quelle est la position de l’Église adventiste sur le nationalisme chrétien ?

Le 6 janvier 2021, le monde a été témoin de nombreuses images choquantes alors que des émeutiers pénétraient de force dans le Capitole américain. En ce qui me concerne, une des images les plus troublantes a été la suivante : un grand drapeau dé- ployé à l’extérieur du Capitole. Conçu pour ressembler à une bannière de propagande politique, ce drapeau suggère que le chaos au Capitole avait l’approbation d’une source invraisemblable. On y lisait « Jésus 2020 ».

De l’autre côté du spectre, certains martèlent que si une partie des émeutiers ont évoqué des symboles ou des sentiments chrétiens, leurs actions, elles, ne ressemblaient en rien au vrai christianisme. Pour cette raison, disent-ils, toute tentative de dépeindre le christianisme en tant que puissance de motivation dans l’événement est soit malavisée, soit malveillante.

Alors, comment les gens de foi – comment les adventistes – peuvent-ils commencer à démêler ces revendications concurrentes ?

LE NATIONALISME CHRÉTIEN

Le nationalisme chrétien est une tentative de lier étroitement le christianisme à l’identité nationale – l’idée que pour être un vrai patriote, on doit aussi être un chrétien. Certains individus croient que des forces hostiles assaillent une nation autrefois chrétienne, et que du coup, les chrétiens sont appelés à combattre ces forces pour regagner le terrain perdu pour leur foi.

Il n’y a rien d’étonnant alors à ce que l’idéologie du nationalisme chrétien ait en trame d’horribles fils de haine : l’antisémitisme, le racisme, et une hostilité parfois violente envers toute minorité ethnique ou religieuse que l’on perçoit comme étant en décalage avec la forme dominante du christianisme.

ET LES ADVENTISTES LÀ-DEDANS ?

L’Église adventiste est on ne peut plus claire sur la façon dont elle considère le nationalisme chrétien : cette idéologie est antithétique à notre théologie et à nos croyances, et étrangère à nos valeurs les plus profondes. Une idée clé, c’est que l’Église, ses différentes institutions et ses représentants ne s’aligneront jamais sur un parti politique ou sur une idéologie politique.

Voici un autre principe : en tant que confession chrétienne, nous ne chercherons pas à obtenir des faveurs politiques, et nous n’utiliserons pas « notre influence auprès des dirigeants politiques et civils pour privilégier notre foi ou inhiber la foi des autres » (1).

Oui, au niveau individuel, les membres de l’Église sont encouragés, là où c’est possible, à participer avec sa- gesse et dans un esprit de prière à la vie civique en exerçant leur droit de vote, ou en prenant part au dialogue public, ou même en occupant une fonction publique (2). Cependant, dans toutes ces choses, le membre d’église agit et parle exclusivement en son nom.

Il arrive que l’Église adventiste prenne position sur une politique spécifique qui soit conforme à nos valeurs, et qu’elle parle de ces idées de façon publique.

La liberté religieuse est un domaine dans lequel l’Église prend constamment des positions publiques. Nous nous efforçons de défendre le droit de chacun d’obéir à la voix de sa conscience, qu’il ait des croyances religieuses ou pas.

Cependant, la contribution au discours public sur des questions spécifiques est profondément contraire aux grandes ambitions du nationalisme chrétien.

En résumé, les adventistes ne doivent pas chercher à exploiter le pouvoir politique pour créer un espace public qui soit strictement d’obédience chrétienne. Pourquoi ? En grande partie parce que notre compréhension biblique et les conseils d’Ellen White nous amènent à affirmer, sans équivoque, que « les efforts pour légiférer la foi sont, de par leur nature même, en opposition même avec les principes de la vraie religion, et donc, en opposition avec la volonté de Dieu » (3).

Le nationalisme chrétien – quelles que soient ses formes et ses variantes – nuira toujours au témoignage que nous portons en faveur de l’Évangile.


Bettina Krause, Département des Affaires publiques et de la liberté religieuse de la GC